Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après une matinée consacrée à la manière dont la science permet de mieux appréhender la complexité de la biodiversité, à travers les exemples concrets du déclin des insectes et des effets de la pollution lumineuse, l'audition de cet après-midi offre l'occasion d'envisager les actions politiques et les moyens financiers à mettre en oeuvre pour enrayer son déclin. Connaître avant d'agir : notre séquence du jour, en deux actes, est à mes yeux l'illustration d'un sain principe qui devrait fonder l'ensemble des politiques publiques.
Malgré les multiples reports de date, les difficultés de négociation dans un contexte pandémique, les disparités d'ambition entre les pays, le contexte géopolitique peu porteur a priori pour l'environnement, la COP15 sur la biodiversité s'est achevée, le 19 décembre dernier, par un accord que nombre d'observateurs s'accordent à qualifier d'« historique ». Madame la secrétaire d'État, comment en est-on arrivé là ? Un parcours semé d'embûches, une présidence chinoise que l'on qualifiait pudiquement de « distante », une crise énergétique et un contexte inflationniste qui ne prédisposaient pas les États à la générosité multilatérale : les augures étaient loin d'être favorables à ce que 195 pays, avec leur agenda politique propre, leurs dynamiques internes et des sensibilités citoyennes à la biodiversité très contrastées, parviennent à élaborer un cadre mondial commun pour enrayer le déclin de la biodiversité. Pourtant, ce fut le cas : l'accord de Kunming-Montréal est devenu la feuille de route et le guide méthodologique des pays désireux de lutter contre l'érosion de la biodiversité et d'enrayer les dynamiques délétères qui pèsent sur les écosystèmes, pour « forger un pacte de paix avec la nature », comme l'a joliment formulé le secrétaire général des Nations unies en ouverture des travaux de la COP15.
Madame la ministre, vous avez participé aux négociations à Montréal aux côtés de Christophe Béchu et de l'ambassadrice chargée de l'environnement, Sylvie Lemmet. Une délégation de notre commission, composée de Guillaume Chevrollier, Denise Saint-Pé, Jean-Michel Houllegatte et Ronan Dantec, en qualité d'observateurs, s'est également rendue sur le site de la COP15, quelques jours avant la conclusion de l'accord. Nos collègues m'ont indiqué que les négociations avaient été ardues, avec de puissants clivages Nord-Sud, notamment sur le montant des engagements financiers à mobiliser. Les positions au 14 décembre, juste avant que ne commence le segment de haut niveau, n'étaient pas alignées sur la quantification des objectifs et les 23 cibles faisaient l'objet d'âpres débats sémantiques : pour parler le langage COP, il restait un nombre désespérant de termes « entre crochets » dans la version de travail des négociateurs. Il fallait faire preuve d'une bonne dose d'optimisme pour entrevoir un accord quatre jours avant la clôture de la COP15. Il restait encore à convaincre de nombreux États intransigeants, et la ligne de crête des pays à haut niveau d'ambition était très périlleuse. Pourtant, en dépit de toutes ces chausse-trappes, la biodiversité a réussi à fédérer.
Une dynamique nouvelle s'est enclenchée, mais il revient désormais à chaque État de prendre sa part à l'effort collectif. Les mécanismes propres à la biodiversité s'appréhendent plus difficilement et les causes de son déclin sont multifactorielles. Les pressions qui pèsent sur le vivant et les écosystèmes sont très variées. Je rappelle les cinq causes majeures du déclin de la biodiversité : le changement d'usage des terres et de la mer, la surexploitation des ressources, le changement climatique, les pollutions et les espèces exotiques envahissantes. Les relations croisées entre ces différents facteurs sont difficilement discernables, même pour les scientifiques. Un effort de pédagogie en direction du politique et des citoyens doit impérativement être accompli pour rassembler la société autour de l'objectif de préservation de la biodiversité, sur le modèle de la prise de conscience qui a déjà eu lieu pour le climat. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne chômera pas ces prochaines années.
Madame la secrétaire d'État, notre commission vous a invitée pour une séquence assez inhabituelle : nous souhaitons que vous nous donniez des raisons d'espérer. L'espoir tient une place trop réduite dans les assemblées parlementaires : je compte sur cette audition pour le réhabiliter, le temps d'un échange avec vous.
Pour cela, je vous propose d'articuler votre propos en trois temps : d'abord en nous révélant le dessous des cartes et la façon dont la COP15, contre toute attente, est parvenue à cet accord ; ensuite, en nous présentant votre méthode et la façon dont vous comptez décliner les cibles mondiales à l'échelle nationale pour inverser la tendance ; enfin - c'est le nerf de la guerre -, en nous exposant comment vous comptez financer les nouvelles mesures nécessaires à la reconquête de la biodiversité dans nos territoires. Une étude de novembre 2022, réalisée par l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd), a mis en évidence que « les politiques de biodiversité mobilisent des financements morcelés qui restent limités. » Au regard des objectifs adoptés à Montréal, les besoins de financement complémentaire sont estimés, pour l'État et ses opérateurs, à 619 millions d'euros en 2023 et jusqu'à 890 millions d'euros en 2027. Ces montants sont loin d'être négligeables, surtout quand l'on considère que le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », si bien présenté par notre collègue Guillaume Chevrollier dans son avis budgétaire, n'est doté que de 275 millions d'euros. Je vous pose donc la question qui nous taraude tous ici : envisagez-vous avec Bercy une réforme de la fiscalité pour « en même temps » accroître les moyens dédiés à la biodiversité et réduire les dépenses fiscales défavorables à la fiscalité ?
