Intervention de Bérangère Couillard

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 1er février 2023 à 16h30
Bilan de la 15e conférence des parties cop15 à la convention sur la diversité biologique — Audition de Mme Bérangère Couillard secrétaire d'état auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires chargée de l'écologie

Bérangère Couillard, secrétaire d'État :

Je reviens sur l'avant-COP15. La présidence était chinoise et la COP se passait au Canada, ce qui n'a pas facilité l'organisation, alors que l'événement était très attendu. L'implication des citoyens a permis de mobiliser les dirigeants. Jusqu'à l'issue de la COP, la présidence chinoise a été relativement absente des négociations ; chemin faisant, grâce à l'impulsion du pays organisateur qui souhaitait obtenir une victoire, la Chine est devenue plus allante. Ainsi, grâce à la Chine, nous avons trouvé un accord.

Avant la COP15, quelques pays moteurs ont mené les négociations, notamment la France. Au cours de réunions assez animées de la Commission européenne, la France et l'Allemagne étaient souvent interrogées sur leurs positions, ce dernier État étant parfois en retrait.

Au cours de la dernière semaine des négociations, nous avons voulu avancer sur un fonds, poussés par les ONG de manière un peu cavalière. Il s'agissait non pas de savoir quels moyens consacrer à la biodiversité - la France avait déjà acté le doublement de son financement -, mais de savoir à quoi les consacrer. Nous n'avons pas cédé sur les financements, ce qui a permis de fixer des objectifs ambitieux au sein de l'accord. La France a bénéficié du soutien du Canada et de l'Angleterre : cette dernière souhaitait afficher son action diplomatique, étant donné la situation intérieure qu'elle traverse ; le Canada, lui, en sa qualité d'organisateur, avait tout intérêt à la conclusion d'un engagement financier. D'ailleurs, beaucoup de pays pensaient qu'il n'était pas possible d'obtenir plus qu'un accord financier.

Les positions des pays furent très diverses. La France et l'Union européenne étaient alliées avec le Canada et l'Angleterre. D'autres pays ont apporté une aide appréciable, comme le Japon. D'autres pays étaient beaucoup plus réfractaires, comme le Brésil et les pays sud-américains, notamment sur la question agricole et les pesticides. Certains expliqueront que c'est parce que M. Bolsonaro était encore au pouvoir, mais cette position brésilienne est en réalité assez traditionnelle.

J'en viens aux financements et aux objectifs. Nous allons nous servir du cadre de la COP15 pour redéfinir notre stratégie nationale biodiversité 2030 - le Comité national de la biodiversité y travaille. Nous la présenterons au mois de mars. Nous définissons non plus les grands enjeux, mais les cibles, qui demandent à être affinées, ce qui n'est pas simple. Il faudra des financements ; Christophe Béchu et moi-même nous battrons pour les obtenir.

Je suis heureuse que l'ouverture du fonds vert aux territoires soit effective. Christophe Béchu et Dominique Faure viennent juste d'envoyer un courrier à toutes les collectivités pour présenter et préciser les démarches. Nous avons choisi de ne pas passer par des appels à projets, pour que prime la simplicité.

Au total, 150 millions d'euros sont spécifiquement dédiés à la biodiversité, et je tiens à ce que chaque action soit financée. Certes, il faudrait être plus ambitieux encore pour la transition écologique, mais un montant de 2 milliards d'euros est tout sauf négligeable, et le pire serait qu'il ne soit pas totalement utilisé à la fin de l'année 2023. Christophe Béchu et moi-même avons l'ambition d'obtenir la même somme l'année prochaine.

On a vu trop de politiques nationales qui échouaient à infuser dans les territoires. Nous en sommes convaincus - c'est tout le sens de notre ministère, et le fonds vert en témoigne également - : nous ne réussirons pas sans les collectivités territoriales. Vous serez donc appelés à jouer un rôle de relais auprès des élus locaux.

