Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 14 février 2023 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous accueillons aujourd'hui Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, dans le cadre de nos travaux d'information sur l'organisation de la police judiciaire.

Nous serons probablement les derniers à nous positionner sur ce sujet, puisque l'Assemblée nationale a déposé un rapport d'information, que je qualifierai de « bicéphale », et que la commission des finances du Sénat a également adopté un rapport d'information sur la direction centrale de la Police judiciaire, sans compter le rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA), de l'inspection générale de la justice (IGJ), et de l'inspection générale de la police nationale (IGPN).

Nos rapporteurs présenteront les résultats de leurs travaux au tout début du mois de mars.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre

La réforme de la police nationale, et non pas simplement de la police judiciaire, a été modifiée et enrichie. Un compromis avec le Gouvernement a été trouvé dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), à la suite du travail mené par le Sénat. À cet égard, je salue MM. Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé, qui sont parvenus à trouver une rédaction consensuelle permettant d'instaurer certaines bornes, qui nous paraissaient consensuelles. Par ailleurs, le Gouvernement s'était engagé à publier les différents rapports établis sur ce sujet, ce qu'il a fait.

Le Conseil constitutionnel n'a d'ailleurs pas eu à redire grand-chose au projet de loi que j'ai l'honneur de porter, notamment sur la question importante, évoquée par de nombreux parlementaires, de la séparation des pouvoirs et du lien entre l'autorité judiciaire et le pouvoir exécutif.

Dans la mesure où les rapporteurs de la commission des lois du Sénat travaillent certainement à la finalisation de leur rapport sur l'organisation de la police judiciaire, j'évoquerai rapidement trois points.

Tout d'abord, conformément à l'engagement que j'ai pris devant l'Assemblée nationale, je ne ferai rien tant que les trois rapports d'information ne seront pas rendus et tant que je n'en aurai pas étudié les conclusions.

Permettez-moi de revenir sur le rapport des inspections, ainsi que sur le rapport « bicéphale » de l'Assemblée nationale. Aucun de ces rapports ne remet en cause le bien-fondé d'une action à mener dans la police nationale, laquelle, depuis extrêmement longtemps, travaille en silos et mériterait d'être modernisée. Je pense au nombre important d'enquêtes, ainsi qu'à la mutation de la délinquance. Ne rien faire reviendrait à ne pas améliorer les taux d'élucidation, à désespérer la filière judiciaire et, donc, toute la police nationale, et à renoncer à nous adapter au monde moderne.

Ensuite, d'après les différents rapports, la création d'une filière judiciaire rassemblant les différents services d'investigation, qui n'existe pas aujourd'hui, est une bonne idée, ce dont je me félicite.

Le garde des sceaux et moi-même l'avons dit, nous prendrons en compte l'intégralité des remarques et préconisations des inspections. Ainsi, l'évaluation des futurs directeurs départementaux de la police nationale se fera à la fois par le préfet et par le procureur de la République. Cette innovation, notamment proposée par l'IGJ, me paraît frappée au coin du bon sens, le fameux article 12 du code de procédure pénale prévoyant que la police judiciaire est exercée sous la direction de l'autorité judiciaire.

Par ailleurs, la question de la décentralisation d'un certain nombre de décisions a été soulevée, ce qui me paraît une très bonne chose.

Permettez-moi de vous donner les échéances à venir. La réforme sera mise en oeuvre en 2023, comme nous nous y étions engagés. Dès la semaine prochaine, je recevrai l'intégralité des organisations syndicales de la police nationale, dans le cadre de discussions bilatérales. Après cette consultation, je prendrai un certain nombre de décisions qui tireront les conclusions des rapports d'information des assemblées et des inspections, ainsi que des propositions formulées par les syndicats. Au mois d'avril, les directeurs zonaux seront désignés, puisqu'il s'agit de faire des directions par zone de la police nationale. À l'été, il y aura deux types de nomination pour les directeurs départementaux : dans les directions départementales qui ne sont pas concernées par les grands événements sportifs - la Coupe du monde de rugby, les nominations pourraient avoir lieu fin août ou début septembre, tandis qu'elles auraient lieu au mois d'octobre dans les autres. Ainsi, fin 2023, nous serions en ordre de marche, puisque nous aurions les directeurs par filière de la police nationale, les directeurs zonaux de la police nationale et les directeurs départementaux de la police nationale. Nous voulons que chaque ancienne direction soit bien représentée dans le nouvel ensemble.

L'actuelle direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) est le préfigurateur de la police judiciaire de demain. Il s'agit de réaffirmer qu'il existe et existera bel et bien une direction de la police judiciaire.