Je suis très heureuse de pouvoir aborder avec vous les victoires remportées au terme de la COP15. La couverture médiatique fut bonne, mais elle n'est jamais suffisante quand il est question de l'effondrement de la biodiversité. La France a porté et obtenu des engagements historiques et concrets auprès de tous les pays du monde. À Montréal, j'ai défendu l'ambition forte du Gouvernement en faveur d'un cadre mondial pour la biodiversité. En parallèle des négociations, de nombreuses rencontres ont permis de débloquer politiquement certains points de crispation et de rassurer les pays en développement (PED) sur la volonté des pays développés de les accompagner de façon pérenne.
Ce cadre identifie 23 cibles d'application à l'horizon de 2030, afin d'atteindre quatre objectifs pour 2050 : protection de la biodiversité, gestion durable des ressources, utilisation des ressources génétiques et mise en oeuvre équitable. Cet accord historique repose sur une ambition réelle, avec des objectifs quantifiés et précis : la restauration de 30 % des écosystèmes terrestres et marins dégradés d'ici à 2030, la protection de 30 % des terres et des mers en 2030, la fin de l'extinction d'origine humaine d'espèces menacées, la réduction de moitié du risque global lié aux pesticides, aux produits chimiques ainsi qu'à l'excès de nutriments perdus dans l'environnement, l'augmentation des pratiques de gestion durable des superficies consacrées à l'agriculture, l'aquaculture, la pêche et la sylviculture, ainsi que l'obligation de prendre des mesures pour inciter les entreprises à effectuer un contrôle, en toute transparence, sur leurs activités et dépendances vis-à-vis de la biodiversité.
D'un point de vue financier, la réduction des subventions aux activités néfastes, à hauteur de 500 milliards de dollars par an d'ici à 2030, est une avancée notable. Cet engagement était attendu de longue date par les ONG et les acteurs écologistes. Je suis très fière que nous l'ayons obtenu au cours de cette COP15.
Les ressources financières liées à la biodiversité devront être augmentées de 200 milliards de dollars par an, toutes sources confondues. Les flux financiers depuis les pays développés vers les PED devront atteindre 20 milliards de dollars en 2025 et 30 milliards en 2030. La France a souhaité ne pas créer de nouveau fonds ad hoc et conforter le fonds pour l'environnement mondial (FEM) comme outil multilatéral de financement de la biodiversité. Un nouveau mécanisme sera créé dès 2023, hébergé par le FEM, pour mobiliser des financements privés.
À la COP16, nous étudierons très sérieusement l'opportunité de créer un outil supplémentaire dédié à la biodiversité.
Je partage une autre fierté avec vous : au niveau de l'engagement financier des États donateurs, la France a joué le rôle de mobilisateur, dans la lignée de son engagement qui consiste à doubler les financements de l'Agence française de développement (AFD) pour la protection de la biodiversité d'ici à 2025. Une déclaration a été signée avec 11 pays. L'appréciation des ONG est positive, car cet engagement est un marqueur important de notre réussite.
Nous avons aussi des regrets. Nous n'avons pas défini de cible chiffrée pour nos objectifs d'ici à 2050 et n'avons pas fait assez preuve d'ambition pour protéger les espèces en danger. L'accord n'est pas assez contraignant sur quelques points : il n'y a aucun mécanisme pour relever les ambitions des pays qui n'atteignent pas leurs objectifs et il manque un dispositif de redevabilité des États.
Sur le plan financier, je regrette que la stratégie de mobilisation des ressources n'ait pu être actée qu'au prix de la création d'un fonds dédié au sein du FEM, et non via un fonds dédié.
Enfin, les engagements sur les pesticides sont, certes, un succès inespéré, mais j'aurais souhaité que l'objectif de 50 % de réduction porte aussi sur les usages, et non seulement sur les risques.
La presse a qualifié l'accord d'« historique ». Nous étions conscients des obstacles devant nous. La présidence chinoise a finalement su jouer son rôle, pour trouver un équilibre qui réponde aux attentes des pays du Nord et du Sud.
Il faut profiter de la dynamique pour conclure le traité sur la biodiversité en haute mer. Il doit en aller de même pour les autres échéances internationales : One Forest Summit, en mars, et prochaine session de négociations sur le traité international sur les pollutions plastiques, à Paris, en mai. L'Union européenne a pris de l'avance, grâce au règlement sur la déforestation, récemment voté, qui produira des effets très concrets sur la biodiversité.
La COP15 a permis de diffuser un message d'ambition sur la pollution plastique. En tant que pays hôte de la prochaine session de négociation, la France se devait de mobiliser les parties prenantes, et j'ai porté les ambitions du Gouvernement en la matière. Le plus dur commence : nous devrons être attentifs à ce que tous les pays respectent leurs engagements.
L'accord trouvé à Montréal en faveur de la biodiversité est historique : il est la preuve d'une prise de conscience internationale de l'urgence à agir, de la nécessité d'y consacrer des moyens financiers nouveaux et de l'importance de l'articulation entre le cadre mondial et les mesures déclinées au niveau local.
