Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture est une chance formidable pour la France. L’épidémie de covid-19 a rappelé son importance stratégique, ainsi que celle des agriculteurs, qui se sont engagés, tout au long de cet épisode de crise sanitaire, pour nourrir les Français alors qu’une partie du pays était à l’arrêt. À l’heure où l’équilibre du monde est déstabilisé par le conflit russo-ukrainien, la souveraineté alimentaire est désormais non plus une option, mais une nécessité pour la France, qui a été et doit redevenir une grande nation agricole.
Néanmoins, pour atteindre cet objectif, il est indispensable de jeter un regard critique sur l’ensemble de notre politique agricole, de la production jusqu’au consommateur final. C’est tout l’objet du rapport d’information de la commission des affaires économiques réalisé par nos quatre collègues, dont je salue ici le travail. En effet, comment ne pas s’inquiéter lorsque l’on observe que la France se trouve être l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent, passant de la deuxième à la cinquième place parmi les exportateurs mondiaux en vingt ans ?
Dans le même temps, et comme le souligne le rapport, les importations alimentaires de la France ont doublé depuis 2000 et représentent, bon an, mal an, plus de la moitié des denrées consommées par les Français.
Notre production de viande bovine est, elle, en net recul. La France a perdu 11 % de son cheptel en six ans seulement, soit 837 000 vaches, et mon département de la Mayenne n’est pas épargné : en dix ans, on est passé de 600 000 bovins à 530 000.
Cette situation est particulièrement inquiétante au regard des importations de viande bovine, qui ont, elles, augmenté de 15 % sur un an, entre 2021 et 2022. Ainsi, un quart du bœuf consommé en France est importé, contre moins de 20 % il y a quelques années.
Bien sûr, comme le souligne également le rapport, de nombreux facteurs entrent en jeu pour expliquer cette situation. Le non-renouvellement générationnel des agriculteurs est problématique : entre 1982 et 2019, leur nombre a été divisé par quatre, passant de 1, 6 million à 400 000.
Le constat étant dressé, il nous faut désormais mettre sur la table les solutions qui permettront de redresser la ferme France et de préserver notre titre de puissance agricole. Nous devons pour cela susciter un choc de compétitivité, qui passe d’abord par la nécessaire simplification des normes applicables aux agriculteurs. Il est indispensable de leur donner de la clarté et de la visibilité sur des normes sanitaires, environnementales et administratives qui ne cessent d’évoluer.
Ainsi, pour ne citer qu’un exemple récent, l’Union européenne est en train de se pencher sur une révision des normes de commercialisation visant à changer les règles d’étiquetage des modes d’élevage des volailles, ce qui menace désormais la production de volailles fermières, particulièrement présente dans l’ouest de la France.
Pendant ce temps nos accords de libre-échange autorisent l’importation de denrées alimentaires dont les normes de production sont loin des standards européens, avec un coût, logiquement, réduit.
Nous sommes donc en train, d’un côté, d’asphyxier nos agriculteurs sous des normes et des surtranspositions que nous n’exigeons pas des pays hors Union européenne et, d’un autre côté, de créer deux France : une France qui peut s’offrir des produits européens plus chers en raison des normes et une France qui achète et consomme des denrées importées qui échappent à certains contrôles. Cela doit cesser.
Il nous faut aussi engager d’urgence un choc de simplification pour notre agriculture et une révision des accords de libre-échange. Ces deux conditions sont indispensables pour permettre à nos concitoyens de consommer français à un coût compétitif.
Le défi du renouvellement générationnel auquel est confronté notre monde agricole doit également faire l’objet d’une action urgente. Cela passe par le renforcement de l’accompagnement des jeunes agriculteurs, notamment avec la dotation jeune agriculteur (DJA). Les banques doivent également jouer leur rôle en mettant à leur disposition des interlocuteurs véritablement à l’écoute de leurs projets.
Enfin, le dernier chantier est incontestablement celui de l’adaptation de notre agriculture au réchauffement climatique, que ce soit en matière d’utilisation de la ressource en eau ou de gestion des catastrophes naturelles. Il est indispensable de soutenir les agriculteurs qui investissent dans des équipements d’irrigation moins consommateurs en eau et plus performants. Il convient aussi de mieux protéger nos exploitations agricoles dans le cadre du dispositif de catastrophes naturelles. Comme bon nombre d’entre vous l’ont constaté, les grêles ont causé des dégâts importants sur nos cultures au printemps dernier – d’ailleurs, monsieur le ministre, vous étiez alors venu dans mon département. Il est donc de notre devoir d’accompagner et de mieux soutenir ceux qui subissent ces pertes, comme cela a été fait avec la réforme du système d’assurance récolte.
En résumé, il nous faut nous donner les moyens de travailler avec nos agriculteurs à une législation plus équilibrée et à des accords internationaux plus justes. Il y a donc du pain sur la planche, monsieur le ministre !