En cinquième recommandation, nous estimons nécessaire de créer, au sein du Sénat, une fonction de veille et d'alerte, qui serait au service des commissions permanentes compétentes, le plus en amont possible de la production des normes, législatives ou réglementaires, applicables aux collectivités territoriales.
Cette fonction, comparable pour les textes nationaux à celle qu'exercent les commissions parlementaires des affaires européennes à l'égard des normes communautaires, aurait un double objectif. Concernant les avant-projets de loi, cela permettrait aux commissions permanentes compétentes d'être alertées très tôt lorsqu'apparaissent certaines difficultés pour les collectivités. Pour ce qui est des projets de décrets d'application, il faudrait permettre à ces mêmes commissions d'être alertées avant toute publication, notamment lorsque les textes envisagés semblent méconnaître la volonté du législateur. En effet, une telle situation se présente trop souvent, notamment dans le domaine des collectivités territoriales. Les décrets du ZAN en sont malheureusement l'illustration : ainsi, ils ont donné lieu à un avis négatif de la part du collège des élus du CNEN, dès le mois d'août. Certes, les avis du CNEN sont publiés sur son site internet, mais nous n'avons pas forcément le temps d'aller les consulter.
Il convient donc de renforcer le suivi des projets de décrets d'application. Récemment, deux ministères ont associé les rapporteurs des textes concernés à l'écriture des décrets d'application, mais ce genre d'initiative reste accidentel.
Le Sénat conforterait ainsi son rôle de gardien vigilant du processus de fabrique des réformes concernant les collectivités territoriales. Cette nouvelle fonction parlementaire suppose un renforcement des liens du Sénat avec le CNEN. Ce dernier pourrait, en effet, jouer un rôle de filtre, de sorte que le Sénat exercerait cette fonction de veille et d'alerte uniquement en cas d'avis négatif du CNEN.
Nous sommes collectivement soucieux de l'efficience de l'action publique. Pour reprendre les propos de David Lisnard, il faudrait cesser de considérer d'abord « ce qui est autorisé », alors qu'autrefois on regardait « ce qui est interdit », car cela a pour conséquence que nous nous retrouvons paralysés : en France, il faut sept à huit ans pour qu'un projet d'éolienne aboutisse, alors qu'en Allemagne le délai est trois fois moindre.
Par conséquent, nous suggérons que notre délégation désigne, en son sein, des « référents simplification » pour chaque commission, qui pourraient intervenir au moment de l'examen des textes concernant les collectivités. Ils seraient ainsi, de manière informelle, les porte-voix de la délégation. L'idée est que chacun d'entre nous, au sein de la commission dont il est membre, se fasse le porte-voix informel de la délégation.
Enfin, sixième recommandation, nous proposons d'organiser des États généraux de la simplification. Ce ne sera ni le 4 août ni le grand soir, mais ils répondraient à la convergence des préoccupations du CNEN, des associations d'élus et du Conseil d'État, liée au fait que nous arrivions au bout de ce qui est possible en matière de production de la norme. Cette convergence démontre la nécessité d'une forme d'autodiscipline, avec, en vue, l'efficacité de l'action publique. Parfois, à vouloir trop bien faire et conjuguer des impératifs contradictoires, nous en arrivons à une norme contre-productive.
Il faut sensibiliser les citoyens : la norme vient de nous tous. Chaque fois que quelque chose de négatif arrive, on considère que c'est parce que quelqu'un a failli. Pour protéger les maires contre des recours abusifs, certains envisagent, par exemple, de définir des normes d'éclairage public dans toutes les communes de France. Jusqu'où ira-t-on ?
Les États généraux que nous proposons seront l'occasion d'une prise de conscience collective : il ne suffit pas de donner son nom à une loi pour montrer que l'on a agi... Organisés le jeudi 16 mars et placés sous le haut patronage du président du Sénat, ils auront lieu dans notre assemblée. De nombreux acteurs, dont le CNEN et les associations d'élus, nous soutiennent ; même l'éditeur Dalloz s'y intéresse. Nous y dévoilerons les résultats de la consultation et nous souhaiterions que, à la fin de ce colloque, une charte engage moralement à la fois le Gouvernement, le Sénat, le CNEN et les associations d'élus. Nous y inscririons nos recommandations, notamment celle relative à la fabrique de la loi, qui doit s'apparenter à un processus industriel normalisé.