Intervention de Béatrice Gosselin

Réunion du 7 février 2023 à 22h00
Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme france — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la commission des affaires économiques

Photo de Béatrice GosselinBéatrice Gosselin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de septembre 2022, une journaliste de l’hebdomadaire Le Point écrivait : « La commission des affaires économiques du Sénat tire, pour la énième fois, le signal d’alarme : la “Ferme France” ne va pas bien, elle produit de moins en moins et, pour nourrir le “Peuple France”, les importations explosent ! »

Notre pays, aux terres fertiles, au climat tempéré, aux savoir-faire et à la diversité des produits, a de nombreux atouts pour réussir. Pourtant, notre agriculture va mal et le monde agricole est préoccupé par un certain nombre de points, au nombre desquels figurent les changements réglementaires permanents, ainsi que la pression concurrentielle croissante. La compétitivité de notre agriculture chute et les conséquences sont inquiétantes pour notre souveraineté alimentaire.

Beaucoup de filières souffrent et certains succès cachent bien des problèmes.

Deuxième producteur de lait de l’Europe, la France alimente son marché intérieur avec 58 % de sa collecte, tout en exportant 40 % de sa production, en majorité vers les pays européens. En Normandie, la filière lait détenait un troupeau de 547 000 vaches laitières en 2021.

Pourtant, si les éleveurs maintiennent les produits laitiers sur la scène internationale, c’est au prix de la faiblesse de leurs revenus pour répondre à la guerre des prix.

Ce soi-disant « miracle français » se traduit plutôt par l’expression « filière en danger et désastre annoncé » pour la production laitière. En effet, le manque de trésorerie pénalise les investissements susceptibles d’améliorer la productivité et les revenus.

Des exploitants agricoles, découragés par les revenus faibles, le coût des investissements et les contraintes quotidiennes de l’élevage, arrêtent la production laitière. Ainsi, la Normandie a connu une baisse de sa production de 32 % de 2010 à 2020 et des régions de bocage et d’élevage, comme la Manche, voient leur cheptel bovin diminuer de façon importante.

C’est une situation de plus en plus difficile à supporter pour les producteurs et un point de blocage pour les jeunes candidats à l’installation. Se pose alors le problème de la transmission, sachant qu’un éleveur sur deux est âgé de 50 ans ou plus et que la baisse du nombre d’exploitations laitières est plus importante en France que dans les autres pays européens.

Le nombre d’élevages de porcs a chuté de 40 % en dix ans en Normandie. La filière porcine obéit à des règles de production exigeantes sur le plan technique et très aléatoires sur le plan économique. Le prix de vente fluctue énormément, alors que les charges continuent de progresser. La production porcine française est donc plutôt à la baisse. Dans le même temps, en Espagne, pays premier producteur européen, 58 millions de porcs ont été abattus en 2021.

Dans un autre domaine, la production française de pommes a été divisée par deux depuis trente ans. On en exporte deux fois moins qu’il y a sept ans, alors qu’une pomme sur trois est importée pour être transformée.

La surtransposition des normes nuit également à la compétitivité de l’agriculture française. La France impose des normes plus contraignantes que les directives européennes, ce qui augmente le coût de production. Par exemple, notre pays oblige à un recyclage des eaux issues de la transformation laitière, alors que les pays concurrents sont autorisés à réutiliser ces eaux sans traitement.

L’État français interdit 145 produits phytosanitaires, pourtant utilisés dans l’agriculture des pays concurrents de l’Union européenne. Cela crée une distorsion de concurrence évidente.

Les produits issus de l’agriculture française sont souvent plus chers pour les consommateurs, notamment en raison de l’importance des charges, dont le coût de la main-d’œuvre, qui est plus élevé en France.

Depuis 2017 et son discours de Rungis, le président Macron prône le « tout montée en gamme ». Même si cette stratégie correspond à certains marchés, elle n’améliore pas globalement la situation.

Pour les exportateurs et les consommateurs nationaux, le positionnement français sur les produits haut de gamme ne justifie pas un tel écart de prix avec des concurrents. Les habitudes de consommation des ménages se traduisent, dans les faits, par une réduction des quantités achetées, au regard des prix.

La pomme bio, par exemple, qui revient en moyenne deux fois plus cher que la pomme conventionnelle, est achetée par seulement 21 % des consommateurs. Elle est également difficile à vendre à l’étranger : 38 % des producteurs bio sont alors contraints d’écouler leur surproduction sur le marché conventionnel, ce qui représente une baisse de revenus de 820 euros par tonne.

Nous devons désormais agir avec force pour éviter que notre pays à la terre nourricière ne devienne un pays sans autonomie alimentaire.

Le rapport sénatorial a formulé plusieurs recommandations en ce sens afin, notamment, de maîtriser les charges de production, d’éviter les surtranspositions et de relancer la croissance de la productivité.

Je tiens à saluer la qualité du travail réalisé et je souscris pleinement à ces recommandations. Nous devons absolument engager au plus vite ce choc de compétitivité.

Notre pays manque de stratégie. Or la clé de la réussite des pays qui gagnent est leur capacité à définir une stratégie et un objectif clairs. La compétitivité doit donc être un objectif politique clair.

Nous le devons à notre agriculture, tant cette activité est au cœur de l’avenir de nos territoires, que le Sénat a précisément vocation à représenter !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion