Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons la discussion de cette proposition de loi, due à l’initiative de Frédéric Descrozaille, dans une conjoncture marquée par le retour de l’inflation, ce qui nous place, en tant que législateurs, au centre des crispations entre les acteurs de chaîne de l’agroalimentaire, alors que des négociations commerciales sont en cours.
D’abord, il y a les consommateurs, que les distributeurs déclarent vouloir protéger contre l’inflation. C’est aujourd’hui la principale source d’inquiétude des Français. Cette inflation a d’ailleurs un double impact sur nos concitoyens : sur leur portefeuille, mais aussi sur leurs choix de consommation, donc sur l’amont. On assiste ainsi à une descente en gamme, avec une moindre consommation de produits frais et premium.
Le Gouvernement a fait beaucoup d’efforts pour contenir cette inflation. Elle est à 7 % en janvier, alors que la moyenne de la zone euro est plutôt à 8, 5 %. On voit que le bouclier tarifaire et d’autres dispositifs ont porté leurs fruits.
Ensuite, il y a les industriels, qui font face aussi, depuis la reprise post-covid et le conflit ukrainien, à une explosion des coûts de fabrication.
Enfin, en amont, il y a ceux sans qui l’ensemble de l’aval ne pourrait pas fonctionner : je veux parler des producteurs et des agriculteurs, qui font face, eux, au renchérissement d’un certain nombre d’intrants et de l’énergie. Ils doivent en outre composer avec les enjeux liés aux changements climatiques et à la souveraineté alimentaire, ce qui nécessite investissements et ajustements. C’est pourquoi il est important de leur assurer une juste rémunération.
Voilà pour la conjoncture.
Ce texte répond par ailleurs à des problèmes structurels.
Le ministre et la rapporteure ont fait le même constat sur la dégradation des relations commerciales depuis quinze ans.
Ces relations commerciales révèlent des intérêts contradictoires, mais aussi une relation d’interdépendance très forte, ainsi que, en principe, une responsabilité réciproque. Je dis bien « en principe », car, lorsque des centaines de fournisseurs font face à un nombre très restreint d’acheteurs, qui se comptent sur les doigts des deux mains, on voit bien que l’équilibre ne s’établit pas naturellement.
J’ajoute que, depuis la loi de modernisation de l’économie, dite LME, de 2008, soit depuis quinze ans, une guerre des prix s’est installée, fragilisant nos commerces et nos agriculteurs par la destruction de valeur. Je rappelle que cette loi, dont le sigle LME a donné naissance à de nombreuses interprétations, rétablissait la liberté tarifaire sans supprimer les marges arrière, ce qui a permis des contournements de la loi sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales, dite Galland, laquelle imposait aux distributeurs de facturer de la même façon tous leurs fournisseurs.
Le quinquennat précédent a permis de rectifier ces déséquilibres au profit des agriculteurs, en premier lieu grâce aux lois Égalim 1 et 2, qui ont su mieux encadrer ces pratiques pour sécuriser l’avenir de nos filières agricoles et agroalimentaires. Au sein de notre groupe, au côté du président Patriat, Bernard Buis a été très attentif à ce travail parlementaire. Ce corpus législatif a permis d’imposer plus d’éthique dans la négociation, avec la non-négociabilité de la matière première agricole et les conventions écrites. Savez-vous qu’à une époque, certains faisaient signer des contrats sans que le fournisseur puisse repartir avec une copie ? Je tiens cela de Jean-Paul Charié…