Monsieur Dantec, nous avions bien fixé un certain nombre d'objectifs à Aichi sans pour autant réussir à les mettre en oeuvre. Au-delà de la victoire obtenue à Montréal, il faut, dès à présent, assurer un suivi des nouveaux objectifs. Nous comptons évidemment sur la COP16 et sur d'autres rendez-vous, comme le One Forest Summit en mars prochain. De même, à la fin de mars 2023, je prendrai part à la conférence sur l'eau organisée par les Nations unies. On ne peut plus dissocier le climat, la biodiversité et l'eau. À la COP27 de Charm el-Cheikh, nous avons parlé de biodiversité ; à la COP15, nous avons parlé du climat et de l'eau. Je suis certaine qu'aux Nations unies, nous parlerons de l'ensemble des sujets qui nous préoccupent en la matière.

Vous le constatez, notre calendrier est rythmé par de nombreux événements internationaux. Le Président de la République fait preuve d'un grand volontarisme à cet égard, et pour cause : contrairement aux apparences, ces rendez-vous sont indispensables. C'est grâce à eux que nous pouvons avancer. Ainsi, la COP15 permettra d'assurer le suivi des objectifs fixés, lesquels doivent être assortis de mesures contraignantes.

Nous avons décidé de nous appuyer sur le FEM tout en le réformant pour le simplifier. Pour le ministère de la transition écologique, il s'agit du choix de l'efficacité et de la rapidité. Souvent, ce ne sont pas tant les budgets que les moyens en ingénierie qui manquent dans les territoires, notamment en Afrique ; nous devons y travailler.

En parallèle, nous misons sur les banques multilatérales de développement. Il serait souhaitable que certains pays contribuent davantage. La France n'a pas à rougir de ses efforts. Le Canada, quant à lui, s'est vanté de déployer 350 millions de dollars en faveur de la biodiversité, alors qu'il peut certainement faire plus, à l'instar des États-Unis.

Madame de Cidrac, nous avons beaucoup insisté sur la question des pesticides et, dans la toute dernière ligne droite, nous avons obtenu un engagement. À l'échelle nationale, le futur règlement sur l'utilisation durable des pesticides et l'évolution du plan Écophyto seront des leviers majeurs. Nous devons continuer à travailler main dans la main avec le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire pour réduire l'utilisation de ces produits. Il est possible de faire mieux, sans mettre les agriculteurs en difficulté.

De son côté, l'Union européenne n'accepte plus que la France décrète de nouvelles dérogations et s'apprête à édicter de nouvelles interdictions dans les années à venir. Nous devons chercher tous ensemble les moyens de remplacer les produits contestés ; c'est le sens des moyens supplémentaires dédiés à la recherche en matière de biocontrôle.

Le cas des néonicotinoïdes l'illustre : nous sommes face à une attente très forte des Français et il ne saurait être question d'attendre que l'opinion n'accepte plus du tout ces pratiques. Sur tous ces aspects, nous accompagnerons les filières, notamment la filière betteravière. Les tests en cours sont encourageants.

Monsieur Houllegatte, le mécanisme de mise en oeuvre permettra de faire régulièrement le point quant à l'atteinte des différentes cibles et de rectifier la trajectoire en augmentant nos ambitions ; c'est un point très fort de l'accord. Ce cadre permettra d'accroître l'effort de transparence et le suivi : c'est bien ce qui manquait aux objectifs d'Aichi.

Nous prévoyons de renforcer le processus de planification nationale par l'harmonisation des stratégies et des plans d'actions élaborés par la France. À cette fin, nous disposons d'un modèle commun pour préciser, d'ici à la COP16, la manière dont les cibles nationales s'articuleront avec les cibles du cadre mondial.

De plus, un certain nombre de rapports nationaux incluront les indicateurs phares du cadre de suivi, afin de permettre une analyse harmonisée et collective de la mise en oeuvre. Bien plus qu'une liste d'indicateurs agréés par les pays, le cadre de suivi est un véritable processus destiné à assurer le suivi solide de la mise en oeuvre. Le résultat global me semble très satisfaisant. Au total, nous disposons de 26 indicateurs phares distincts et de 13 indicateurs mondiaux binaires distincts.

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