La quasi-totalité des pays, à l'exception notable des États-Unis, est parvenue à fixer un cap pour la biodiversité et sa préservation, à s'entendre sur des outils d'évaluation des mesures environnementales et à mettre en oeuvre des instruments financiers nouveaux et des mécanismes de solidarité Nord-Sud. Le défi était grand, nos rencontres sur le site de la COP15 nous l'ont assez prouvé.
Aujourd'hui, il vous revient, avec Christophe Béchu, la tâche de décliner les 23 cibles de l'accord de Montréal. Espérons que les choses aillent mieux que pour les 20 objectifs d'Aichi décidés en 2010 : en effet, aucun n'a été atteint.
J'aimerais vous interroger sur votre méthode : quelle déclinaison territoriale comptez-vous mettre en oeuvre ? Comment associerez-vous les élus locaux à la nouvelle stratégie nationale biodiversité 2030 ? Les solutions de protection de la nature et de la biodiversité sont bien souvent complexes à élaborer. Comment accompagner au mieux les territoires peu dotés en ingénierie ? Le fonds vert sera-t-il mobilisé pour la biodiversité au-delà des montants qui lui sont actuellement réservés ? Ce fonds vert vient d'être ouvert, les attentes des collectivités sont grandes.
Ma deuxième question porte sur le lien entre nos politiques nationales et le projet de règlement européen sur la restauration de la nature, dont l'ambition est de positionner l'Union européenne aux avant-postes du combat pour la préservation de la biodiversité.
Les discussions sont en cours au Parlement européen ; les modalités de mise en oeuvre des mesures proposées sont donc encore sujettes à modification. L'objectif général est de restaurer au moins 20 % des zones terrestres et marines dégradées de l'Union européenne d'ici à 2030. Notre pays devra prendre sa part à cet effort collectif européen, en zone métropolitaine comme en outre-mer. Quels sont les surfaces et les montants en jeu pour la France ? Quel est le pourcentage du territoire couvert par des écosystèmes dégradés ?
La stratégie nationale biodiversité 2030, la restauration des écosystèmes et l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) nécessiteront de changer d'échelle et d'accroître substantiellement les efforts financiers. Comment comptez-vous y parvenir, dans un contexte de renchérissement du coût de l'emprunt pour l'État français ? Comptez-vous faire appel à la grande inventivité fiscale de Bercy ? Ou bien comptez-vous sur le renforcement des solutions fondées sur le principe pollueur-payeur et la mise à contribution des acteurs dont les activités sont néfastes à la biodiversité ?
Vous avez évoqué les centaines de milliards de dollars nécessaires pour la protection de la biodiversité ; nous attendons aussi une déclinaison pour notre pays.
Cet accord n'était pas gagné : les inquiétudes étaient grandes et les négociations internationales ne permettaient pas d'être optimiste. L'accord est donc relativement dynamique, même si nous attendons des résultats plutôt que des objectifs -voyez ce qu'il en est des objectifs d'Aichi.
Les financements sont essentiels pour atteindre les objectifs. La restauration des terres va coûter un « pognon de dingue ». Aujourd'hui, l'argent n'est pas sur la table. La France a eu raison de se battre contre la création d'un fonds spécifique ; les ONG ont été sévères à son égard, au mépris de la bonne hiérarchisation des enjeux. Utiliser le FEM est pertinent, tout comme la convergence avec le fonds vert.
Vous avez cité le One Forest Summit, qui aura lieu dans quatre semaines, mais pas le sommet sur le financement, qui aura lieu en juin à Paris, et que le Président de la République a annoncé - nous allons essayer d'organiser un événement parlementaire international, au Sénat, dans ce cadre.
Quelle position la France va-t-elle défendre ? Ce n'est pas très clair. Les 25 milliards d'euros attendus ne vont pas tomber du ciel. Les fonds de compensation climat représentent beaucoup d'argent, mais sont souvent l'objet de greenwashing, comme l'a montré le rapport sévère du Guardian. Il nous faut une idée plus précise de la manière dont la France va structurer les débats sur les financements, en ayant conscience que les délais sont très courts.
Quelle fut la séquence diplomatique qui a précédé l'accord ? Avec la délégation, à Montréal, l'optimisme n'était pas au rendez-vous ; comment expliquez-vous l'heureux dénouement ? Quels furent les rôles respectifs de la présidence chinoise et des négociateurs, quels compromis sémantiques et quantitatifs ont été obtenus et quelles furent les priorités du ministère ?
Le mécanisme de solidarité financière Nord-Sud est au centre de la question des moyens. La trajectoire affichée est ambitieuse, avec la mobilisation de 30 milliards de dollars d'ici à 2030 de la part des pays développés au bénéfice des PED. Les montants alloués transiteront par une enveloppe spécifique du FEM. La France va doubler ses financements internationaux, à hauteur de 1 milliard d'euros par an d'ici à 2025. Quel mécanisme prévoyez-vous pour contrôler la bonne utilisation des fonds, qui doivent servir des projets structurants, notamment au regard des montants très importants ?
