Intervention de Julien Collette

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 février 2023 à 9h30
Audition de M. Jacques Rivoal président et de M. Julien Collette directeur général du groupement d'intérêt public france 2023 chargé d'organiser la coupe du monde de rugby en france

Julien Collette, directeur général du GIP France 2023 :

Je commencerai mon propos par un éclairage sur l'économie de l'événement : nous sortons d'une revue budgétaire complète qui a consisté notamment à comparer le niveau de dépenses d'exploitation nécessaires à l'organisation de cet événement aux standards internationaux, s'agissant du troisième événement sportif mondial, qui réunira près d'un milliard de téléspectateurs, sous les lumières du monde entier, donc. On ne saurait l'organiser à un niveau de dépenses inférieur à celui de nos prédécesseurs, sauf à considérer que les Japonais et les Anglais étaient incompétents en la matière... Or le niveau de dépenses moyen engagé dans l'organisation des précédentes coupes du monde tournait autour de 250 millions d'euros. Il était prévu, avant la revue budgétaire, un niveau de dépenses inférieur à 200 millions d'euros, qui faisait peser un risque sur la qualité de l'organisation de l'événement. Il était donc de notre responsabilité de revoir ce niveau de dépenses, en relation étroite avec l'État, avec World Rugby et avec la Fédération française de rugby, non seulement pour prendre en compte l'effet de l'inflation, qui affecte l'ensemble des métiers, mais aussi pour mettre en cohérence ce niveau de dépenses avec nos obligations contractuelles et avec nos engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale ainsi que d'héritage.

Après cette revue budgétaire, nous arrivons à un niveau de dépenses de 215 millions d'euros, auxquels s'ajoute une réserve de 3 millions. Cette enveloppe inclut les effets de l'inflation ; à sept mois de l'événement, nous connaissons les prix auxquels nous allons acheter la plupart des prestations et auxquels nous embauchons nos salariés, sachant que 99 millions d'euros restent à engager sur cette année.

Parmi les dépenses importantes figurent les dépenses de sécurité ; celles-ci avaient été en partie sous-estimées, au motif que l'État et les collectivités locales allaient assurer des dépenses qui, en la matière, en réalité ne leur incombaient pas. Nous avons travaillé de manière étroite avec les services de l'État, la coordination nationale pour la sécurité des jeux Olympiques de 2024 et des grands événements sportifs internationaux (CNSJ), le ministère de l'intérieur, la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (Dijop) et la délégation interministérielle aux grands événements sportifs (Diges) pour assurer la conformité des dispositifs de sécurité à nos obligations et leur adaptabilité aux contextes locaux, à la situation de chaque stade et de chaque camp de base.

Second élément : pour garantir la sécurité de cet événement, il nous faut intégrer cette problématique à la qualité des parcours client et des parcours spectateur, et non la considérer comme une dimension à part. Tout au long du parcours spectateur, depuis le départ d'un détenteur de billet de l'aéroport ou de la gare de sa ville de résidence, nous devons pouvoir communiquer avec le client de manière très étroite. C'est précisément ce que permet le choix stratégique qui a été fait dès le départ, qui nous permet de maîtriser l'ensemble du processus de commercialisation et de gestion de la billetterie par un système intégré dans lequel nos clients nous laissent l'usage de leurs données, étant entendu qu'acheter un billet c'est faire un achat de loisir, un achat « plaisir » : ce n'est pas comme acheter un réfrigérateur...

Ainsi pouvons-nous intégrer les données d'un million de personnes à nos dispositifs de sécurisation, lesquels seront adaptés à chaque contexte local dans le cadre d'études de sûreté. L'enjeu, pour nous, est de finaliser la passation des contrats des marchés de sécurité privée, sachant que nous sommes soumis au droit de la commande publique : nous devons déployer 6 300 agents de sécurité privée sur les neuf sites de compétition. Nous recensons deux ou trois sites un peu en tension, mais ils ne nous inquiètent pas outre mesure. Le pic de mobilisation d'agents de sécurité privée sur un week-end d'organisation de la Coupe du monde correspond à un week-end de match de Ligue 1 : le marché de la sécurité privée tel qu'il existe aujourd'hui en France est en mesure de répondre à nos besoins, en quantité comme en qualité, sachant que la compétition a lieu en automne, et non en plein coeur de l'été, et qu'elle est répartie sur dix sites en comptant Paris. Nul besoin, donc, de concentrer un nombre extrêmement important d'agents de sécurité sur une seule région pendant une période estivale, comme c'est le cas pour les jeux Olympiques.

