Intervention de Laurent Duplomb

Réunion du 15 février 2023 à 15h00
Approvisionnement en produits de grande consommation — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Égalim 1, 2, 3… On peut sans doute aller jusqu’à l’infini ! Le but était d’améliorer les revenus des agriculteurs, mais Daniel Gremillet a bien montré que tel n’a pas été le cas ces dernières années.

Je vous propose de faire un peu d’Histoire, sans se raconter d’histoires. La loi Égalim 1 était composée de deux titres. Le premier visait à améliorer les relations commerciales, en créant un SRP+10 et en encadrant les promotions excessives sur les produits agricoles, pour créer un ruissellement qui devait améliorer le revenu des agriculteurs. Le second a suscité quelque 2 500 amendements à l’Assemblée nationale, où il n’était question que de vilipender l’agriculture française et de lui fixer des conditions d’exercice défavorables. Pour rappel, c’est ce second titre qui a supprimé les remises, rabais et ristournes et rendu obligatoire la séparation du conseil et de la vente – problème que personne ne sait gérer, d’ailleurs, et sur lequel nous avons fait d’autres propositions.

Il est donc évident que la cible – améliorer les revenus des agriculteurs – a été manquée. Le résultat est un discours incitant à la montée en gamme, oubliant qu’il y a des Français qui souhaitent manger des produits français, mais qui n’ont pas les moyens d’acheter des produits Hermès ! Il faut donc des produits d’entrée et de milieu de gamme. S’en tenir à la montée en gamme, c’est avouer un échec sur le plan de la compétitivité et mettre tous nos problèmes sous le tapis. C’est aussi s’en remettre, pour les autres segments, à l’importation de produits qui, pour certains, ne respectent pas nos normes, comme nous l’avons souligné dans notre rapport de 2019.

Un deuxième problème est le message que véhiculait Égalim 1, selon lequel l’agriculture française ne serait pas saine ni durable. Ce message est complètement erroné. L’agriculture française est saine et durable : 25 000 morts d’intoxications alimentaires en 1950, 250 aujourd’hui. Notre agriculture est admirée dans le monde entier pour son respect du territoire, des produits, et pour la culture gastronomique française qu’elle représente.

Certes, Égalim 2 valait un peu mieux – peut-être parce que le ministre de l’époque était un peu meilleur… On y trouvait la contractualisation, la non-négociabilité des matières premières agricoles et, enfin, des pénalités logistiques. Or, pour améliorer les relations commerciales, il faut les rendre plus saines en supprimant les écarts et les pratiques quasi mafieuses. Justement, les pénalités logistiques s’appliquent d’une façon totalement arbitraire. C’est le pot de fer contre le pot de terre ! Par exemple, s’il y a 15 000 euros de dégâts, on peut appliquer une pénalité de 150 000 euros, ce qui est disproportionné et totalement inadmissible.

Et voilà enfin un petit article, reprenant l’une de mes propositions, et visant à expérimenter la sortie du SRP. Il y a longtemps que les producteurs de fruits et légumes frais demandaient cette sortie, car ce SRP les pénalisait, à l’inverse des autres secteurs.

Nous en arrivons à Égalim 3, qui reprend des éléments sur lesquels nous alertons la Macronie depuis longtemps, sans grand succès, et qui nous offre la possibilité de régler quelques petits problèmes.

Il y est question des plateformes européennes. Combien de fois avons-nous répété, lors de l’examen d’Égalim 1, que le problème se déporterait ? Dans la grande distribution, chassez le naturel, il revient au galop ! Le principe, depuis des années, y est de contourner toutes les règles que nous fixons pour continuer à faire ses affaires… Il fallait arrêter cela. Nous aurions pu le faire dès Égalim 1. Dommage que nous ayons dû attendre Égalim 3.

Deuxième point : cette loi Égalim 3 va enfin sortir les fruits et légumes du SRP+10. Oui, monsieur Pla, nous avons soutenu en commission la sortie totale du SRP, parce que les 600 millions d’euros qui sont donnés à la grande distribution ne servent pas au ruissellement. Les rapporteurs ont suivi la question pendant quatre ans et ont établi clairement les faits. Certes, nous revenons sur cette position, c’est un compromis. Au moins a-t-il le mérite de montrer que, ces 600 millions d’euros, il faudra aller les chercher. Le SRP+10 faisait perdre 93 millions d’euros par an à la filière des fruits et légumes. Il fallait donc en sortir.

Nous devons nous pencher de nouveau sur les pénalités logistiques, parce que, contrairement à ce que certains disent, elles n’ont pas disparu. Certains les ont diminuées, comme Auchan ou Casino. D’autres les ont augmentées, comme Leclerc et Carrefour. Il faut les arrêter, et continuer à réprimer ces pratiques.

Il faut aussi, monsieur le ministre, accepter la non-négociabilité des matières premières agricoles dans les marques de distributeurs.

Pour terminer, monsieur le ministre, je vous fais une proposition pour l’avenir. N’oublions pas que le mal endémique de notre pays, toutes catégories confondues, et en particulier pour l’agriculture, c’est la perte de notre compétitivité. Avec Serge Mérillou et Pierre Louault, je viens de déposer une proposition de loi de 26 articles pour détendre le normatif qui tue l’agriculture française. Il s’agit d’arrêter les surtranspositions, d’améliorer le cadre fiscal pour favoriser l’investissement et d’encourager l’innovation au service de la productivité, pour faire qu’enfin les agriculteurs aient confiance et qu’enfin les Français soient fiers de leur agriculture, la dessinent, le disent et l’achètent. C’est comme cela que nous retrouverons notre souveraineté alimentaire.

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