Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 14 février 2023 à 14h30
Encadrement des centres de santé — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le rapporteur Jean Sol pour la qualité de son travail.

Vous connaissez l’attachement du groupe communiste républicain citoyen et écologiste aux centres de santé. Ces structures constituent à nos yeux un élément essentiel de l’accès aux soins.

Ces établissements de proximité, implantés historiquement dans des villes et quartiers populaires, se sont développés ces dix dernières années dans des zones rurales. Ils dispensent des soins de qualité sans dépassement d’honoraires, avec une pratique généralisée du tiers payant. Surtout, ces structures collectives permettent un exercice médical et paramédical salarié, aujourd’hui plus attractif pour les jeunes professionnels.

À l’heure où la santé est de plus en plus considérée comme une marchandise ouvrant des perspectives de profits juteux, nous défendons vivement ces établissements.

Certains centres de santé sont pourtant ébranlés depuis quelques années par des scandales sanitaires. Il me paraît essentiel de préciser d’emblée qu’il existe deux catégories bien distinctes de centres de santé : d’un côté, les centres de santé publics, municipaux, mutualistes, associatifs, à but non lucratif, où le patient est réellement au cœur de la prise en charge ; et de l’autre, des structures qui n’ont de centre de santé que le nom, qui sont à vocation lucrative, financière, et qui ont d’autres préoccupations que le soin.

Les établissements de cette seconde catégorie, que l’on pourrait renommer « marchands d’actes », ont pu s’implanter ces dernières années en profitant des dispositions de la loi HPST et de la suppression du régime d’agrément préalable pour ouvrir de telles structures, contre l’avis des organisations syndicales et professionnelles.

Ces centres low cost, spécifiquement dentaires et ophtalmologiques, sont détenus par des holdings et font remonter leurs bénéfices dans des structures commerciales à but lucratif.

Leur nombre s’est fortement accru : selon la Cnam, la patientèle de ces centres a doublé entre 2015 et 2019, passant de 400 000 à 800 000 patients en quatre ans, alors que le coût des remboursements de leurs actes a bondi de 245 %, pour atteindre 69 millions d’euros.

Parallèlement à cet assouplissement et à cette croissance exponentielle, le nombre de contrôles a diminué du fait du manque de moyens des ARS. Ce qui était malheureusement prévisible arriva donc, avec les affaires Dentexia en 2015 et Proxidentaire en 2021.

Comment ne pas être en colère et profondément choqué de voir des patients mutilés ? De trop nombreuses victimes de ces centres low cost ne peuvent même pas recourir à des soins de qualité réparateurs, faute de reconnaissance réelle et d’indemnisation de la part des autorités. À quand un procès pénal pour dénoncer ces escroqueries qui ont ruiné la vie de ces hommes et de ces femmes ? Comment ne pas être en colère de voir que rien n’a été fait malgré les recommandations formulées par l’Igas en 2016 et en 2017 et que les dérives ont pu continuer ?

Cette proposition de loi est donc la bienvenue, mais sera-t-elle suffisante et efficace ? Nous avons quelques doutes.

Rétablir un agrément pour les centres ayant une activité dentaire ou ophtalmologique, activités pour lesquelles les dérives sont les plus fréquentes, est une bonne chose. De même, la transmission des copies des diplômes et des contrats de travail des chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, ophtalmologistes et orthoptistes peut contribuer à plus de transparence et d’exigence.

Mais nous sommes très perplexes quant à l’efficacité de ces contrôles et de cet encadrement par les directeurs des ARS, car aucun moyen supplémentaire ne leur est accordé pour s’acquitter de ces nouvelles missions.

De même, nous regrettons que le texte, dans sa rédaction actuelle, permette aux centres déviants de poursuivre leur activité, même en cas de manquement à la qualité ou à la sécurité des soins. Il aurait fallu que l’obligation de fermeture comme les sanctions financières, dont nous saluons la réévaluation par notre rapporteur, aient un caractère automatique. En effet, le directeur d’une ARS aura toujours la possibilité de ne pas infliger d’amende. Nous aurions souhaité plus d’exigence et de fermeté sur tous ces sujets pour rendre le dispositif réellement dissuasif.

Soyons lucides, mes chers collègues, nous sommes face à des prédateurs qui ont une forte capacité à contourner la loi. Si celle-ci ne pose pas un cadre suffisamment précis, nous leur laisserons les mains quasi libres.

Nous aurions souhaité que cette proposition de loi aille plus loin et interdise aux gestionnaires ayant un but lucratif d’ouvrir des centres de santé – ce sera d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements. Il faut en finir avec les structures privées lucratives qui voient la carte vitale comme une carte bleue.

Cela étant, nous considérons que cette proposition de loi constitue une petite avancée et une première étape. Nous la voterons donc en souhaitant qu’il y ait une prochaine loi plus générale sur les centres de santé afin d’encourager le développement des centres vertueux et d’aider davantage les collectivités qui souhaitent avoir recours à ces structures. N’oublions pas, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il s’agit de l’un des moyens de faire reculer les déserts médicaux.

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