Pour le reste, le point clé en matière de sécurité est la coordination avec les acteurs. Nous fonctionnons dans le cadre d'une convention de partenariat avec le ministère de l'intérieur, mais aussi avec les autorités organisatrices de transports des collectivités locales - c'est important pour la fluidité de la gestion des flux autour des stades, en amont et en aval des matchs.

World Rugby a fait de la santé des joueurs une priorité, ce qui explique la durée de l'événement : cinq jours de repos sont exigés pour toutes les équipes pendant toute la durée de la compétition. Le nombre de jours de repos est significativement accru par rapport aux précédentes éditions : 331 jours de repos en 2015, 328 en 2019, 441 en 2023 ; de surcroît, 33 joueurs sont autorisés pour chaque équipe au lieu de 31 auparavant.

En matière de revenus, la commercialisation de la billetterie a rencontré un succès que l'on peut qualifier de phénoménal : les billets se sont arrachés comme des petits pains. Les 2,2 millions de billets réservés au grand public se sont tous vendus et nous avons mis en place, en janvier, une plateforme officielle de revente, seul canal par lequel les détenteurs de billets peuvent les revendre au prix facial d'achat majoré de 10 % de participation aux frais. Nous développons en parallèle une politique de lutte contre le marché noir et de surveillance de plateformes telles que Viagogo, contre laquelle nous venons d'obtenir une décision de justice favorable.

La billetterie est la principale source de nos revenus. Nous avons 400 millions d'euros de dépenses à couvrir, dont 218 millions de dépenses d'exploitation, le reste étant constitué des droits que nous achetons à World Rugby pour organiser la Coupe du monde. La billetterie est la clé de la création de valeur liée à l'organisation de cette compétition : elle représente 347 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Maîtrisant cette billetterie, nous connaissons parfaitement notre public, et notamment la répartition des acheteurs par genre. Le public du rugby reste très masculin, bien que la féminisation soit en cours : 80 % d'hommes, 19 % de femmes. Contrairement à l'audience des matchs du XV de France, composée surtout d'hommes âgés de plus de 40 ans, la majorité des détenteurs de billets ont moins de 40 ans, ce qui est une très bonne nouvelle du point de vue du renouvellement du public et de la participation du public à la vie de l'événement et à l'animation du territoire.

Nous connaissons la provenance des acheteurs de billets : plus de la moitié des spectateurs sont Français - on peut penser que les stades vont vibrer au son de la Marseillaise. Les Britanniques ont acheté beaucoup de billets : parmi les 40 % d'acheteurs de billets qui viennent de l'étranger, 60 % viennent des îles britanniques, berceau de ce sport. Concernant la répartition géographique des acheteurs français par département, de manière assez peu surprenante, il apparaît que les Toulousains vont venir en force dans les stades, comme les Parisiens et les Girondins. Il est intéressant de constater néanmoins que le rugby n'est plus seulement un sport du Sud-Ouest et de la région parisienne, mais rayonne bien au-delà : le sénateur Savin constatera notamment que l'Isère est bien placée, comme la Loire-Atlantique ou le Nord, importants pourvoyeurs de fans - il faut dire qu'on y trouve des stades de la Coupe du monde.

Ce sport, on le voit, est en plein essor sur tout le territoire, avec une exception notable, le Grand Est, qui reste une terre de mission pour le rugby.

En matière de sponsoring, il va s'agir d'une coupe du monde record : 80 millions d'euros de chiffre d'affaires lié à la vente de contrats de partenariat. Les cinq partenaires majeurs, Société Générale, Capgemini, Jaguar Land Rover, Emirates, Mastercard, sont des partenaires de World Rugby. Quant à nos sponsors officiels, ils sont des entreprises françaises leaders dans leurs secteurs d'activité respectifs, qui vont des services publics jusqu'aux métiers du divertissement ou aux télécommunications en passant par l'organisation événementielle ou l'assurance : GL events, GMF, Loxam, Orange, Proman, SNCF, TotalEnergies, Vivendi.

