Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pratiques commerciales trompeuses, surfacturations, manquements à l’hygiène, opacité concernant les employés, dilution des responsabilités : après l’affaire des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Orpea, ce terrible constat vise des centres dentaires.
Ces dernières années, des scandales sanitaires ont mis en lumière des pratiques de surprescription de soins et de fraudes à la sécurité sociale visant à réaliser d’énormes bénéfices. L’histoire de la rencontre entre le lucratif et la santé, qui affecte plus durement les plus pauvres, se joue donc encore une fois sous nos yeux.
Je rappelle qu’il existe une corrélation entre la gravité des pathologies bucco-dentaires et le statut socioéconomique et que de fortes inégalités en matière de santé bucco-dentaire demeurent.
D’après une enquête réalisée par le Centre de recherche, d’études et de documentation en économie de la santé (Credes), le pourcentage d’adultes ayant des dents manquantes non remplacées varie du simple au double selon la catégorie socioprofessionnelle – 45 % des ouvriers non qualifiés sont concernés.
L’une des causes d’une telle situation est le coût élevé des soins dentaires pour des personnes aux revenus modestes, qui ne possèdent pas toujours de complémentaire santé.
Les études sur le renoncement aux soins, notamment celle de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), démontrent que les soins dentaires sont les premiers à être sacrifiés pour des raisons financières, juste avant les soins ophtalmologiques.
C’est pourquoi l’offre de soins de certains centres de santé dits « à bas prix » est devenue attractive pour ces publics. Tout ce qui relève du lucratif devrait être antinomique avec le modèle des centres de santé qui s’inscrit dans un projet collectif visant notamment à favoriser l’accessibilité financière aux soins de santé primaires, et souvent aux spécialistes, limitant ainsi le renoncement aux soins.
Les centres de santé demeurent des piliers de l’accès aux soins et de la lutte contre les déserts médicaux. Il n’est donc pas question de faire un amalgame avec ces pratiques délétères : la majorité de ces centres, notamment les centres mutualistes ainsi que les centres gérés par les caisses d’assurance maladie ou par les collectivités territoriales, jouent un rôle médico-social essentiel dans notre pays.
Du reste, des surfacturations sont aussi à déplorer dans le cadre de la pratique libérale.
Il s’agit donc, comme l’indiquait l’Igas en 2017 dans son rapport intitulé « Les centres de santé dentaire : propositions pour un encadrement améliorant la sécurité des soins », de « mettre en place des garde-fous législatifs et réglementaires pour prévenir une gestion à but lucratif […] des centres de santé ».
Certaines dispositions prévues par le texte semblent toutefois doublonner des dispositions légales et conventionnelles existantes.
Par ailleurs, le texte rétablit un agrément qui avait été supprimé en raison tant d’un manque de moyens humains des ARS, chargées de le délivrer, que du ralentissement du développement des centres de santé que la délivrance de ce même agrément induisait.
Dans le rapport précité, l’Igas estime « qu’il vaut mieux mobiliser les ressources humaines des pouvoirs publics sur des contrôles ciblés », car une telle mesure, « coûteuse en moyens », « n’aurait qu’un impact limité sur l’ouverture de centres s’inscrivant dans une logique lucrative ».
Les moyens humains d’inspection et de contrôle de l’État ainsi que des organismes d’assurance maladie se sont raréfiés au fil des années. Nous appelons certes à leur augmentation, mais nous partageons l’appréciation selon laquelle ils sont plus efficaces dans le cadre de contrôles inopinés, auxquels ils devraient être dévolus.
Nous regrettons par ailleurs que les maisons de santé pluridisciplinaires soient exemptées des dispositions du texte, ce qui crée une inégalité entre les différents types de structures d’exercice coordonné des soins.
Nous notons malgré tout que cette proposition de loi introduit des mesures importantes. Elle rend possible une meilleure traçabilité des actes, un renforcement des sanctions financières, la création d’un répertoire national des mesures de suspension et de fermeture ainsi que la facilitation de l’identification des professionnels.
Le texte prévoit également un renforcement du suivi des comptes des gestionnaires et des pratiques de facturation et entend lutter contre les conflits d’intérêts à l’origine des montages financiers.
Nous saluons l’adoption en commission de notre amendement qui, dans un souci de transparence, tend à rendre obligatoire la publication sur le site de l’ARS de la sanction financière prononcée à l’encontre d’un centre frauduleux.
Nous soutenons le modèle des centres de santé, dont la forme associative a parfois été détournée dans un but lucratif. Afin de contrer ces pratiques frauduleuses et malgré les réserves que j’ai formulées, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi.