Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays est actuellement confronté à deux questionnements majeurs pour son avenir : l’alimentation et l’énergie. Dans ces deux domaines, où la France est en difficulté, nous devons agir.
Monsieur le ministre, comme l’ont dit plusieurs collègues dont je partage le point de vue, la proposition de loi que nous examinons est bien une loi Égalim 3.
Premier point : les lois Égalim 1 et 2 ont sanctuarisé les matières premières agricoles (MPA), mais uniquement s’agissant des marques.
Le travail que nous avons réalisé au sein du groupe de suivi des États généraux de l’alimentation, auquel je participe, notamment aux côtés d’Anne-Catherine Loisier, nous le montre : l’analyse que nous avons réalisée depuis les lois Égalim 1 et 2 nous a donné un temps d’avance et nous avons ainsi pu modifier les textes ultérieurs. Notre vision était sans doute, de ce fait, plus lucide sur ce qui se passait.
Néanmoins, monsieur le ministre, ces MPA ne représentent que 50 % du marché de l’agriculture : les 50 % restants ne sont pas traités au niveau des matières premières agricoles.
Le deuxième point sur lequel je voudrais intervenir est peu évoqué ; or il est stratégique pour que les agriculteurs puissent écouler leur production, stratégique pour les Français et pour notre économie : il s’agit des matières premières industrielles (MPI), qui pourtant ne sont impliquées qu’à hauteur de 30 %, comme l’ont montré les travaux du groupe de suivi du Sénat. Dans la période inflationniste que nous connaissons et que subissent les agriculteurs comme les entreprises agroalimentaires, c’est une terrible erreur.
Nous ne mesurons pas les conséquences que cette situation entraînera directement sur la répartition des entreprises – souvent des PME – dans nos territoires.
Vous le savez, monsieur le ministre, l’inflation est telle qu’elle a des répercussions insupportables au niveau des MPI. On n’en parle pas beaucoup et personne ne s’en étonne… Pourtant, comme l’ont indiqué Laurent Duplomb et plusieurs de nos collègues dans un rapport d’information, la compétitivité et le volume de production de la ferme France diminuent.
Ne l’oublions pas, c’est grâce aux MPI que la France et les entreprises agroalimentaires innovent et font de la recherche ! Ainsi, les progrès sont considérables dans le domaine de la sécurité alimentaire. Si l’on devait fragiliser, demain, les capacités d’intervention de ces entreprises, c’est tout notre édifice agroalimentaire, si précieux pour les Français et pour notre indépendance commerciale, qui serait en difficulté.
Après les lois Égalim 1 et 2, nous aurons bientôt Égalim 3. Pour autant, les chiffres sont terribles.
Il n’y a pas eu de loi Égalim 1 ou 2 en Allemagne, en Belgique, en Pologne, aux Pays-Bas ou en Irlande… Pourtant, si l’on regarde les chiffres du secteur laitier en 2022, on constate qu’en France, les 1 000 litres de lait sont payés 471 euros. Or en Allemagne ils sont payés 120 euros de plus, en Irlande 210 euros de plus, en Pologne 100 euros de plus que chez nous ! Malgré tous les textes que nous votons, nous sommes les avant-derniers de la classe pour le niveau de rémunération des produits laitiers en Europe. Cela doit nous interpeller ! La situation de notre économie agroalimentaire est dramatique…
Nous vous l’avons dit, monsieur le ministre, avec ce système, nous avons toujours un temps de retard, puisque les indicateurs se rapportent à la situation antérieure. Or le passé, c’est le passé ! Dans un système inflationniste, automatiquement, on court toujours derrière…
Lorsque nous serons – je l’espère – de nouveau dans un système déflationniste, pour qu’Égalim fonctionne bien, il ne faudra pas que les prix baissent lorsque les indicateurs baisseront.
Troisième point : je souhaite remercier notre rapporteure, qui a eu le courage de mentionner les marques de distributeurs. Il n’y a aucune raison pour que, dans la ferme France, les produits alimentaires ne soient pas considérés d’une manière globale. Il est donc nécessaire de sanctuariser les matières premières agricoles à ce niveau.
Je l’ai dit à votre prédécesseur, monsieur le ministre, pour améliorer le revenu des agriculteurs, il faut considérer la colonne « recettes » et la colonne « dépenses ». Aujourd’hui, nous ne sommes pas du tout à la manœuvre et nous continuons d’empiler les contraintes environnementales ; j’en veux pour preuve la situation de calamités agricoles de 2022, qui a fortement fragilisé notre économie.
Sur le SRP+10, là encore, madame la rapporteure, vous avez réussi à poser le débat. Notre groupe de suivi avait démontré que ce relèvement ne bénéficiait ni aux consommateurs ni aux producteurs. Merci d’avoir eu le courage, au travers d’un amendement, de remettre l’église au milieu du village !
Mon groupe votera ce texte, amélioré par des amendements de fond qui apporteront des réponses. Nous sommes impatients de voir comment se passera la commission mixte paritaire…