Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si réforme de l’État territorial et décentralisation vont de pair, il n’y aura pas de décentralisation réussie sans une déconcentration pertinente.
Aussi, je regrette la méthodologie défaillante des trop nombreuses réformes de l’État déconcentré depuis quinze ans. Françoise Gatel a eu raison de rappeler l’enchaînement frénétique et l’empilement des réformes, qui ont donné le tournis aux élus locaux et désorienté les agents de l’État eux-mêmes.
Si encore cette frénésie de réformes s’accompagnait d’évaluations régulières et d’une analyse des retours d’expérience, nous pourrions, à la rigueur, la suivre. Il est, hélas ! frappant que, dans ce mouvement perpétuel, chaque nouvelle réforme ne soit jamais précédée d’une évaluation sérieuse, rigoureuse et documentée de la réforme précédente.
La mission d’information que nous avons menée, mon collègue Éric Kerrouche et moi-même, a permis de souligner cette lacune. Elle a mis en évidence l’insatisfaction profonde des maires et des autres élus locaux. Alors que 61 % des élus locaux considèrent que la réforme de l’organisation de l’État est souhaitable, 82 % d’entre eux regrettent de ne pas avoir été associés à ces réformes, qui les concernent pourtant en priorité.
En outre, plus de la moitié des maires, notamment ceux de communes de moins de 1 000 habitants, estiment que l’offre de l’État s’est dégradée ou est défaillante sur leur territoire. Ce hiatus est d’autant plus préjudiciable que le couple maire-préfet a fait ses preuves, en particulier pendant la crise sanitaire. Chacun sait, dans cet hémicycle, le rôle essentiel des maires et de leurs équipes pour apporter une réponse efficace et de proximité.
Les élus locaux ne sont plus dans la défiance envers l’État territorial. Au contraire, ils attendent de lui qu’il soit un véritable partenaire, un accompagnateur plus attentif.
Ainsi, une clarification du rôle de l’État dans nos territoires est désormais indispensable. Il est urgent de mieux répartir les compétences de l’État sur la base de deux principes essentiels : la subsidiarité et la différenciation. Ce n’est qu’à cette condition que l’État pourra irriguer tout le territoire jusqu’au dernier kilomètre.
La contractualisation entre l’État et les collectivités représente une modalité intéressante pour aller vers davantage de souplesse. Elle permet de sortir de la logique des appels à projets, qui, en leur imposant un cadre strict et trop technique, brident les initiatives des petites communes au lieu de les soutenir.
Par ailleurs, certains sujets de tension doivent être déminés afin de rendre plus effective la relation maire-préfet. Les conditions d’attribution de la DETR et de la DSIL sont particulièrement concernées.
Actuellement, le préfet décide seul des attributions pour les projets dont le montant est inférieur à 100 000 euros, les élus n’ayant parfois même pas accès aux informations sur les dossiers qui ont été déposés à cet effet. Aussi avons-nous proposé, au terme de la mission d’information menée au nom de la délégation aux collectivités territoriales, davantage de transparence dans l’attribution des dotations.
En ce qui concerne l’accompagnement des projets et des investissements locaux, la question du devenir de l’ingénierie territoriale d’État se pose. Figure de proue de l’État dans les territoires pendant longtemps – chacun se souvient notamment du rôle des directions départementales de l’équipement (DDE) –, l’offre d’ingénierie se trouve amoindrie, pour ne pas dire déstabilisée, depuis la disparition de l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atésat). Nous pouvons même nous interroger sur la capacité de l’État à entretenir et à pérenniser son expertise technique.
Il n’est pas anodin de constater que, en matière d’ingénierie, les communes les moins peuplées recourent surtout aux départements, voire aux intercommunalités, qui ont développé leur propre expertise.
En parallèle, les plus grandes collectivités se tournent davantage vers des prestataires privés et, de manière accessoire, vers l’État et ses opérateurs. Si la création de l’ANCT marque un progrès, il ressort de notre enquête que celle-ci souffre d’un vrai déficit de notoriété auprès des élus locaux.