Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre agriculture façonne le paysage français. Elle fait partie de notre ADN national. Elle est aussi la base de notre patrimoine culinaire, avec ses fromages, ses cultures, ses viandes, ses vins, ses terroirs et sa diversité. Cependant, le constat qu’on peut poser sur l’agriculture française devient préoccupant. Notre collègue Laurent Duplomb, dans son rapport du 28 mai 2019, intitulé La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ?, mettait déjà en évidence le déclin de notre agriculture.
Force est de constater que rien n’a changé, et que la crise actuelle a même renforcé certaines difficultés, notamment dans l’élevage. Notre production stagne, voire recule dans certains secteurs, depuis les années 1990. Nous sommes le pays dont les parts de marché à l’export ont connu les plus fortes baisses depuis 2000, en raison d’une compétitivité qui s’effrite.
En parallèle, nos importations progressent : elles ont plus que doublé en vingt ans, et nous importons aujourd’hui pour 63 milliards d’euros de denrées alimentaires.
Pourtant, notre agriculture dispose d’un potentiel incontestable. En effet, la France est le principal producteur européen, loin devant l’Italie et l’Allemagne. Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire d’une telle évolution.
Il est urgent d’agir. Je salue le travail de nos trois rapporteurs, qui soulignent la baisse de compétitivité en dressant quatre constats. Ce travail essentiel et pertinent, qui s’appuie sur la réalité de cinq filières, les a conduits à formuler vingt-quatre propositions.
La période actuelle nous oblige à réaffirmer notre souveraineté alimentaire. Nous devons agir rapidement, car notre autonomie alimentaire est mise en péril. À titre personnel – cela a été évoqué par notre collègue Amel Gacquerre –, je pense que la stratégie de montée en gamme prônée, notamment, par le Président de la République dans son discours de Rungis, ne peut définir à elle seule notre futur agricole. Nous devons être présents sur tous les créneaux et sur toutes les gammes, le haut de gamme comme l’entrée de gamme, pour répondre aux attentes de tous les consommateurs. L’augmentation des importations sur certains produits et le recul du bio sont des signes plutôt clairs. Cette tendance s’est d’ailleurs accrue depuis le début de la crise ukrainienne.
Après la lecture du rapport, j’ai choisi de mettre en lumière un problème qui a été très bien identifié, celui des surtranspositions trop nombreuses et des lois franco-françaises trop strictes. À titre d’exemple, 454 substances actives sont autorisées au sein de l’Union européenne, alors que la France n’en admet que 309. Nous ne pouvons pas nous imposer des règles dont nos voisins s’affranchissent ; nous devons plutôt exiger que les produits que nous importons soient soumis aux mêmes normes que celles qui s’appliquent à ceux de nos agriculteurs.
Il faut donc poursuivre cette harmonisation européenne pour éviter la concurrence intra- et extraeuropéenne, qui nous pénalise. C’est pourquoi il me semble que la deuxième recommandation du rapport, à savoir donner corps au principe de l’arrêt des surtranspositions grâce à une mission confiée au Conseil d’État, est très intéressante.
L’exemple de la filière betteravière illustre bien ce sujet. Ainsi, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient d’interdire la dérogation concernant les néonicotinoïdes. La filière est aujourd’hui dans une impasse technique pour lutter contre les pucerons verts et la jaunisse.
Je rappelle que la France est le premier producteur de sucre de l’Union européenne.
Cet exemple met en évidence, une nouvelle fois, la mise en péril de notre souveraineté par des législations mal adaptées aux réalités des territoires.
Il est absolument indispensable d’élaborer préalablement des études d’impact et de s’assurer de l’existence de solutions alternatives permettant d’éviter les impasses techniques qui fragilisent durablement des filières entières.
Monsieur le ministre, nous connaissons votre engagement, et, bien sûr, vous n’êtes pas comptable de cette situation dégradée. Il faut donner à nos agriculteurs les moyens d’être performants et compétitifs. Nous serons évidemment à vos côtés pour atteindre cet objectif.
Ne faisons pas de notre agriculture ce que nous avons fait de notre industrie ! Il est urgent d’agir !
Les agriculteurs français sont motivés et passionnés ; ils aiment leur métier, mais les surcharges administratives et la complexité de nos politiques publiques en atténuent l’attractivité. Il est important de redonner du sens à cette profession et d’ouvrir des perspectives aux jeunes, pour que nombre d’entre eux acceptent d’exercer ce merveilleux métier et de s’y investir.
Monsieur le ministre, comptez-vous utiliser les recommandations de ce rapport transpartisan comme base de travail pour le pacte et la loi agricoles que vous êtes en train de préparer ?