Intervention de Michelle Gréaume

Réunion du 9 février 2023 à 14h30
L'état territorial entre mirage et réalité — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales

Photo de Michelle GréaumeMichelle Gréaume :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation n’a cessé de travailler et d’auditionner des acteurs et des associations pour trouver des réponses à ses questions, qui ne datent pas d’aujourd’hui, sur la place de l’État territorial, sur sa présence et sur son action au sein de notre République.

Cet État territorial est encore trop absent, trop observateur, trop loin des réalités de nos collectivités et des demandes de nos habitants.

Madame la ministre, l’État doit s’appuyer sur ses services déconcentrés en leur donnant les moyens d’agir ; c’est uniquement de cette manière que l’administration territoriale de la République pourra assurer sa mission de service public auprès de celles et ceux qui en ont besoin au quotidien.

Or, à coups de réformes successives, vous avez éloigné l’État de nos territoires, de nos collectivités territoriales. Cela fait plus de dix ans que l’État se désengage, à coups de fermetures de services préfectoraux et de baisses budgétaires qui ont des conséquences drastiques sur la gestion quotidienne au sein des services déconcentrés de l’État.

Alors, oui, la réalité est celle-ci : l’égalité républicaine promise par l’État est une illusion, un mirage. Pourquoi un désengagement si fort de l’État ?

Ce sont, comme trop souvent, les collectivités territoriales qui subissent cet entassement des réformes, souvent sans les ressources ni l’ingénierie nécessaire.

Il y a quelques mois encore, nous étions interpellés par les maires de nos départements concernant les demandes de passeport et de carte d’identité nationale : les administrations ne disposaient pas des moyens humains et financiers requis pour assurer ce service public, sans compter les délais de traitement allongés en préfecture pour les mêmes raisons.

Je ne vous parle même pas de celles et ceux qui ont besoin de renouveler leur titre de séjour pour continuer de travailler, pour obtenir un emploi ou pour se loger dignement. Les files d’attente, dès six heures du matin, n’en finissent pas dans les préfectures ; voilà la réalité de l’État territorial !

J’aimerais m’arrêter, mais la réalité nous rattrape. Aussi, pour compenser le manque de moyens, on privilégie la déshumanisation, avec la forte dématérialisation qui affecte le service public.

Prenons l’exemple des maisons France Services, qui ont été créées pour accompagner cette dématérialisation, mais qui sont confrontées à des obstacles : les liens sont rompus avec l’administration, les agents n’ont pas la formation adéquate et, de ce fait, ne peuvent garantir aux usagers un service public à la hauteur. Un maire sur deux d’une commune de moins de 1 000 habitants estime que l’offre de services publics sur son territoire est défaillante.

La crise sanitaire a témoigné de l’importance, voire de la nécessité, d’associer les élus locaux aux décisions qui affectent les collectivités territoriales. De ce fait, le lien avec les représentants de l’État, les préfets, est plus que jamais nécessaire. La place du préfet de département et du sous-préfet d’arrondissement est importante. Le couple maire-préfet doit vraiment exister.

Or, aujourd’hui, quatre élus locaux sur cinq estiment ne pas avoir été suffisamment associés aux différentes réformes des services déconcentrés de l’État. Celui-ci doit mettre à la disposition des élus locaux une ingénierie efficace et efficiente, afin de les accompagner au quotidien, notamment pour les grands projets.

Durant l’examen du projet de loi de finances pour 2023, nous avons défendu cette volonté de transparence, notamment dans l’attribution de subventions de l’État au travers de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la DSIL.

Il faut rendre visibles les critères, instaurer des commissions qui expliqueraient chaque projet et motiveraient les refus. Pour bénéficier du fonds vert, les élus locaux doivent pouvoir compter sur le préfet, qui jugera si le projet s’inscrit bien dans une démarche écologique. Encore une fois, un travail en amont d’échanges et de concertation entre les élus locaux et le préfet sera indispensable.

Madame la ministre, les politiques et les réformes imposées par le haut ne permettront pas à l’État territorial d’exister et de jouer le rôle qu’on lui demande, à savoir assurer une mission de service public auprès de nos territoires et de leurs habitants.

Il faut que le préfet soit identifié et à l’écoute de celles et de ceux qui occupent le terrain au quotidien. Il faut que les moyens alloués soient à la hauteur des besoins. Il faut aussi de l’horizontalité dans la pratique, pour que nos territoires soient réellement « réarmés », comme le souhaitait l’ancien Premier ministre Jean Castex.

Aussi, madame la ministre, je vous interroge : comment comptez-vous renouer ce lien rompu entre l’État et ses territoires ? Prendrez-vous en considération les réflexions menées au sein de notre délégation ?

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