Il s'agit d'une réforme très importante, dans la mesure où aucune réforme d'ampleur de la police nationale n'est intervenue depuis longtemps. En 1966, le général de Gaulle avait créé un nouveau statut de la police nationale. En 1995, Charles Pasqua avait décidé de fusionner les corps de la police nationale. Ainsi, depuis quarante ans, il n'y a pas eu de réforme dans la police nationale, contrairement à ce qui s'est passé dans la gendarmerie ou dans l'armée.

Il est normal qu'une réforme aussi compliquée, qui concerne les 150 000 agents de la police nationale, fasse naître des interrogations, que j'écoute.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur le ministre, je vous donne quitus de la parole donnée, puisque tous nos rendez-vous ont été honorés.

Si le rapport de l'Assemblée nationale a été « bicéphale », nous avons aussi deux noms et deux visages, mais pourrions n'avoir qu'un seul discours pour ce qui concerne notre rapport.

En effet, le constat est partagé, qu'il s'agisse de l'évolution de la criminalité, des limites de l'organisation actuelle en termes d'élucidation ou d'attractivité, d'une organisation en silos ou des questions d'unicité de commandement. Toutes ces questions ne font pas débat.

En revanche, nous nous interrogeons, d'abord, sur la méthode. Nous avons en effet le sentiment que cette réforme se fait sans la police. Il ne faudrait pas qu'elle se fasse contre elle !

Ensuite, sur le fond, nous observons une problématique, centrale dans la réforme, d'articulation entre autorité hiérarchique et autorité fonctionnelle. Quelle définition envisagez-vous pour cette autorité fonctionnelle au sein d'une même filière ? Pouvez-vous nous indiquer où en sont l'élaboration des doctrines nationales et la mise en oeuvre des directions nationales ?

Par ailleurs, s'agissant des moyens opérationnels au niveau zonal, les rapports des inspections se prononcent plutôt contre leur maintien. Serait privilégiée la possibilité de saisine des services localisés sur un département voisin, éventuellement avec une extension temporaire du champ territorial de compétences de ce service. Si l'on voit bien l'intérêt que peut présenter une telle organisation pour le traitement d'affaires sensibles, comment faire travailler un niveau régional, voire interrégional ? La saisine du niveau national, au-delà des offices, sera-t-elle toujours possible ?

Enfin, l'organisation de la filière investigation au niveau de chaque département reproduira-t-elle l'organisation en trois niveaux, qui a déjà été mise en place dans les outre-mer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Bellurot

Monsieur le ministre, je vous interrogerai sur les conclusions rendues dans le cadre de l'audit mené, en particulier sur l'ampleur des modifications réglementaires, numériques et immobilières auxquelles cette réforme donnera lieu.

Ainsi, les problèmes numériques se révèlent être un frein majeur. Selon le rapport, il en résultera une « période transitoire durant laquelle le fonctionnement s'effectuera en mode dégradé ».

Les auteurs des rapports évoquent également la question de l'immobilier. À cet égard, la réforme est très ambitieuse, dans la mesure où un regroupement des sites est nécessaire.

Au regard de ces craintes, le calendrier de mise en oeuvre de la réforme vous paraît-il réalisable ? Je pense également à la formation des directions départementales de la police nationale (DDPN).

Je souhaite également vous interroger sur les stocks de dossiers, qui sont stupéfiants. Il s'agit d'un enjeu majeur pour la justice et, plus généralement, pour la société. Dans les rapports des inspections, on peut lire qu'une mission d'inspection a été lancée sur ce sujet en décembre 2022. Quels sont ses objectifs ? Quelles solutions pourraient être mises en oeuvre pour résorber les stocks ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre

Cette réforme de la police nationale bouscule beaucoup de choses, ce qui explique un certain nombre d'incompréhensions. Nous demandons en effet une accélération de la modernisation et du changement de comportement. C'est vrai, la réforme ne se fait pas par étapes, ce qui rend les choses plus complexes.

Notre grand avantage, c'est que nous disposons de moyens très importants. Nous avons en effet prévu dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) des moyens pour accompagner l'immobilier, la formation et le numérique.

Je peux comprendre la nostalgie de certaines « maisons » à l'identité particulièrement forte, comme la police judiciaire. Mais ces maisons ne disparaissent pas, elles se modernisent. Bien que le parallèle puisse paraître prétentieux, je comparerai cette réforme à la création des Brigades du Tigre par Clemenceau.