La cible 7 vise la réduction de moitié des risques globaux liés aux pesticides et produits chimiques hautement dangereux. Nous souscrivons à un tel objectif, mais il est essentiel d'accompagner les agriculteurs dans la transformation des moyens de production alimentaire. Le Gouvernement accompagne-t-il les agriculteurs pour trouver des produits de substitution aux pesticides, pour assurer des rendements et des revenus décents aux agriculteurs ? Il ne faut pas opposer agriculture et biodiversité ; au contraire, il faut créer des complémentarités vertueuses entre pratiques agricoles et protection du vivant et des sols.
Le président l'a rappelé, les négociations préalables à la COP15 ont été longues, complexes et semées d'embûches, en raison notamment de la multitude des approches et des perceptions de la biodiversité. Je me réjouis de cet élan multilatéral et de la volonté forte qui s'est exprimée en faveur la préservation et de la reconquête de la biodiversité. Il ne s'agit cependant que d'un commencement : chacun sait que les accords de ce type n'ont d'autre valeur que celle que les États veulent bien leur donner. Nous nous félicitons de la mobilisation de la France, qui a permis aux ONG de contribuer à ce succès.
Le cadre mondial pour la biodiversité doit désormais être mis en oeuvre et évalué, en gardant présent à l'esprit qu'aucun des 20 objectifs d'Aichi n'a été respecté. Les mécanismes de mise en oeuvre, d'évaluation et de mobilisation des ressources revêtent, à cet égard, une importance toute particulière, tout comme les indicateurs qui permettent d'apprécier les trajectoires et les écarts par rapport aux cibles.
Quelle est votre appréciation du cadre de suivi, du monitoring framework ? Les indicateurs utilisés peuvent-ils être produits de manière fiable dans tous les pays, afin de permettre les comparaisons et la coopération en matière de bonnes pratiques ? Le délai de quatre ans n'est-il pas trop long ? Surtout, comment corrige-t-on la trajectoire si l'on se rend compte que les efforts sont mal coordonnés ?
La France a parlé d'une voix forte à la COP15, elle se doit désormais d'être exemplaire et de transposer de manière ambitieuse les positions qu'elle a défendues au cours des négociations. Notre pays dispose d'un outil, la stratégie nationale biodiversité 2030. En quoi les résultats de la COP transformeront-ils cette stratégie et ses ambitions ? Quels sont aujourd'hui votre méthodologie, votre calendrier et vos demandes budgétaires ?
Je reviens sur l'avant-COP15. La présidence était chinoise et la COP se passait au Canada, ce qui n'a pas facilité l'organisation, alors que l'événement était très attendu. L'implication des citoyens a permis de mobiliser les dirigeants. Jusqu'à l'issue de la COP, la présidence chinoise a été relativement absente des négociations ; chemin faisant, grâce à l'impulsion du pays organisateur qui souhaitait obtenir une victoire, la Chine est devenue plus allante. Ainsi, grâce à la Chine, nous avons trouvé un accord.
Avant la COP15, quelques pays moteurs ont mené les négociations, notamment la France. Au cours de réunions assez animées de la Commission européenne, la France et l'Allemagne étaient souvent interrogées sur leurs positions, ce dernier État étant parfois en retrait.
Au cours de la dernière semaine des négociations, nous avons voulu avancer sur un fonds, poussés par les ONG de manière un peu cavalière. Il s'agissait non pas de savoir quels moyens consacrer à la biodiversité - la France avait déjà acté le doublement de son financement -, mais de savoir à quoi les consacrer. Nous n'avons pas cédé sur les financements, ce qui a permis de fixer des objectifs ambitieux au sein de l'accord. La France a bénéficié du soutien du Canada et de l'Angleterre : cette dernière souhaitait afficher son action diplomatique, étant donné la situation intérieure qu'elle traverse ; le Canada, lui, en sa qualité d'organisateur, avait tout intérêt à la conclusion d'un engagement financier. D'ailleurs, beaucoup de pays pensaient qu'il n'était pas possible d'obtenir plus qu'un accord financier.
Les positions des pays furent très diverses. La France et l'Union européenne étaient alliées avec le Canada et l'Angleterre. D'autres pays ont apporté une aide appréciable, comme le Japon. D'autres pays étaient beaucoup plus réfractaires, comme le Brésil et les pays sud-américains, notamment sur la question agricole et les pesticides. Certains expliqueront que c'est parce que M. Bolsonaro était encore au pouvoir, mais cette position brésilienne est en réalité assez traditionnelle.
J'en viens aux financements et aux objectifs. Nous allons nous servir du cadre de la COP15 pour redéfinir notre stratégie nationale biodiversité 2030 - le Comité national de la biodiversité y travaille. Nous la présenterons au mois de mars. Nous définissons non plus les grands enjeux, mais les cibles, qui demandent à être affinées, ce qui n'est pas simple. Il faudra des financements ; Christophe Béchu et moi-même nous battrons pour les obtenir.
Je suis heureuse que l'ouverture du fonds vert aux territoires soit effective. Christophe Béchu et Dominique Faure viennent juste d'envoyer un courrier à toutes les collectivités pour présenter et préciser les démarches. Nous avons choisi de ne pas passer par des appels à projets, pour que prime la simplicité.
