Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer l’excellent travail de M. le rapporteur Jean Sol, qui aura permis de soulever les grandes problématiques de notre système d’encadrement des centres de santé.
La révélation de scandales comme celui d’Orpea ou de certains centres dentaires et ophtalmologiques a confirmé nos inquiétudes. Aujourd’hui, le constat est simple : il y a urgence à renforcer l’encadrement de nos centres de santé pour lutter contre ces carences et ces abus. Ce constat est d’ailleurs partagé par tous les acteurs que nous avons entendus ces dernières semaines en commission.
En 2009, la suppression de l’agrément préalable et l’assouplissement du cadre juridique que permettait la forme associative ont été à l’origine du détournement du modèle des centres de santé et des dérives constatées. Le résultat est accablant, qu’il s’agisse des patients mutilés ou des multiples fraudes à l’assurance maladie. Je n’ai donc aucun doute sur le bien-fondé de cette proposition de loi.
Cependant, je veux profiter du temps qui m’est imparti dans ce débat pour aborder une question qui me tient à cœur, à savoir la perte de sens qui résulte du fait de légiférer à tour de bras sur le système de santé : un petit bout par-ci, un petit bout par-là ! Pour preuve, nous débattrons après ce texte d’une autre proposition de loi, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de celle de Mme Stéphanie Rist sur l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
Mes chers collègues, laissez-moi faire référence à Euripide – les amateurs de théâtre ancien apprécieront – avec cette citation : « Ce n’est pas l’abondance, mais l’excellence qui est richesse. ». C’est à méditer.
Ma conviction est que la multiplication des initiatives législatives contribue davantage à « stresser » le système de santé qu’à l’améliorer – c’est souvent le cas quand ces initiatives viennent du Gouvernement et cela arrive parfois quand elles sont issues du Parlement. Nous aurions surtout besoin d’une grande loi sur la santé, ni plus ni moins.
Pour faire écho à l’exaspération légitime des soignants et des médecins, que l’on constate cet après-midi encore devant les portes du Sénat, je ferai mien le mot du président Pompidou : arrêtons dans ce pays d’« emmerder » les soignants et les médecins !
Une autre priorité est de former davantage de médecins, car tous ces problèmes résultent en bonne partie de la pénurie de personnel. Or, M. le ministre de la santé, présent dans cet hémicycle lors des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, au mois de novembre dernier, avait reconnu que, malgré le déblocage du numerus clausus, nous ne formions en France que 17 % de médecins en plus en raison du manque de professeurs de médecine ou de locaux d’enseignement.
Autant de mauvaises raisons, autant de blocages et de freins malheureusement spécifiques à notre pays qui poussent de nombreux jeunes Français à partir se former en Roumanie ou ailleurs : c’est absurde et ubuesque !
J’en viens au fond de cette proposition de loi. Je dois reconnaître avec satisfaction que nous consacrons du temps à un fléau qui touche concrètement le quotidien de plusieurs de nos concitoyens. En effet, l’ordonnance du 22 janvier 2018, prise après le scandale Dentexia, a certes précisé un peu le droit, mais elle n’a visiblement pas été suffisante.
Ce texte contient de réelles avancées : le rétablissement de l’agrément délivré par le directeur de l’ARS, l’obligation pour le gestionnaire de transmettre les contrats de travail des praticiens de l’ARS et l’obligation pour l’ARS de communiquer ces contrats de travail aux ordres.
L’article 2 prévoit d’obliger les centres à se doter d’un comité dentaire ou ophtalmologique, pour ceux qui exercent ces activités. Un tel comité serait chargé de contribuer à la politique d’amélioration de la qualité des soins et à la formation continue des salariés : c’est une bonne mesure.
Attendue par les patients, qui ont vécu de véritables traumatismes, par les chirurgiens-dentistes, dans la mesure où les excès de certains cabinets dentaires ont taché l’image d’une profession qui ne le méritait pas, et par l’assurance maladie, victime de nombreuses fraudes, cette proposition de loi doit être appliquée rapidement.
Toutefois, mes chers collègues, rappelons que les centres de santé, dans leur grande majorité, qu’ils soient communaux, mutualistes ou associatifs à but non lucratif, effectuent un travail de qualité. Les brebis galeuses n’entachent pas la probité de la totalité du troupeau.
Parlons des brebis galeuses justement, de Dentexia ou de Proxidentaire, dont le scandale a mis en lumière le fonctionnement de certains centres de santé dentaire où la qualité et la sécurité ne sont clairement pas une priorité. C’est bien la preuve qu’il est indispensable de lutter contre les centres de santé dits low cost.
Ce débat me rappelle le cours d’économie sur les effets de la surconcentration : nous sommes soumis dans le domaine de la santé et des soins à des difficultés autrefois inconnues. Cette surconcentration se caractérise par l’apparition d’acteurs financiers en recherche de rentabilité record, qui ne sert ni les patients, ni les soignants, ni l’aménagement du territoire. Cela vaut pour les maisons de retraite, pour les soins dentaires et ophtalmologiques, pour les laboratoires, voire, dans un autre domaine, pour les biotechs. C’est le mérite de cette proposition de loi que de s’attaquer à cette surconcentration.
À ce titre, je tiens à saluer deux mesures : premièrement, l’introduction d’une obligation pour le représentant légal de l’organisme gestionnaire d’informer dans les sept jours le directeur général de l’ARS, le directeur de la caisse locale d’assurance maladie et le président du conseil départemental de l’ordre compétent en cas de fermeture d’un centre de santé ou de l’une de ses antennes.
Une telle mesure apportera une réponse au problème des cartes de professionnels de santé qui continuent de circuler sans contrôle, alors que les centres de santé dans lesquels leurs détenteurs exerçaient ont fermé.
Deuxièmement, l’obligation pour les professionnels de santé salariés d’un centre de santé d’être identifiés par un numéro personnel distinct du numéro identifiant du centre où ils exercent. Une telle traçabilité est une exigence morale.
Au-delà des scandales médiatiques, le développement de ces centres à bas prix a largement participé aux abus et fraudes recensés par l’assurance maladie. Il s’agit donc aujourd’hui de lutter plus sévèrement contre cette forme d’exercice illégal de la médecine.
J’ajoute aux autres effets pervers de cette surconcentration la fermeture de certains laboratoires, ce qui transforme encore un peu plus la ruralité en désert médical. Cette question est d’autant plus préoccupante que les centres de santé, comme l’ont déjà souligné plusieurs orateurs, sont souvent fréquentés par des publics vulnérables disposant de peu de moyens.
Mes chers collègues, parce que la qualité des soins n’est pas négociable et parce que toute fraude doit être lourdement combattue, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.