Sur les difficultés évoquées par le rapport des inspections du ministère de l'intérieur et de la justice, nous sommes en désaccord sur la question de la probité : dans le cadre d'une enquête sur des élus, des chefs d'entreprise ou des gens en vue, certains magistrats redoutent que la police judiciaire ne soit en contact trop étroit avec le préfet et les élus, à la manière d'un film de Chabrol. Nous avons donc fait le choix de « dépayser » l'affaire, en la confiant à la direction zonale. Dans le rapport de l'inspection du ministère de la justice, il est suggéré de confier l'affaire à la direction d'un département voisin. Cette dernière proposition ne me paraît pas pertinente, préfets et élus d'une même région étant régulièrement en contact. Par conséquent, le niveau zonal me paraît plus protecteur. Il s'agit cependant d'un arbitrage restant à rendre.

S'agissant de la saisine au niveau national, indépendamment des offices, il appartient au magistrat de désigner le service de police qu'il souhaite voir intervenir. Il a à sa disposition une très large palette de services enquêteurs, qui ne relèvent pas tous du ministre de l'intérieur.

Les trois niveaux de police judiciaire permettent d'avoir une progression des officiers de police judiciaire (OPJ). En effet - c'est l'un des drames de la police nationale -, le travail de l'OPJ est fatigant. Il n'a pas d'horaires lui permettant d'avoir un minimum de vie de famille, il est mal payé, il n'obtient pas toujours la réponse pénale qu'il souhaite, et sa progression de carrière est très limitée. Au bout d'un moment, il arrête ! Nous assistons dans notre pays à une sorte de découragement des OPJ.

Avec une direction départementale de la police nationale, nous pourrons avoir une possibilité de progression des OPJ à l'intérieur de la direction, ce qui abolira l'horizon fermé de cette profession. Je le rappelle, il manque 5 000 OPJ à l'heure actuelle en France.

Je constate que les deux rapports rendus par les inspections et par l'Assemblée nationale ont démontré que les directions territoriales de la police nationale (DTPN) ont très bien fonctionné dans les outre-mer, un peu moins en métropole.

La doctrine sera publiée avant l'été, mais nous attendons les rapports d'information des deux assemblées parlementaires pour tenir compte de leurs préconisations.

S'agissant de la dichotomie autorité hiérarchique-autorité fonctionnelle, le débat n'est pas nouveau. Par exemple, j'ai l'autorité hiérarchique sur les policiers, que j'embauche et paie en tant que ministre de l'intérieur, mais je n'ai pas l'autorité fonctionnelle sur eux, c'est-à-dire que je ne les dirige pas au jour le jour. Je ne peux pas donner d'ordres à la police judiciaire. Je vous rassure, les magistrats auront toujours le pouvoir de saisir tel ou tel service de police, selon leur convenance, pour diligenter des enquêtes.

S'agissant du numérique, je dois vous avouer que le ministère de l'intérieur ne sait pas mener des projets numériques. Ce n'est pas comme Bercy, qui a su mener de bout en bout la procédure de prélèvement à la source lorsque j'étais à la tête des services fiscaux. J'essaie de remédier à ce problème en mettant de l'argent et des compétences. Par exemple, il est significatif que l'École polytechnique affecte dorénavant quatre de ses élèves vers la police. Nous montons en gamme en matière de compétences.

Nous avons aussi besoin d'un changement de mentalité profond à cet égard. Par exemple, la plainte numérique est une révolution qui mettra sans doute du temps à s'imposer, surtout qu'il faut se coordonner avec la justice.

Scribe et le logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPN) sont donc les deux chantiers prioritaires, et ils ne sont pas dissociables de la réforme que je porte.

Pour ce qui est de l'immobilier, la LOPMI prévoit 400 millions d'euros par an pour des projets immobiliers. Des regroupements de locaux seront nécessaires, mais, dans les faits, il y en a déjà.

Nous serons prêts pour décembre 2023, même s'il faudra attendre encore deux ou trois ans pour que tous les textes réglementaires soient pris ou adaptés. De mémoire, il y en a 176.

Vous m'interrogez sur les stocks, mais ce problème n'est pas propre à la réforme de la police judiciaire. Il n'est pas compliqué de faire baisser les chiffres de la délinquance. Il suffit de décaler certaines plaintes dans le temps ou d'orienter les plaignants vers des mains courantes. Pour ma part, je ne veux pas tricher.

On assiste ces dernières années à une multiplication du nombre des atteintes aux personnes en raison de la nouvelle doctrine sur les violences conjugales. J'ai donné pour instruction aux policiers et gendarmes d'encourager le dépôt de plainte plutôt que la main courante. En 2022, il y a eu 400 000 interventions pour ce motif, mais le résultat, compte tenu des problèmes d'effectifs, c'est que les atteintes aux biens sont traitées avec moins de célérité.

