Il s’agit non pas d’un énième marronnier, dans un domaine qui en compte beaucoup, mais bel et bien d’une boussole pour l’avenir, présentant une vision très claire de ce que doit être, et ne doit pas être, l’État dans nos territoires.
Nos deux collègues n’ont pas hésité à prendre directement le pouls du corps préfectoral par un sondage. Il n’est pas si fréquent que les préfets et les sous-préfets se livrent ainsi à cœur ouvert sur leur vécu professionnel, et je tiens à remercier, au nom de la délégation, M. le ministre Darmanin, qui a rendu possible cet exercice inédit, mais fructueux. Madame la ministre, je vous prie d’ailleurs de lui rappeler que nous serons très heureux de lui remettre ce rapport en mains propres.
Cette consultation des membres du corps préfectoral s’est accompagnée d’un sondage auprès des élus locaux. Cette seconde consultation est très intéressante, plus encore lorsque l’on rapproche ses résultats de ceux de la première, car il se trouve que les points de vue des élus locaux et des membres de la préfectorale se rejoignent sur de nombreux points, ce qui rend ce rapport fort pertinent.
Cette comparaison met en lumière plusieurs points saillants. Ainsi, les deux groupes s’accordent sur le fait qu’une réforme territoriale de l’État est souhaitable ; en revanche, ce sont les représentants de l’État qui dénoncent le plus le rythme de la réforme, à 85 %, contre 64 % chez les élus locaux. Si ces derniers ont très majoritairement – à 80 % – le sentiment de ne pas être associés aux réformes, ce sentiment est partagé par 43 % des représentants de l’État, qui regrettent un manque d’association des préfets à ces réformes, voire un déficit de consultation.
Enfin, un point est tout à fait révélateur : un représentant de l’État sur quatre, seulement, estime que la réforme de l’organisation territoriale de l’État est efficace.
Pour autant, attend-on un Grand Soir de l’État territorial ? Selon les termes de nos collègues Canayer et Kerrouche : « Nul besoin d’un nouveau big-bang administratif au sein de l’État territorial ».
En revanche, l’État doit retrouver son efficacité dans le dernier kilomètre et jusqu’à l’ultime citoyen. Pour y parvenir, nous avons la conviction, renforcée par l’analyse que nous avons menée de la crise sanitaire, de la pertinence d’un échelon de l’État au niveau départemental pour relever un grand nombre de défis.
Pour autant, le couple maire-préfet de département doit pouvoir compter, pour bien vivre, sur un accompagnement de l’État qui aurait changé de culture en disposant de plus de moyens ; d’un État qui facilite et qui permette et non d’un État tatillon, contrôleur, voire, s’agissant de certains services, qui interprète à sa manière – erronée ! – l’esprit du législateur.
Les rapporteurs évoqueront leurs suggestions et poseront leurs questions, mais je tiens à relever une proposition révolutionnaire, qui fait le buzz dans le milieu et qui me semble très pertinente : le rattachement des préfets au Premier ministre.
Il n’y a pas d’autre moyen de renforcer la cohésion des politiques de l’État et de leur application. Madame la ministre, si la République est une et indivisible, il me semble que l’État doit l’être tout autant. Il est de bon sens, selon moi, qu’il parle d’une seule voix et que le préfet soit chef d’orchestre.
Madame la ministre, ce rapport est de nature à susciter une intense réflexion. Notre débat s’inscrit dans un calendrier marqué par la volonté du président du Sénat d’avancer, à l’intention du Gouvernement, de nouvelles propositions en matière d’efficience de l’action publique, notamment par le biais de la décentralisation et de la déconcentration.
À l’issue d’un travail qui associe l’ensemble des groupes politiques du Sénat, nos échanges alimenteront cette ambition, et je ne doute pas qu’ils nourriront également la réflexion du Président de la République. Je me suis laissé dire, en effet, que celui-ci considérait comme urgent d’adapter l’architecture institutionnelle pour gagner en efficience…
Nous ne cessons de réformer, de corriger et de poser des pansements, mais nous souffrons d’un mal extrêmement profond : ces réformes successives tétanisent nos élus locaux et empêchent l’action publique dont nos concitoyens ont besoin.
J’ajoute que toutes les réformes territoriales sur lesquelles nous avons travaillé ont éludé la question existentielle : quid de l’État ? Quelles sont ses fonctions et ses compétences ?
Je n’ai de cesse de rappeler que nous devrions mettre fin à ses aventures hasardeuses de recomposition, parce que nous partageons tous un seul objectif : l’efficience de l’action publique dans une relation de confiance entre l’État et les collectivités.