Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qualité versus quantité : le rapport que nous examinons aujourd’hui opposerait ces deux modèles. Je me refuse à entrer dans ce débat.
Notre agriculture est plurielle : conventionnelle, haute valeur environnementale (HVE), raisonnée, bio, etc. Il y a de la place pour tous.
En revanche, je suis pleinement conscient du contexte qui a conduit à la rédaction de ce rapport : nous ne sommes plus compétitifs. C’est évident, et cela ne date pas d’hier : nous y avons tous notre part de responsabilité. Avec un constat : la ferme France s’affaiblit et s’appauvrit. Les chiffres en attestent : 100 000, c’est le nombre d’exploitations perdues au cours des dix dernières années, avec un taux d’agriculteurs dans l’emploi passé de 7 % en 1982 à 1, 5 % en 2019. Quel jeune va choisir ce métier ? Avec des prix non rémunérateurs et des coûts qui connaissent une hausse exponentielle – a fortiori avec l’augmentation des matières premières –, qui sera tenté ?
Les agriculteurs sont les seuls qui ne décident pas du prix de leurs produits. On le leur impose en faisant fi de tous leurs coûts de production. Cette asphyxie s’ajoute aux éléments exogènes qu’ils subissent de plus en plus durement : aléas économiques, climatiques et sanitaires, dont on parle souvent dans cet hémicycle.
Ils subissent la volonté de la grande distribution. Cependant, on peut agir. En amont, les professionnels doivent avoir des liens directs avec les consommateurs. Connaître l’évolution des goûts, des besoins, construire des stratégies et s’adapter au marché est un minimum. Et pourtant, certaines filières n’ont pas su s’y conformer.
Nos voisins espagnols se sont structurés par secteurs avec des stratégies collectives très efficaces sur les marchés européens. En France, on se concurrence les uns les autres…
Prenons l’exemple des coopératives viticoles, nombreuses en Occitanie, que je connais bien. Sur un même territoire, on est incapable de faire une offre globale, en produisant les mêmes vins : chacun pour soi ! C’est une voie facile pour les cinq négociants qui, de ce fait, jouent de la division des producteurs. In fine, ce sont eux qui fixent les prix et créent une dépendance. Il en est de même, d’ailleurs, pour d’autres filières.
Il est urgent de définir des approches nationales et régionales pour décider de stratégies commerciales et d’image efficientes, car notre agriculture s’inscrit dans un marché mondial où la concurrence est exacerbée. Mais nous ne luttons pas, il est vrai, à armes égales. Les charges sociales et les normes diffèrent et nos agriculteurs pâtissent de ces inégalités.
Dans le rapport, il est question de lourdeurs administratives. Souvent mentionnés par les agriculteurs en difficulté, les formulaires s’accumulent et prennent une large part du temps de travail. Lorsque l’on sait qu’ils travaillent plus de soixante heures par semaine, la simplification, vieux serpent de mer plus qu’acte réel, s’impose vraiment.
Monsieur le ministre, vous défendez vos administrations, c’est naturel. Mais les faits sont là, et les dossiers sont là. Le dernier pour lequel on m’a interpellé date de la semaine dernière : un jeune agriculteur de 26 ans s’est vu refuser plus de 20 000 euros, faute d’avoir remis un formulaire, ou parce qu’il a oublié de cocher une case dans une demande au titre de la politique agricole commune (PAC).
Alors oui, il peut perdre son entreprise et s’énerver. Le droit à l’erreur devrait s’imposer, tout comme la bienveillance devrait être de mise. Cette lourdeur bien caractéristique de la France contribue à notre baisse de compétitivité. Monsieur le ministre, je vous invite à remplir un dossier PAC, à compter les arbres, par exemple.