Nous avons tenté d'être sobres dans nos recommandations et nous nous sommes concentrés sur l'instauration d'un principe de précaution pour éviter le délire normatif, en fabriquant la loi autrement.
En 2013, le Sénat a créé le CNEN, qui a pour mission de traiter des normes concernant les collectivités territoriales, sachant que toutes les lois sont susceptibles d'en produire. Nous recommandons un changement de pratiques portant sur la fabrique de la norme.
Tout d'abord, nous avons réfléchi aux études d'impact qui accompagnent les projets de loi et que le Gouvernement doit présenter au CNEN. En effet, ces études d'impact, dans la mesure où elles sont produites par le ministère qui présente le texte, sont davantage un outil d'autojustification qu'une aide objective à la décision. Nos recommandations à ce sujet sont à droit constant, car l'enjeu est plus de faire évoluer une culture et une discipline que de tout changer par une loi.
Le rapport recommande de donner plus de visibilité au Parlement, en le faisant participer à l'élaboration du texte très en amont. Il encourage le Gouvernement à présenter, à chaque début de session, à l'occasion d'un débat parlementaire en séance ou en commission, les principales mesures législatives et réglementaires relatives aux collectivités territoriales. Ce débat d'orientation permettrait aux parlementaires d'inviter le Gouvernement, le cas échéant, à réfléchir à des propositions alternatives, sans création de normes nouvelles. On éviterait ainsi les normes instaurées uniquement à des fins de communication.
Nous proposons également de modifier le mode d'élaboration de l'étude d'impact. Cette position est confortée par le fait que, pas plus tard qu'hier, le président du CNEN, Alain Lambert, « grande gâchette de la norme » s'il en est, a de nouveau alerté la Première ministre sur l'urgence de mettre fin au dérapage incontrôlé et incontrôlable de la norme.
Nous proposons donc deux recommandations pour que l'étude d'impact joue davantage son rôle d'outil d'aide à la décision. En premier lieu, le rapport recommande au Gouvernement, s'agissant des projets de loi sur les collectivités, de réaliser l'étude d'impact en deux temps : pour les textes les plus importants, un premier rapport, qualifié d'« étude d'options » ou d'« étude d'opportunités », permettrait d'évaluer l'intérêt même d'une nouvelle norme, en la comparant avec les autres solutions possibles. On éviterait ainsi le jaillissement de normes et l'on gagnerait en efficacité, sans avoir à toucher à la loi organique de 2009.
Cette démarche nécessite d'évaluer précisément les dispositions législatives en vigueur que le projet de loi envisage de modifier ; de soumettre cette étude d'options au CNEN ; d'organiser en séance publique ou en réunion restreinte un débat d'orientation avant l'examen du texte lui-même. Je rappelle, en effet, que 20 % à 25 % des textes qui arrivent au CNEN doivent être traités en urgence et qu'il y en a eu 19 au mois de décembre dernier.
En second lieu, le rapport recommande au Gouvernement, si ce dernier estime nécessaire de créer de nouvelles normes, de soumettre au CNEN une première version de l'étude d'impact au moins un mois avant l'examen de ladite norme. Le CNEN devra également certifier la sincérité, l'objectivité et la complétude de l'étude d'impact, rôle qui lui convient parfaitement, puisqu'il s'agit d'une autorité indépendante.