La réforme de la police nationale, et non pas simplement de la police judiciaire, a été modifiée et enrichie. Un compromis avec le Gouvernement a été trouvé dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), à la suite du travail mené par le Sénat. À cet égard, je salue MM. Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé, qui sont parvenus à trouver une rédaction consensuelle permettant d'instaurer certaines bornes, qui nous paraissaient consensuelles. Par ailleurs, le Gouvernement s'était engagé à publier les différents rapports établis sur ce sujet, ce qu'il a fait.
Le Conseil constitutionnel n'a d'ailleurs pas eu à redire grand-chose au projet de loi que j'ai l'honneur de porter, notamment sur la question importante, évoquée par de nombreux parlementaires, de la séparation des pouvoirs et du lien entre l'autorité judiciaire et le pouvoir exécutif.
Dans la mesure où les rapporteurs de la commission des lois du Sénat travaillent certainement à la finalisation de leur rapport sur l'organisation de la police judiciaire, j'évoquerai rapidement trois points.
Tout d'abord, conformément à l'engagement que j'ai pris devant l'Assemblée nationale, je ne ferai rien tant que les trois rapports d'information ne seront pas rendus et tant que je n'en aurai pas étudié les conclusions.
Permettez-moi de revenir sur le rapport des inspections, ainsi que sur le rapport « bicéphale » de l'Assemblée nationale. Aucun de ces rapports ne remet en cause le bien-fondé d'une action à mener dans la police nationale, laquelle, depuis extrêmement longtemps, travaille en silos et mériterait d'être modernisée. Je pense au nombre important d'enquêtes, ainsi qu'à la mutation de la délinquance. Ne rien faire reviendrait à ne pas améliorer les taux d'élucidation, à désespérer la filière judiciaire et, donc, toute la police nationale, et à renoncer à nous adapter au monde moderne.
Ensuite, d'après les différents rapports, la création d'une filière judiciaire rassemblant les différents services d'investigation, qui n'existe pas aujourd'hui, est une bonne idée, ce dont je me félicite.
Le garde des sceaux et moi-même l'avons dit, nous prendrons en compte l'intégralité des remarques et préconisations des inspections. Ainsi, l'évaluation des futurs directeurs départementaux de la police nationale se fera à la fois par le préfet et par le procureur de la République. Cette innovation, notamment proposée par l'IGJ, me paraît frappée au coin du bon sens, le fameux article 12 du code de procédure pénale prévoyant que la police judiciaire est exercée sous la direction de l'autorité judiciaire.
Par ailleurs, la question de la décentralisation d'un certain nombre de décisions a été soulevée, ce qui me paraît une très bonne chose.
Permettez-moi de vous donner les échéances à venir. La réforme sera mise en oeuvre en 2023, comme nous nous y étions engagés. Dès la semaine prochaine, je recevrai l'intégralité des organisations syndicales de la police nationale, dans le cadre de discussions bilatérales. Après cette consultation, je prendrai un certain nombre de décisions qui tireront les conclusions des rapports d'information des assemblées et des inspections, ainsi que des propositions formulées par les syndicats. Au mois d'avril, les directeurs zonaux seront désignés, puisqu'il s'agit de faire des directions par zone de la police nationale. À l'été, il y aura deux types de nomination pour les directeurs départementaux : dans les directions départementales qui ne sont pas concernées par les grands événements sportifs - la Coupe du monde de rugby, les nominations pourraient avoir lieu fin août ou début septembre, tandis qu'elles auraient lieu au mois d'octobre dans les autres. Ainsi, fin 2023, nous serions en ordre de marche, puisque nous aurions les directeurs par filière de la police nationale, les directeurs zonaux de la police nationale et les directeurs départementaux de la police nationale. Nous voulons que chaque ancienne direction soit bien représentée dans le nouvel ensemble.
L'actuelle direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) est le préfigurateur de la police judiciaire de demain. Il s'agit de réaffirmer qu'il existe et existera bel et bien une direction de la police judiciaire.
Il s'agit d'une réforme très importante, dans la mesure où aucune réforme d'ampleur de la police nationale n'est intervenue depuis longtemps. En 1966, le général de Gaulle avait créé un nouveau statut de la police nationale. En 1995, Charles Pasqua avait décidé de fusionner les corps de la police nationale. Ainsi, depuis quarante ans, il n'y a pas eu de réforme dans la police nationale, contrairement à ce qui s'est passé dans la gendarmerie ou dans l'armée.
Il est normal qu'une réforme aussi compliquée, qui concerne les 150 000 agents de la police nationale, fasse naître des interrogations, que j'écoute.