Au total, 150 millions d'euros sont spécifiquement dédiés à la biodiversité, et je tiens à ce que chaque action soit financée. Certes, il faudrait être plus ambitieux encore pour la transition écologique, mais un montant de 2 milliards d'euros est tout sauf négligeable, et le pire serait qu'il ne soit pas totalement utilisé à la fin de l'année 2023. Christophe Béchu et moi-même avons l'ambition d'obtenir la même somme l'année prochaine.
On a vu trop de politiques nationales qui échouaient à infuser dans les territoires. Nous en sommes convaincus - c'est tout le sens de notre ministère, et le fonds vert en témoigne également - : nous ne réussirons pas sans les collectivités territoriales. Vous serez donc appelés à jouer un rôle de relais auprès des élus locaux.
Monsieur Dantec, nous avions bien fixé un certain nombre d'objectifs à Aichi sans pour autant réussir à les mettre en oeuvre. Au-delà de la victoire obtenue à Montréal, il faut, dès à présent, assurer un suivi des nouveaux objectifs. Nous comptons évidemment sur la COP16 et sur d'autres rendez-vous, comme le One Forest Summit en mars prochain. De même, à la fin de mars 2023, je prendrai part à la conférence sur l'eau organisée par les Nations unies. On ne peut plus dissocier le climat, la biodiversité et l'eau. À la COP27 de Charm el-Cheikh, nous avons parlé de biodiversité ; à la COP15, nous avons parlé du climat et de l'eau. Je suis certaine qu'aux Nations unies, nous parlerons de l'ensemble des sujets qui nous préoccupent en la matière.
Vous le constatez, notre calendrier est rythmé par de nombreux événements internationaux. Le Président de la République fait preuve d'un grand volontarisme à cet égard, et pour cause : contrairement aux apparences, ces rendez-vous sont indispensables. C'est grâce à eux que nous pouvons avancer. Ainsi, la COP15 permettra d'assurer le suivi des objectifs fixés, lesquels doivent être assortis de mesures contraignantes.
Nous avons décidé de nous appuyer sur le FEM tout en le réformant pour le simplifier. Pour le ministère de la transition écologique, il s'agit du choix de l'efficacité et de la rapidité. Souvent, ce ne sont pas tant les budgets que les moyens en ingénierie qui manquent dans les territoires, notamment en Afrique ; nous devons y travailler.
En parallèle, nous misons sur les banques multilatérales de développement. Il serait souhaitable que certains pays contribuent davantage. La France n'a pas à rougir de ses efforts. Le Canada, quant à lui, s'est vanté de déployer 350 millions de dollars en faveur de la biodiversité, alors qu'il peut certainement faire plus, à l'instar des États-Unis.
Madame de Cidrac, nous avons beaucoup insisté sur la question des pesticides et, dans la toute dernière ligne droite, nous avons obtenu un engagement. À l'échelle nationale, le futur règlement sur l'utilisation durable des pesticides et l'évolution du plan Écophyto seront des leviers majeurs. Nous devons continuer à travailler main dans la main avec le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire pour réduire l'utilisation de ces produits. Il est possible de faire mieux, sans mettre les agriculteurs en difficulté.
De son côté, l'Union européenne n'accepte plus que la France décrète de nouvelles dérogations et s'apprête à édicter de nouvelles interdictions dans les années à venir. Nous devons chercher tous ensemble les moyens de remplacer les produits contestés ; c'est le sens des moyens supplémentaires dédiés à la recherche en matière de biocontrôle.
Le cas des néonicotinoïdes l'illustre : nous sommes face à une attente très forte des Français et il ne saurait être question d'attendre que l'opinion n'accepte plus du tout ces pratiques. Sur tous ces aspects, nous accompagnerons les filières, notamment la filière betteravière. Les tests en cours sont encourageants.
Monsieur Houllegatte, le mécanisme de mise en oeuvre permettra de faire régulièrement le point quant à l'atteinte des différentes cibles et de rectifier la trajectoire en augmentant nos ambitions ; c'est un point très fort de l'accord. Ce cadre permettra d'accroître l'effort de transparence et le suivi : c'est bien ce qui manquait aux objectifs d'Aichi.
Nous prévoyons de renforcer le processus de planification nationale par l'harmonisation des stratégies et des plans d'actions élaborés par la France. À cette fin, nous disposons d'un modèle commun pour préciser, d'ici à la COP16, la manière dont les cibles nationales s'articuleront avec les cibles du cadre mondial.
De plus, un certain nombre de rapports nationaux incluront les indicateurs phares du cadre de suivi, afin de permettre une analyse harmonisée et collective de la mise en oeuvre. Bien plus qu'une liste d'indicateurs agréés par les pays, le cadre de suivi est un véritable processus destiné à assurer le suivi solide de la mise en oeuvre. Le résultat global me semble très satisfaisant. Au total, nous disposons de 26 indicateurs phares distincts et de 13 indicateurs mondiaux binaires distincts.
La pollution plastique est massive et généralisée, mais invisible. Quel qu'il soit, le morceau de plastique séjournant dans l'environnement va se couvrir d'un biofilm et être colonisé, avant d'être consommé par des êtres vivants - vers de terre ou oiseaux marins. Son impact sur la biodiversité est considérable. Or la pollution plastique va beaucoup plus vite que toutes les mesures législatives ou réglementaires que nous pouvons prendre.