Par ailleurs, nous avons remis beaucoup de monde sur la voie publique, ce qui laisse moins d'effectifs pour les enquêtes.

Enfin, le nombre de policiers municipaux a augmenté. Ce matin, j'étais à Saint-Denis. Il y a désormais quasiment une centaine de policiers municipaux à Saint-Denis, qui apportent des affaires supplémentaires au commissariat.

Il faut aussi que les parquets suivent dans le traitement des procédures. Je sais que les policiers de police judiciaire craignent qu'on ne les utilise pour traiter des affaires secondaires et résorber le stock, mais c'est déjà le cas dans les faits.

Je le répète, pour améliorer l'efficacité de la chaîne pénale, nous avons besoin d'une coordination avec les parquets.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Monsieur le ministre, une réforme était nécessaire, mais les syndicats sont inquiets sur la perte d'autonomie financière de la police judiciaire et sur sa capacité à pouvoir traiter les affaires du haut du spectre. Pouvez-vous les rassurer à cet égard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Dans les travaux préparatoires de cette mission d'information, avec Nadine Bellurot et Jérôme Durain, nous avons identifié trois sujets.

Tout d'abord, vous venez de l'évoquer, se posent les problèmes d'autorité fonctionnelle et hiérarchique. Vous nous avez donné l'assurance que les magistrats conserveraient leur autorité fonctionnelle.

Ensuite, il y avait le problème de la gouvernance et de la cartographie. Comme vous, je pense que l'échelon zonal est le plus adapté pour les dépaysements.

Enfin, j'évoquerai le numérique et l'immobilier. Vous avez raison, le numérique n'est pas dans la culture du ministère. Je reviens sur l'immobilier. Il faut aller au bout et revoir complètement la gestion du parc immobilier pour l'optimiser.

Il faudra de toute façon prévoir des points d'étape pour évaluer la réforme année après année.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

J'ai fait récemment une tournée avec la brigade anti-criminalité (BAC) de Chalon-sur-Saône et j'ai été surprise de l'état dégradé de leur flotte de véhicules. Les policiers avec qui je patrouillais m'ont expliqué que, l'État étant son propre assureur, ils n'avaient pas les moyens de faire réparer les voitures endommagées. Qu'en est-il ?

Par ailleurs, ces policiers m'ont confié qu'ils travaillaient cinq week-ends sur six, car il manquait six à dix personnes dans le service pour que celui-ci fonctionne normalement. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre

Monsieur Wattebled, sur les moyens, la décentralisation des crédits est nécessaire. Les syndicats ont peur que les frais de mission, par exemple, ne soient désormais gérés de façon centralisée, technocratique, mais je ferai tout pour qu'il en soit autrement.

Sur les affaires du haut du spectre, comme je le disais précédemment, les services de la police judiciaire ont peur d'être utilisés à des tâches subalternes. Selon les critiques qui me remontent, la police judiciaire intéresserait beaucoup moins les politiques, car elle fonctionne sur un temps beaucoup plus long que le temps politique. Cette critique n'est pas fondée à mon sens. Certes, les ministres de l'intérieur restent en poste en moyenne un an, mais tous mes prédécesseurs ont eu le sens de l'intérêt général chevillé au corps.

De plus, les offices continueront d'exister, et nous augmenterons même leurs effectifs. Ils seront de surcroît toujours saisis par les magistrats, ce qui devrait apaiser les craintes des contempteurs de la réforme.

Vous savez, monsieur le sénateur, le point de deal de Tourcoing dépend toujours d'un trafic international et il fonctionne grâce aux nouvelles technologies. Toutes les affaires sont reliées et la résolution de l'une aide à la résolution de l'autre. Il faut les traiter avec le même sérieux.

Si je veux faire cette réforme, c'est parce que j'ai constaté, depuis que je suis ministre, que nous avions manqué de grosses affaires, car nous n'avions pas assez de personnel, par exemple, pour faire des perquisitions. En regroupant police judiciaire et sécurité publique au niveau départemental, il sera possible de mieux prioriser les affaires et la mise à disposition des effectifs.

Par ailleurs, il faut savoir qu'aujourd'hui les sûretés départementales traitent d'affaires qui étaient celles de la police judiciaire voilà vingt ans. La police judiciaire doit avoir conscience de cette montée en gamme de la sécurité publique.

Monsieur Daubresse, sur la cartographie, j'attends des propositions des organisations syndicales. Je suis ouvert à la discussion.

