Intervention de Marc Fesneau

Réunion du 7 février 2023 à 22h00
Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme france — Conclusion du débat

Marc Fesneau :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, madame la présidente de la commission, tout d’abord, je voudrais vous faire part de ma joie de pouvoir débattre, une nouvelle fois, du sujet de la souveraineté alimentaire, et de sa reconquête.

Je voudrais également saluer la qualité du travail réalisé par le Sénat, à l’occasion de ce rapport en particulier, mais aussi plus généralement sur les sujets agricoles.

Mes propos ne relèvent pas de la flagornerie. En effet, je pense que vous avez souvent su poser les termes du débat, avec tout le recul nécessaire, sur des sujets bien plus complexes que la caricature qui en est faite dans un certain nombre de tribunes.

Je salue donc le travail accompli par le sénateur Duplomb, par le sénateur Louault et par le sénateur Mérillou. Ce rapport sur la compétitivité de la ferme France et le débat que nous avons eu ce soir sont, me semble-t-il, utiles pour penser l’avenir de notre agriculture dans une période à la fois de défis – ce qui a été souligné par plusieurs d’entre vous – et marquée par le conflit en Ukraine.

Cette guerre démontre, s’il en était encore besoin – vous en étiez en tout cas, comme moi, convaincus –, combien produire pour nourrir est essentiel.

Ce rapport dresse des constats éclairants sur les politiques menées depuis la fin des années 1990, notamment lorsque ses auteurs évoquent le choix de la stratégie de montée en gamme. Il montre que la perte de compétitivité, à laquelle ce rapport conclut, n’est pas un sujet nouveau. J’évoquerai naturellement dans mon propos les orientations politiques que nous privilégions depuis 2017.

Ensuite, nous pouvons partager certains constats dressés par le Sénat et un certain nombre de solutions. Oui, nous avons perdu des parts de marché à l’international, pour certaines productions, et la tâche est immense pour assurer notre souveraineté alimentaire.

Pour autant, je ne crois pas qu’il faille opposer production de masse – je l’ai déjà dit – et montée en gamme, comme le fait ce rapport, en considérant que la priorité doit aller à l’une à la place de l’autre. Ces deux stratégies doivent être menées de front pour répondre à la demande et aux différents besoins des consommateurs.

Notre mission ne peut pas non plus être de tout produire sur notre sol. Ce n’est d’ailleurs pas le sens de la souveraineté alimentaire, qui repose également sur un équilibre entre les productions – reconnaissons-le – des différentes régions du monde.

Ce ne serait pas réaliste, sachant que l’alimentation est aujourd’hui une affaire de complémentarité, de compensation, d’échanges saisonniers, encore davantage sous le régime des dérèglements climatiques.

L’enjeu réside dans la combinaison des objectifs de production de masse et de montée en gamme de certaines filières spécifiques ; c’est impératif pour maintenir la diversité de nos systèmes agricoles, dont la force est une source de richesses.

L’enjeu, c’est également de combiner l’objectif de souveraineté avec celui d’une production capable de répondre aux besoins des consommateurs.

Il est aussi nécessaire de mener, pour le secteur agricole en particulier, des transitions, que nombre de nos concitoyens appellent de leurs vœux en général. Si nous ne sommes pas en mesure d’adapter l’agriculture aux défis du dérèglement climatique, de la perte de biodiversité et du stockage du carbone dans le sol, alors nous ne pourrons pas garantir notre souveraineté alimentaire.

Il est donc impératif d’accélérer la transition, car un haut niveau d’exigence sera indispensable pour conquérir de nouveaux marchés et répondre à de nouvelles attentes ; sur ce point, demeure la question de la distorsion de concurrence avec les autres États européens qui pourrait résulter de telles mesures.

Je conclurai en rappelant les actions que nous avons menées depuis 2017. En matière de revenus, nous avons mis en place les lois Égalim 1 et 2 – vous avez largement participé à leur élaboration et vous aurez l’occasion d’examiner un nouveau texte prochainement. Elles tracent la voie vers l’inversion de la logique de la construction du prix. Nous ne sommes pas au bout du chemin, mais nous avons soulevé pour la première fois depuis très longtemps la question de la construction du prix – elle doit commencer avec les coûts de production.

Nous avons également accompagné les transitions, à l’occasion du Varenne agricole ; il faut maintenant le concrétiser sur le terrain, notamment en développant l’accès à l’eau.

Je pense également aux adaptations au changement climatique que nous essayons de mettre en place via le plan France 2030.

Par ailleurs, nous cherchons à défendre notre agriculture en tant qu’Européens. Lors de la présidence française de l’Union européenne, nous avons inclus – c’est une première – les notions de réciprocité et de clauses miroirs dans les accords internationaux, alors même qu’elles n’étaient pas demandées dans le débat public. Y recourt-on suffisamment à ce jour ? La réponse est non, mais nous devons œuvrer en ce sens, avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et avec les autres États membres, afin qu’elles puissent s’appliquer. Nous devons nous mettre d’accord avec nos partenaires commerciaux pour qu’un certain nombre de clauses miroirs puissent être défendues et respectées.

Enfin, toute cette réflexion alimentera les débats sur le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles que je présenterai prochainement. Nous en sommes actuellement à la phase de concertation, au cours de laquelle nous avons abordé l’ensemble des sujets relatifs à la rémunération, aux transitions, aux adaptations, au portage du foncier et des capitaux, à la formation et à l’innovation, etc. Ces sujets participent d’un écosystème, si je puis dire.

On a beaucoup dit que l’agriculture se porte mal – c’est vrai, un certain nombre de secteurs sont en difficulté –, mais quel formidable métier ! Il est porteur de sens et il a l’avenir devant lui, car il touche à notre capacité de produire, de nourrir, de stocker du carbone et de défendre un certain nombre de valeurs qui sont celles de notre territoire.

Voilà ce que nous essaierons de défendre au travers de ce projet de loi à venir.

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