De nouveaux objectifs ont été fixés pour traiter ce fléau, et c'est très bien ; j'espère que nous obtiendrons de meilleurs résultats. Au-delà, que faire face à cette pollution invasive, qui vient notamment de notre surconsommation de vêtements, pour l'essentiel en provenance d'Asie ? A-t-on des objectifs de réduction à la source ?
Quant au montant du fonds vert, laissé à la main des préfets, dépend-il, oui ou non, du nombre d'habitants que comptent les départements ?
Cet accord, qualifié d'« historique », a été obtenu au forceps face à la résistance des pays émergents, comme la République démocratique du Congo. On peut les comprendre, car notre développement économique se fait encore aux dépens de la biodiversité dans ces territoires. Cela étant, l'aide aux pays émergents a été augmentée. Notre diplomatie dispose-t-elle d'ores et déjà d'une stratégie pour concentrer les crédits obtenus sur tel ou tel État, tel ou tel projet, et suivant quelles priorités ?
En parallèle, un certain nombre de villes françaises prennent des initiatives intéressantes pour préserver la biodiversité. Je pense notamment à Marseille et à Paris, qui ont élaboré des plans locaux d'urbanisme (PLU) « biodiversité ». Selon vous, ces documents sont-ils des outils adaptés pour travailler dans le bon sens ?
Nous avons compris que vous alliez vous battre pour obtenir des financements et nous vous y encourageons.
Il est bon que le fonds vert soit à la main des préfets : non seulement c'est une garantie de consommation des crédits, mais les préfets pourront prendre des initiatives territoriales ne relevant pas strictement des quatorze points mentionnés.
Les signataires de l'accord s'engagent à mettre fin aux subventions néfastes à la biodiversité : font-elles l'objet d'une liste ? A minima, quels sont les principaux secteurs d'activité concernés ? Quand et comment ces subventions vont-elles disparaître ?
Dans le Doubs, le préfet a réuni les élus pour évoquer la déclinaison du fonds vert, dont l'enveloppe départementale représente 9 millions d'euros, soit un peu moins que les crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Il a exprimé l'intention de financer, au titre du fonds vert, un certain nombre de projets qui devaient initialement bénéficier de la DETR.
Cette méthode est risquée, car elle n'aura pas forcément l'effet de levier attendu.
Madame la secrétaire d'État, faute de mesures contraignantes, on peine à avancer au sujet de la fiscalité et, plus largement, des moyens. Comment notre pays compte-t-il mettre en oeuvre les intentions de la COP15 ou encore celles du Gouvernement ?
On peut suivre une logique de planification, en déclinant les trames vertes et bleues des schémas de cohérence territoriale (Scot). On peut aussi avoir recours aux plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi). Toutefois, pour distinguer les initiatives les plus vertueuses, une véritable évaluation est nécessaire. La stratégie nationale biodiversité 2030 doit s'appuyer sur les agences régionales de la biodiversité (ARB), en s'articulant avec les contrats de plan État-région (CPER), et sur l'action des départements et des métropoles, dans une logique contractuelle. Divers objectifs de résultats pourraient ainsi être fixés pour chaque niveau de collectivité territoriale, pourquoi pas à l'échelle des Scot : qu'en pensez-vous ?
Aujourd'hui, les porteurs d'un projet dit « impactant » sont tenus de prévoir des mesures de compensation. Toutefois, la qualité de l'évaluation des compensations pose question dans notre pays, alors qu'elle est essentielle à l'acceptabilité des projets. Elle permettrait également de promouvoir des démarches vertueuses et une culture du résultat. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?
Le groupe d'études sénatorial relatif aux cultures traditionnelles et spécialisées s'est penché, ce matin même, sur la production de lentilles, tombée à 19 000 tonnes annuelles à cause des ravages causés par un petit insecte de 3 à 5 mm de long, la bruche. Les producteurs ont demandé à l'Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) de travailler sur ce sujet, mais celui-ci a décliné, au motif que cette culture était d'une trop faible ampleur.
Les agriculteurs répètent souvent que les engagements en faveur de la biodiversité ne sont pas respectés par les voisins européens de la France, notamment les normes relatives aux pesticides et aux nitrates. Peut-on s'assurer que les autres États membres les appliquent bel et bien ? Je pense en particulier aux engagements qui viennent d'être pris à Montréal.
À l'invitation de l'ONU, l'Union interparlementaire organise, les 13 et 14 février prochains, deux journées d'auditions sur le thème de l'eau. Hervé Maurey et moi-même y représenterons le Sénat. Nous ne manquerons pas de vous rendre compte de ces travaux.
Madame la secrétaire d'État, puisque vous insistez vous-même sur le triptyque « climat, biodiversité, eau », je relève que nous sommes à la veille de la Journée internationale des zones humides. En novembre 2022, vous nous avez détaillé votre stratégie pour le développement de ces dernières. Est-elle appelée à s'amplifier, conformément aux perspectives tracées pour 2030 ?
Madame Préville, face au fléau de la pollution plastique, la France joue un rôle moteur lors de chaque entretien bilatéral. Une cinquantaine de pays ont aujourd'hui rejoint le groupement constitué en ce sens et, fin mai 2023, la France organisera, à Paris, une deuxième réunion pour promouvoir un traité international contraignant. Le but est évidemment de réduire la production de plastique à la source. Ce travail a été entrepris avec la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec), qui prévoit la fin des emballages plastiques à usage unique d'ici à 2040.
