Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 7 février 2023 à 22h00
Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme france — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la commission des affaires économiques

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de la compétitivité de la ferme France suppose que l’on se mette d’accord sur la définition même des termes.

Dans le rapport dont nous débattons ce soir, la compétitivité est définie via des prix, des volumes et des coûts de production sur un marché internationalisé.

Or cette définition doit nous interpeller. On ne peut pas continuer à recourir à cette notion de compétitivité pour occulter des réalités multiples qui ont in fine un impact sur des dépenses assumées de façon collective.

Que devient notre compétitivité si l’on intègre le coût caché des pesticides, estimé entre 370 millions d’euros et plusieurs milliards d’euros par an pour la France ? Que devient-elle si l’on prend en compte l’impact des engrais azotés sur le climat, l’eau, les sols ? A-t-elle encore un sens si l’on omet de tenir compte des conséquences des pratiques agricoles sur les pollinisateurs et la fertilité des sols, dont nos cultures dépendent, et d’analyser leurs incidences sur l’emploi ou la qualité nutritionnelle des aliments ?

Nous interroger sur cette fameuse « compétitivité » devrait aussi nous conduire à évoquer les nombreuses subventions publiques, qui mettent le système agro-industriel sous perfusion : rappelons qu’à peine 1 % des 23, 2 milliards d’euros de fonds publics versés chaque année ont un véritable effet sur la réduction de l’utilisation des pesticides.

Certes, nous ne pouvons pas nous affranchir en un jour du marché mondial et de ses règles, mais nous pouvons agir pour mettre fin aux accords de libre-échange, négocier des clauses miroirs et encourager à la fois une régulation des marchés et la relocalisation de notre alimentation.

Alors que de plus en plus de citoyens sont en situation de précarité et sont contraints de fonder leurs choix alimentaires sur les seuls prix, il est de notre responsabilité de garantir l’accès de toutes et tous à des produits sains et durables. À cet égard, le rapport de notre collègue Mélanie Vogel sur la sécurité sociale écologique du XXIe siècle, dont un chapitre portait sur l’alimentation, a permis d’esquisser quelques pistes.

Vous l’aurez compris, pour nous, la solution n’est pas de subventionner encore et toujours la supposée compétitivité d’un modèle agro-industriel à bout de souffle. Il nous faut, au contraire, garantir une véritable compétitivité, incluant l’ensemble des externalités, positives ou négatives, de nos systèmes agricoles.

Je veux insister ici sur la nécessité d’un modèle agricole qui tienne compte de cette notion de performance globale, en termes à la fois de production, d’emploi, de respect de l’environnement, de santé publique et de relocalisation. Je parle évidemment ici, cela ne vous surprendra pas, de l’agriculture biologique.

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