L'enjeu, dans les six mois à venir, est de faire monter l'envie parmi la population et l'ensemble des acteurs économiques et sociaux, autour d'un slogan, « Célébrons toutes les fraternités », qui résonne avec la devise républicaine et avec les valeurs du rugby. La transcription anglaise fonctionne aussi très bien : « Let's celebrate togetherness ». Trois objectifs : faire monter l'engouement ; construire un lien de confiance avec le public ; créer un sentiment d'impatience autour d'un moment symbolique. À cet égard, les affres qu'a traversées la gouvernance du rugby français n'ont pas atteint l'image de marque de la Coupe du monde de rugby : la marque est très forte. Nous vous donnons rendez-vous lors du « J-100 », fin mai, qui sera un grand moment de célébration sur tout le territoire.

Notre force est précisément d'organiser une coupe du monde des territoires : nous y associons non seulement les dix métropoles et villes hôtes, mais une majorité de régions, qui sont très investies, en particulier Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Île-de-France, Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur, Hauts-de-France, Pays de la Loire, ainsi que de nombreux départements et collectivités.

Quant à l'adhésion du public à la Coupe du monde, nous l'avons observée lors de la circulation, entre juillet et novembre dernier, du « train du rugby », qui est passé par 51 villes et a reçu 100 000 visiteurs, grâce à notre partenariat avec la SNCF.

Les vingt camps de base vont nous permettre aussi de faire adhérer les territoires à cet événement et de faire connaître le rugby à des populations qui n'auront pas accès aux stades, via l'organisation d'entraînements ouverts au public. Le lien des petites équipes avec le public, notamment, promet d'être très fort. Nous avons réparti les camps de base de manière équilibrée sur le territoire, parfois en forçant un peu la main des équipes : Lyon, Rueil-Malmaison, Bourgoin-Jallieu, Avignon, Aix-les-Bains, par exemple, pour la poule A.

L'un des lieux de célébration majeurs sera le « village rugby », qui réunira au moins 10 000 personnes dans le centre de chaque grande agglomération accueillant les matchs, plus Paris. La fan zone parisienne sera implantée sur un lieu iconique, la place de la Concorde. Un seul lieu reste en suspens : nous restons en discussion, sans perdre espoir, avec la métropole européenne de Lille pour y trouver une solution.

En parallèle, pour permettre à toutes les collectivités et à tous les clubs amateurs de célébrer la Coupe du monde sans avoir à entrer dans le carcan de la protection des droits commerciaux, certes moins stricte que pendant les jeux Olympiques, nous avons créé le label Rugby Festival, auxquels pourront adhérer tous les porteurs de projet sans utiliser la marque « Coupe du monde », et qui fédérera toutes les initiatives locales en lien avec l'événement.

Cette coupe du monde doit également avoir un impact positif. Ne nous racontons pas d'histoires : avec 2 500 000 détenteurs de billets venus du monde entier, l'événement générera d'importantes émissions de gaz carbonique - on ne sait pas faire autrement. En revanche, nous avons fait le choix d'investir dans des programmes d'absorption du carbone, en partenariat avec les collectivités locales et avec des partenaires économiques ; c'est une innovation. Nous investissons aussi fortement dans l'économie durable et circulaire, notamment dans la gestion de nos services de restauration au grand public et aux VIP - filières courtes de production, lutte contre le gaspillage alimentaire, recyclage des déchets. Nous avons noué notamment un partenariat avec les banques alimentaires.

L'autre pilier majeur de notre stratégie RSE concerne l'engagement en faveur de l'éducation, de la formation et de l'emploi : de manière extrêmement innovante, le comité d'organisation a créé, en partenariat avec l'État et les partenaires sociaux, un centre de formation d'apprentis (CFA) d'entreprise, Campus 2023, qui permet la formation de 1 427 jeunes qui seront tous diplômés à la fin de l'année à l'issue d'un programme immersif ; 500 emplois seront pérennisés grâce à des aides de l'Agence nationale du sport (ANS) et au bénéfice d'exploitation de France 2023.

Nous disposons aussi d'un fonds de dotation qui soutient beaucoup d'actions locales et de clubs.

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