Je suis très heureuse de pouvoir aborder avec vous les victoires remportées au terme de la COP15. La couverture médiatique fut bonne, mais elle n'est jamais suffisante quand il est question de l'effondrement de la biodiversité. La France a porté et obtenu des engagements historiques et concrets auprès de tous les pays du monde. À Montréal, j'ai défendu l'ambition forte du Gouvernement en faveur d'un cadre mondial pour la biodiversité. En parallèle des négociations, de nombreuses rencontres ont permis de débloquer politiquement certains points de crispation et de rassurer les pays en développement (PED) sur la volonté des pays développés de les accompagner de façon pérenne.
Ce cadre identifie 23 cibles d'application à l'horizon de 2030, afin d'atteindre quatre objectifs pour 2050 : protection de la biodiversité, gestion durable des ressources, utilisation des ressources génétiques et mise en oeuvre équitable. Cet accord historique repose sur une ambition réelle, avec des objectifs quantifiés et précis : la restauration de 30 % des écosystèmes terrestres et marins dégradés d'ici à 2030, la protection de 30 % des terres et des mers en 2030, la fin de l'extinction d'origine humaine d'espèces menacées, la réduction de moitié du risque global lié aux pesticides, aux produits chimiques ainsi qu'à l'excès de nutriments perdus dans l'environnement, l'augmentation des pratiques de gestion durable des superficies consacrées à l'agriculture, l'aquaculture, la pêche et la sylviculture, ainsi que l'obligation de prendre des mesures pour inciter les entreprises à effectuer un contrôle, en toute transparence, sur leurs activités et dépendances vis-à-vis de la biodiversité.
D'un point de vue financier, la réduction des subventions aux activités néfastes, à hauteur de 500 milliards de dollars par an d'ici à 2030, est une avancée notable. Cet engagement était attendu de longue date par les ONG et les acteurs écologistes. Je suis très fière que nous l'ayons obtenu au cours de cette COP15.
Les ressources financières liées à la biodiversité devront être augmentées de 200 milliards de dollars par an, toutes sources confondues. Les flux financiers depuis les pays développés vers les PED devront atteindre 20 milliards de dollars en 2025 et 30 milliards en 2030. La France a souhaité ne pas créer de nouveau fonds ad hoc et conforter le fonds pour l'environnement mondial (FEM) comme outil multilatéral de financement de la biodiversité. Un nouveau mécanisme sera créé dès 2023, hébergé par le FEM, pour mobiliser des financements privés.
À la COP16, nous étudierons très sérieusement l'opportunité de créer un outil supplémentaire dédié à la biodiversité.
Je partage une autre fierté avec vous : au niveau de l'engagement financier des États donateurs, la France a joué le rôle de mobilisateur, dans la lignée de son engagement qui consiste à doubler les financements de l'Agence française de développement (AFD) pour la protection de la biodiversité d'ici à 2025. Une déclaration a été signée avec 11 pays. L'appréciation des ONG est positive, car cet engagement est un marqueur important de notre réussite.
Nous avons aussi des regrets. Nous n'avons pas défini de cible chiffrée pour nos objectifs d'ici à 2050 et n'avons pas fait assez preuve d'ambition pour protéger les espèces en danger. L'accord n'est pas assez contraignant sur quelques points : il n'y a aucun mécanisme pour relever les ambitions des pays qui n'atteignent pas leurs objectifs et il manque un dispositif de redevabilité des États.
Sur le plan financier, je regrette que la stratégie de mobilisation des ressources n'ait pu être actée qu'au prix de la création d'un fonds dédié au sein du FEM, et non via un fonds dédié.
Enfin, les engagements sur les pesticides sont, certes, un succès inespéré, mais j'aurais souhaité que l'objectif de 50 % de réduction porte aussi sur les usages, et non seulement sur les risques.
La presse a qualifié l'accord d'« historique ». Nous étions conscients des obstacles devant nous. La présidence chinoise a finalement su jouer son rôle, pour trouver un équilibre qui réponde aux attentes des pays du Nord et du Sud.
Il faut profiter de la dynamique pour conclure le traité sur la biodiversité en haute mer. Il doit en aller de même pour les autres échéances internationales : One Forest Summit, en mars, et prochaine session de négociations sur le traité international sur les pollutions plastiques, à Paris, en mai. L'Union européenne a pris de l'avance, grâce au règlement sur la déforestation, récemment voté, qui produira des effets très concrets sur la biodiversité.
La COP15 a permis de diffuser un message d'ambition sur la pollution plastique. En tant que pays hôte de la prochaine session de négociation, la France se devait de mobiliser les parties prenantes, et j'ai porté les ambitions du Gouvernement en la matière. Le plus dur commence : nous devrons être attentifs à ce que tous les pays respectent leurs engagements.