Depuis le 1er janvier 2023, la vaisselle jetable est interdite dans les établissements comptant plus de vingt places assises. Dès le 2 janvier, Christophe Béchu et moi-même nous sommes rendus dans une enseigne de restauration rapide très connue, qui applique déjà cette mesure dans 90 % de ses établissements, et, trois jours plus tard, nous recevions les représentants de la plupart des enseignes de fast food pour leur rappeler cette obligation, appliquée de manière très disparate. Nous leur avons demandé une feuille de route dans les quinze jours ; seule la moitié des enseignes nous ont envoyé ce document. À présent, des décisions doivent être prises pour assurer l'application de la mesure. Il faut commencer par les réseaux de restaurants, mais les indépendants sont également concernés dès lors qu'ils proposent plus de vingt places assises. Cette interdiction permettra une économie de déchets absolument considérable.
En parallèle, nous sommes en train de réécrire le décret relatif aux emballages des fruits et légumes. Nous devons poursuivre l'effort entrepris, en conservant certaines dérogations pour les produits trop fragiles ; un concombre emballé, ce n'est plus envisageable en 2023.
La filière textile constitue l'une des industries les plus polluantes. Ce secteur produit dans des installations situées, pour l'essentiel, à l'étranger, dans des conditions généralement mauvaises. Nous déployons des fonds pour aider les entreprises françaises, non seulement à produire en France, mais aussi à utiliser des fibres recyclées. Lors d'un déplacement en Mayenne, Christophe Béchu et moi-même avons visité l'une de ces entreprises vertueuses, que nous accompagnons par un bonus permettant de réduire les surcoûts de production induits par ces procédés.
Nous avons aussi créé un fonds pour développer la collecte de vêtements, aujourd'hui insatisfaisante. Cet effort est indispensable au recyclage du textile, dans une logique d'économie circulaire. S'y ajoute un fonds dédié au réemploi de vêtements pouvant être facilement proposés à la vente. À Bordeaux, j'ai récemment pu visiter un magasin qui, en partenariat avec le Relais, propose exclusivement des habits issus du réemploi.
Jusqu'à présent, nous ne financions que le fonctionnement des enseignes de l'économie sociale et solidaire ; désormais, nous finançons leur investissement via des contrats à impact, permettant la mobilisation de fonds privés soutenus par l'État.
Le 30 janvier dernier, j'ai initié une concertation sur la consigne des bouteilles en plastique avec les différentes parties prenantes. Nous devons atteindre des objectifs extrêmement ambitieux dans des délais très resserrés pour le recyclage et le réemploi, à savoir 77 % de bouteilles collectées pour recyclage en 2025 et 90 % en 2029. Nous sommes aujourd'hui à 61 %, avec de grandes disparités territoriales : certaines régions, comme les Pays de la Loire et la Bourgogne-Franche-Comté, ont accompli de grands efforts et sont à un taux de collecte pour recyclage de plus de 80 %. En revanche, les régions Sud et Île-de-France restent en deçà de 50 %, peut-être parce qu'elles sont plus touristiques que d'autres - les touristes ayant plus souvent recours aux poubelles de rue. Dans certaines régions, la tarification incitative a peut-être aussi eu un effet vertueux sur la collecte et le tri. Certaines régions ont également généralisé le bac jaune avant l'extension des consignes de tri à l'échelle nationale, le 1er janvier dernier. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, aucune région n'a atteint le taux de 90 % : le meilleur taux de collecte pour recyclage enregistré est de 81 %.
Force est de constater que, parmi nos voisins européens, ceux qui dépassent le taux de 90 % ont tous opté pour la consigne. Quelle que soit la méthode retenue à l'issue de la concertation en juin prochain, mon but est d'atteindre les objectifs fixés.
Christophe Béchu et Dominique Faure ont réuni les préfets lundi dernier pour leur rappeler l'intérêt du fonds vert et leur demander de systématiser les réunions d'élus à ce sujet : le préfet du Doubs a dû anticiper cette directive. Au-delà des courriers envoyés par le ministère, les informations doivent être clairement communiquées ; les crédits n'ont pas été attribués au prorata des habitants, car ce seul critère aurait entraîné de trop grandes disparités aux dépens des territoires ruraux. Nous avons fait preuve de la plus grande vigilance.
Madame Filleul, les PLU me semblent effectivement un outil intéressant en matière de biodiversité, par le biais de l'aménagement du territoire.
M. Gillé insiste sur la nécessité de décliner la stratégie nationale biodiversité 2030 dans les territoires ; aujourd'hui, elle n'est pas encore couplée aux CPER. Pour assurer une bonne coordination avec les initiatives des collectivités, il faudra prévoir des instances dédiées, mais les réflexions n'ont pas encore atteint ce degré de finesse.
Monsieur de Nicolaÿ, l'Inrae ne peut effectivement pas se saisir de toutes les questions qui lui sont soumises. J'ignorais la situation des producteurs de lentilles, mais je vous signale l'existence d'une commission des usages dits « orphelins » des pesticides. Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en a rappelé l'importance. Plus globalement, il présentera prochainement une « stratégie fruits et légumes », destinée à garantir la souveraineté de notre pays en la matière. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires travaille étroitement avec lui sur ce sujet.
