Les précédentes tentatives de maîtrise des normes ont échoué. Nous l'avions constaté, avec Mathieu Darnaud, au sujet de la loi sur la transition énergétique, puis sur le code de l'urbanisme, avec François Calvet et Marc Daunis ; enfin, j'avais déposé, en 2016, une proposition de loi constitutionnelle, qui a été adoptée par le Sénat à une large majorité, mais que l'Assemblée nationale n'a jamais examinée. Elle reposait sur trois principes, celui du « one in, two out » - pour une norme introduite, on en retire deux -, celui du « qui décide paie » et celui visant à éviter la surtranposition européenne. Il y a urgence à agir : face à cette addiction aux normes, nous avons besoin d'une thérapie de choc.
Les raisons de cette inflation normative tiennent d'abord au fait que nous devons bâtir des équilibres toujours plus complexes entre des demandes souvent contradictoires, par exemple lorsqu'il s'agit de respecter des objectifs environnementaux sans nuire au développement des territoires. L'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) est, de ce point de vue, emblématique.
Ensuite, la judiciarisation de la société et le principe de précaution sont des facteurs inflationnistes. Les citoyens, les administrations et les élus locaux eux-mêmes réclament des normes toujours plus détaillées pour se protéger en cas de contentieux : on l'a vu récemment au sujet de l'extinction de l'éclairage public dans les villes et villages.
Enfin, l'emballement normatif tient également à une croyance quasi-mystique dans la norme. Il s'agit là d'un mal très français : quand ils veulent répondre à une « émotion » ou manquent de moyens financiers, les pouvoirs publics cèdent volontiers à la création de la norme « magique », afin de donner l'illusion qu'ils ont réglé la question. Quant aux parlementaires, ils présentent parfois des amendements trop précis, qui aboutissent à créer de nouvelles normes.
Les conséquences sont importantes pour les collectivités territoriales. Non seulement l'inflation normative complexifie et retarde les projets locaux, mais elle en augmente aussi fortement le coût, notamment pour les petites communes aux ressources limitées. La multiplication des normes constitue donc un frein au développement des territoires dans le contexte budgétaire contraint que chacun connaît.
Le Gouvernement évalue à près de 2 milliards d'euros le coût total pour les collectivités locales de cette inflation normative au cours de la période 2017-2021. Ce montant est à rapprocher du montant de 1 milliard d'euros que coûterait, en 2023, l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation.
Toutefois, nous avons découvert, à notre grande surprise, qu'il n'existait pas de thermomètre permettant de mesurer précisément la fièvre normative. En effet, le chiffre de 400 000 normes qui est parfois avancé n'a jamais été actualisé et ne repose sur aucun recensement rigoureux.
Face à cette lacune, nous avons regardé l'évolution du code général des collectivités territoriales (CGCT) et du code de l'urbanisme. Le CGCT a triplé de volume entre 2002 et 2022. Certes, cette évolution résulte en partie de l'adaptation des règles à la diversité des territoires. Toutefois, la différenciation territoriale ne peut expliquer à elle seule cette situation, étant précisé que le CGCT pourrait, au 1er janvier 2023, dépasser le seuil symbolique du million de mots : n'est-ce pas là un seuil d'alerte ?
Quant au code de l'urbanisme, il a augmenté de 44 % sur la même période.
Dans ce contexte, certains élus dénoncent une « addiction aux normes », voire un « harcèlement textuel »...
Les lois de simplification ne font parfois qu'ajouter une couche de complexité, et nous sommes convaincus de la nécessité de transformer le mode d'élaboration de la norme. Pour ce faire, nous avons privilégié des solutions simples et atteignables rapidement, grâce à des engagements politiques du Gouvernement ou du Parlement. Elles ne nécessitent pas, pour la plupart, de modification des textes juridiques.