Sur l'immobilier, là encore, vous avez raison. Le parc immobilier est absolument immense, et, surtout, il est géré sous des statuts très divers. Or, vous le savez, l'administration française ne sait pas gérer le patrimoine public. C'est la raison pour laquelle la Foncière prévue par la LOPMI me paraît être une bonne idée. Il s'agit de coopérer avec des gens dont c'est le métier.

Madame Mercier, la BAC va au contact direct des délinquants, ce qui explique que ses voitures sont parfois abîmées...L'État est son propre assureur, mais, vous avez raison, le parc automobile était très vétuste quand je suis arrivé au ministère. Les choses vont mieux depuis deux ans, trois véhicules sur quatre ayant été changés.

Nous avons surtout un problème de chaîne administrative pour faire réparer les véhicules. Le statut d'ouvrier d'État n'étant pas très attractif, nous avons du mal à recruter des carrossiers, des mécaniciens pour les ateliers de l'administration. Ils sont en effet bien mieux payés dans le privé. Aussi, j'encourage les préfets à travailler avec les garagistes locaux.

J'entends votre remarque au sujet des horaires. Il serait bon de mobiliser davantage d'effectifs pour travailler le week-end, mais il faut aussi trouver des volontaires pour travailler la nuit. Je ne peux pas forcer les policiers à le faire. C'est sans doute un sujet au sein du commissariat que vous avez visité. En la matière, le problème peut aussi être la répartition des effectifs ; or, moins il y a d'effectifs de nuit, moins on peut changer les horaires.

Je vais bien sûr examiner le cas de Chalon-sur-Saône. Je précise que, cette année, le renforcement général des effectifs permettra d'assurer des cycles horaires dits « binaires ». En vertu de cette organisation, les policiers de nuit doivent travailler douze heures de suite ; ces rythmes sont assez fatigants, ils bouleversent souvent des habitudes de famille, mais, en définitive, ils sont plus satisfaisants pour tout le monde.

Enfin, monsieur le président, nous avons besoin du bon sens de nos parlementaires pour qu'un plus grand nombre de véhicules saisis soient utilisés par le ministère. Ce dernier refuse parfois des véhicules, par exemple des voitures de luxe, au motif que l'on n'a pas de pièces de rechange ; à mon sens, c'est une erreur. Non seulement les saisies sont source d'économies, mais l'appropriation de la voiture des voleurs a une force symbolique certaine. Enfin, ces véhicules permettent des interventions plus efficaces - je pense notamment aux filatures -, car leurs plaques ne sont pas connues.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

À l'évidence, comme au sujet des retraites, vous ne prenez pas la mesure des contestations et des inquiétudes exprimées.

Dans leur rapport commun, les trois inspections qualifient les expérimentations menées de « contrastées » ; le terme est élégant. Sur cette base, elles formulent dix-neuf recommandations : allez-vous les suivre ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre

La réponse est oui : nous allons suivre l'intégralité de ces recommandations.

Nous écoutons ceux qui sont en désaccord avec nous - fort heureusement ! -, mais cela n'empêche pas l'action. En son temps, la création de la direction générale des finances publiques (DGFiP) a soulevé beaucoup d'oppositions, et aujourd'hui tout le monde s'accorde à dire que c'était une bonne réforme. Ce n'est pas parce qu'il y a des contestations qu'il faut arrêter toute réforme.

Chacun constate que le fonctionnement de la police nationale doit être amélioré. Si une partie des agents contestent la réforme, c'est parce qu'ils ont peur de perdre leur identité. Or, être policier, c'est une vocation à laquelle on a parfois tout sacrifié. Notre rôle, c'est donc de rassurer.

L'immense majorité de nos 150 000 policiers, notamment les policiers dits « de sécurité publique », approuvent cette réforme. Ils l'attendent même depuis des années.

Je le rappelle, c'est toute la police nationale qui est concernée et pas seulement la police judiciaire. Aujourd'hui, beaucoup d'agents de la sécurité publique et de la police aux frontières (PAF) voient, eux aussi, leurs habitudes bousculées. Le modèle vers lequel nous tendons s'inspire de la gendarmerie nationale et la préfecture de police.

Bien sûr, ma porte est toujours ouverte. Nous avons déjà fait beaucoup de compromis. Nous entendrons les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi que les représentants des organisations syndicales qui ne se sont pas encore exprimés publiquement sur la réforme. Mes premiers échanges avec eux me laissent supposer que je reprendrai une grande partie de leurs propositions d'évolution ; je leur prouverai ainsi que, non seulement j'écoute, mais j'entends.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Merci, monsieur le ministre, d'avoir répondu à nos questions.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 45.