Enfin, monsieur Favreau, votre question nous rappelle la grande difficulté d'application du principe de réciprocité des accords internationaux. Il faut éviter de reproduire ce que nous avons connu avec les objectifs d'Aichi. Les mesures contraignantes sont difficiles à prendre, mais pour les États, les efforts accomplis sont évalués sur la scène internationale, avec d'importants effets de réputation.
Les contraintes ne sont-elles pas plus faciles à appliquer à l'échelle européenne ?
Bien sûr ! D'ailleurs, quand la France ne respecte pas ses propres obligations, elle est rappelée à l'ordre. On l'a vu au sujet des néonicotinoïdes.
La loi Agec permet au Gouvernement de définir, dès 2023, les modalités de mise en oeuvre de la consigne, sur le fondement d'un bilan annuel réalisé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), si les performances cibles ne sont pas atteintes et après concertation avec les parties prenantes. Ce bilan annuel devait bien précéder la concertation : pourquoi avoir inversé le calendrier prévu ? Pouvez-vous nous donner des précisions à ce propos ?
Au sujet des bouteilles en plastique, le Gouvernement engage-t-il la concertation avec un a priori ? Je vous rappelle que les associations de collectivités territoriales sont opposées à une telle mesure, qui ajouterait encore de la complexité au geste de tri et serait, partant, préjudiciable à la réduction des déchets.
Dans son rapport de mars 2021, l'Ademe estimait que la cible européenne de 90 % de collecte pour recyclage des bouteilles en plastique en 2029 est atteignable sans consigne, à condition d'actionner d'autres leviers, parmi lesquels le tri des biodéchets à la source, la densification des points d'apport pour la collecte de proximité ou encore la mise en place de la tarification incitative. L'État et les éco-organismes peuvent et doivent faire plus en ce sens ; pensez-vous que ces pistes soient suffisamment exploitées ?
Je ne pars avec aucune conviction préétablie : je n'ai pas la prétention de tout savoir en la matière et la concertation va me permettre d'apprendre. J'entendrai les différents acteurs, notamment au sujet de la tarification incitative, d'autant que différents modèles ont été testés par les régions.
J'insiste sur ce point : mon objectif n'est pas de mettre en oeuvre la consigne à tout prix. Je sais que ce sujet provoque, à tout le moins, des crispations. Ce que je souhaite, c'est actionner les leviers nous permettant d'atteindre nos objectifs, que ce soit la tarification incitative, la généralisation du bac jaune ou le développement du tri dans les poubelles de rue.
Toutes les régions ne présentent pas les mêmes difficultés, et la généralisation du bac jaune ne suffira sans doute pas partout, car la mauvaise gestion des poubelles de rue est un vrai problème dans certains territoires. Aujourd'hui, l'Union européenne impose non pas la mise en oeuvre de la consigne, mais l'atteinte des objectifs mentionnés.
Nous aurons sans doute l'occasion de poursuivre ce débat, mais pourquoi avoir inversé le calendrier fixé par la loi Agec ? En outre, l'État et les éco-organismes étaient censés accompagner les collectivités territoriales dans l'amélioration de la collecte des bouteilles plastiquesdepuis trois ans : selon vous, cela a-t-il été le cas ? Concrètement, sur quoi la concertation portera-t-elle ? Les solutions seront-elles prises à titre national ou déclinées territoire par territoire ? Il faut respecter ce qui a été négocié lors de l'examen du projet de loi Agec.
L'étude de l'Ademe est bien en cours. Elle a été lancée en novembre 2022 et aboutira au cours de la concertation, au plus tard au mois de mai 2023.
Si nous avons lancé la concertation dès maintenant, c'est pour assurer le travail de planification relatif aux emballages ménagers pour la période 2024-2029 et formuler les demandes qui seront adressées à Citeo.
L'Ademe a rendu un rapport intermédiaire en 2021 - il n'y a donc pas si longtemps. Elle y souligne les efforts entrepris par nombre de collectivités et estime que les initiatives déjà prises permettent d'atteindre les objectifs. Nous, parlementaires, devons pouvoir nous adosser sur ses travaux afin de débattre aussi sereinement que possible.
On ne peut pas atteindre les objectifs fixés en s'en tenant au statu quo.
Je n'en sais rien, madame la secrétaire d'État : je ne dispose pas du bilan.
On ne peut pas se satisfaire d'un taux de collecte de 40 % en région Sud. À l'évidence, il est indispensable de déployer un certain nombre de mesures supplémentaires.
Bien sûr ! Je précise que la concertation permettra de réunir l'ensemble des acteurs autour de la table : les industriels, les distributeurs, les représentants des organisations non gouvernementales (ONG) et des associations de consommateurs, les élus locaux et les parlementaires. Nous étudierons deux scénarios, avec ou sans consigne. Plusieurs solutions, mises en oeuvre dans certaines régions, mériteraient d'être déployées ailleurs.
Je me réjouis que la commission ait fait le choix d'aller à la COP15 et je salue les résultats obtenus, même s'il reste beaucoup à faire. De leur côté, les collectivités territoriales accomplissent déjà de grands efforts en faveur de la collecte et du recyclage, qui doivent faire l'objet d'une large concertation, en s'appuyant sur les données que l'ADEME livrera d'ici peu au débat public.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 25.