Le dernier volet de notre étude est consacré aux relations qu'entretient le SPIP avec l'autorité judiciaire, avec les associations socio-judiciaires et avec ses partenaires dans le champ de l'emploi et de l'insertion. Le SPIP doit préparer la sortie, sur le plan tant du logement que de l'emploi.
C'est avec le juge de l'application des peines (JAP) que le SPIP travaille le plus étroitement, notamment pour préparer les mesures d'aménagement de peine. La loi « Justice de proximité » du 8 avril 2021 a transféré au directeur pénitentiaire d'insertion et de probation certaines tâches assumées jusque-là par le JAP, en ce qui concerne la mise en oeuvre des peines de travail d'intérêt général. D'autres ajustements de ce type seraient à notre avis envisageables, ce qui allégerait la charge de travail des JAP tout en donnant davantage de responsabilités aux DPIP.
Avec le juge d'instruction, les interactions sont plus ponctuelles : le SPIP peut être amené à réaliser à sa demande une enquête sociale ou à mettre en oeuvre une mesure de sûreté. Les juges d'instruction que nous avons entendus nous ont cependant alertées sur la nécessité de mieux sensibiliser les CPIP aux contraintes propres à l'instruction, qui imposent le respect d'un certain formalisme pour qu'un document puisse être soumis au contradictoire. C'est un point sur lequel la formation des CPIP pourrait donc être améliorée.
Pour resserrer les liens entre le SPIP et la formation de jugement, nous vous proposons également d'expérimenter une permanence du SPIP auprès du tribunal correctionnel, ce qui permettrait d'amorcer sans délai le suivi du condamné dès le prononcé de la peine.
L'activité d'insertion et de probation se caractérise par la coexistence d'un secteur public - les SPIP - et d'associations socio-judiciaires de droit privé, qui peuvent se voir confier les mêmes missions. Nous avons observé que la relation entre ces deux catégories d'acteurs était parfois empreinte de méfiance alors qu'ils poursuivent le même objectif.
Historiquement, le secteur associatif est surtout présent sur le pré-sentenciel, et les SPIP sur le post-sentenciel. Au moment de l'adoption de la loi de programmation pour la justice, la Chancellerie avait pour ambition de repositionner les SPIP sur le pré-sentenciel, notamment en leur confiant plus d'enquêtes sociales rapides, mais cette orientation semble avoir été appliquée de manière très inégale sur le territoire au vu des témoignages que nous avons recueillis.
Nous avons réfléchi à ce qui pourrait constituer une répartition des tâches optimales entre le secteur public et le secteur associatif, mais nous avons rapidement rencontré un écueil : le tissu associatif étant très hétérogène selon les territoires, il ne nous paraît pas réaliste d'appliquer de manière rigide une formule unique.
En revanche, pour renforcer la confiance entre les acteurs, nous pensons qu'il serait judicieux de mettre en place une habilitation des associations, sur le modèle de ce qui existe pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Une telle habilitation, renouvelée régulièrement, apporterait aux magistrats la garantie de la qualité de la prise en charge et de la probité des personnels exerçant au sein de ces structures.
Par ailleurs, je crois utile d'évoquer les partenariats tissés entre les SPIP et les acteurs de l'insertion, de la formation et de l'emploi. Le SPIP a besoin de s'appuyer sur des partenaires extérieurs pour construire des parcours cohérents et faire le lien entre le milieu fermé et le milieu ouvert.
Dans le champ de l'insertion, nos interlocuteurs ont souligné que la question de l'accès à un logement à la fin de la détention restait souvent problématique. Les SPIP devraient travailler plus en amont avec les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). Un recours plus fréquent au placement à l'extérieur permettrait également d'organiser des transitions plus fluides entre la détention et la fin de la peine. Il faut préparer la sortie et éviter la récidive.
Concernant le service public de l'emploi, nous avons observé que les rapports avec Pôle emploi étaient anciens et structurés, tandis que le partenariat avec les missions locales paraît quelque peu négligé. La convention entre l'Union nationale des missions locales et le ministère de la justice, arrivée à échéance en 2020, n'a jamais été renouvelée. Conclure une nouvelle convention serait une bonne manière de relancer le partenariat au service de la réinsertion des jeunes placés sous main de justice.
Dans le champ de la formation, les échanges que nous avons eus avec Régions de France suggèrent que les rapports entre les SPIP et les conseils régionaux demeurent très disparates selon les territoires. Si en Auvergne-Rhône-Alpes des échanges existent au quotidien entre le SPIP et le référent formation à la région, dans d'autres territoires les rapports se résument à quelques réunions d'information dans l'année. Beaucoup reste donc à faire alors que le nombre de personnes détenues bénéficiant d'une formation a baissé depuis le transfert de cette compétence aux régions, passant de 20 000 en 2007 à 9 000 aujourd'hui. Une dégringolade, alors même que les formations sont bien suivies par les détenus !
Un élément transversal qu'il me paraît important de mentionner pour terminer concerne l'accès au numérique en détention. Alors que le numérique est partout présent dans nos sociétés, il est paradoxal de vouloir préparer la sortie de détention en interdisant l'utilisation d'internet. Les CPIP sont tentés de responsabiliser les personnes détenues en leur faisant accomplir seules certaines démarches, mais l'absence d'accès à internet a au contraire pour effet de les rendre dépendantes de leur CPIP. La recherche d'emploi, le suivi d'une formation sont également compliqués. Désireuse d'avancer sur ce sujet, la DAP mène une expérimentation dans plusieurs établissements pénitentiaires. Sans méconnaître les enjeux en termes de sécurité, nous espérons que cette expérimentation sera concluante et que l'accès au numérique pourra être élargi dans l'ensemble des établissements.