Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, un État n’existe que sur un territoire donné, avec une population et une organisation institutionnelle durables. L’État étant par nature territorial, l’expression « État territorial » est tautologique.
Plus encore, il existe un lien indéfectible entre l’État et ses services déconcentrés, d’une part, et les collectivités territoriales, de l’autre.
L’expression « État territorial » traduit la difficulté à concevoir l’État à l’échelle locale, laquelle devient alors davantage une variable managériale d’un État soucieux de faire des économies qu’une perspective de développement territorial pensée sur un temps long.
Les nombreuses réformes engagées lors des vingt dernières années illustrent les difficultés à répondre aux deux questions majeures sur le rôle de l’État : quels doivent être les rapports entre l’État et les élus locaux ? Quelle est l’organisation optimale de l’État à l’échelle locale ?
Je rappellerai tout d’abord une évidence, qui tend parfois à être oubliée : « L’administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l’État », d’après la loi de 1992 relative à l’administration territoriale de la République.
Si l’État est unitaire, son organisation territoriale passe par une déconcentration effective, au service des collectivités territoriales et de la population.
La réforme continue des services de l’État et les principales lois adoptées à ce sujet ont porté sur la révision et sur la modernisation de l’action publique, avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), la MAP, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) ou la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Leur objectif, qui était d’améliorer la situation, n’a jamais été atteint. Il est aujourd’hui nécessaire que l’État local soit moins dispersé et mieux centré sur ses missions.
En ce sens, la proximité et l’accessibilité de l’État doivent être renforcées dans le cadre départemental, en concertation avec les élus locaux.
Les nombreuses réformes ont créé des difficultés d’assimilation. Il me semble dès lors nécessaire de consolider le rôle de l’État et de mieux associer les élus locaux aux réformes des services déconcentrés.
Je pense également que le rôle du préfet de département est primordial dans la mise en œuvre des réformes et dans la stratégie du dernier kilomètre, afin que les décisions soient prises au plus près des citoyens, dans une logique de subsidiarité permettant d’envisager la différenciation territoriale.
Sans nier le rôle du préfet de région, j’estime que le préfet de département doit être une ressource pour les élus locaux, notamment ceux des plus petites communes, un coordinateur et un pilote des politiques publiques. Pivot entre l’État national et local, il doit pouvoir disposer de ressources humaines et budgétaires suffisantes, ce qui n’est malheureusement plus toujours le cas depuis plusieurs années.
Au contraire de cette tendance, je partage l’idée qu’il faut le réarmer intelligemment.
Tout d’abord, avec davantage de moyens humains, une demande qui émane du corps préfectoral et qui est corroborée par des chiffres édifiants !
Ensuite, en adaptant l’organisation des services déconcentrés. Certains services sous tutelle ministérielle, comme les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ou l’Office français de la biodiversité (OFB), disposent d’une autonomie excessive. Leur pouvoir de décision pose des problèmes concrets dans la mise en œuvre des politiques publiques, notamment dans les domaines des énergies renouvelables et de la protection contre les risques de prédation. Pour les raisons que j’ai déjà évoquées, ces services déconcentrés devraient être placés sous l’autorité du préfet.
Au total, le démembrement ou l’éclatement de l’État en opérateurs et autres agences ne conduit pas à la simplification territoriale, qui est paradoxalement le maître-mot des réformes depuis quinze ans.
Enfin, les services déconcentrés doivent conserver un haut niveau de compétences pour l’exercice de leurs missions d’ingénierie territoriale.
Sans m’étendre, je terminerai en mentionnant les risques que font peser sur l’organisation territoriale de l’État la fonctionnalisation des préfets, l’augmentation du nombre des préfets thématiques et le délaissement des sous-préfectures.
Pour que l’État territorial ne soit pas qu’un « État plateforme », il est donc nécessaire de renforcer les services déconcentrés de l’État en suivant des principes simples, qui ont été rappelés : proximité et compétences sous l’autorité du préfet, dans le cadre du département.
Il n’y a nul besoin d’un énième big-bang territorial, il faut simplement revenir aux fondamentaux de l’administration territoriale de l’État.