Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le titre du débat qui nous réunit cette après-midi peut paraître provocateur : « l’État territorial, entre mirage et réalité ».
Cette apparente provocation est toutefois forte de sa vérité, puisqu’elle rend compte des incertitudes graves pesant sur le rôle de l’organisation de l’État dans nos territoires. Cette question a été particulièrement mise en évidence pendant la crise sanitaire.
Le malaise est palpable chez les élus locaux – ce n’est pas une surprise ! –, au premier rang desquels les maires, mais aussi parmi les usagers, et il s’étend aux agents de l’État eux-mêmes.
L’État déconcentré a pourtant fait l’objet de multiples attentions depuis une quinzaine d’années ; il constitue même l’un des principaux champs de réforme de l’action publique. Les acronymes n’ont pas manqué pour désigner des politiques qui ont touché les services déconcentrés de l’État : la RéATE – réforme de l’administration territoriale de l’État –, la MAP – modernisation de l’action publique –, le PPNG – plan Préfectures nouvelle génération.
Cette cascade de réformes me semble traduire des tâtonnements et des coups de volant un peu brusques, à l’exemple du sort réservé au préfet de département. Pierre angulaire de l’État déconcentré, celui-ci a vu ses marges de manœuvre réduites par l’irruption du préfet de région, puis ses compétences réaffirmées, alors que le pouvoir d’évocation, donc de reprise du sujet, est toujours reconnu au préfet de région. Et, désormais, le préfet sera fonctionnalisé, fondu dans un corps plus large que la préfectorale, laquelle vient de disparaître…
Nous en sommes tous d’accord : cette succession saccadée de réformes est le signe d’un défaut de vision et d’une faiblesse dans l’évaluation de ces politiques publiques successives.
Madame la ministre, l’évaluation des politiques publiques est au cœur de la culture du Sénat, singulièrement de sa délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, pour ce qui la concerne, mais aussi de sa commission des lois.
Or aucune des réformes que je viens d’égrener n’a fait l’objet d’une évaluation ex post digne de ce nom. Tout s’est passé comme si les idées préconçues, les remèdes miraculeux et les intuitions plus ou moins judicieuses prenaient le pas sur la rigueur et sur l’objectivité.
Tirant ce constat d’un déficit d’évaluation, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est particulièrement investie sur le sujet. Je veux saluer l’excellent travail de nos collègues Agnès Canayer et Éric Kerrouche, qui ont conduit, ces derniers mois, une mission d’information remarquable, fouillée et rigoureuse. Celle-ci a abouti à un rapport intitulé À la recherche de l ’ État dans les territoires, parce que l’on est un peu Indiana Jones quand on est élu local…