Intervention de Adrien Giraud

Réunion du 12 février 2009 à 22h00
Consultation des électeurs de mayotte — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Adrien GiraudAdrien Giraud :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il apparaît aujourd’hui que la vieille revendication de Mayotte d’avoir un statut définitif au sein de la République Française est en voie d’aboutir. La consultation des Mahorais, prévue le 29 mars prochain, apporte toutes les garanties d’une procédure éminemment démocratique, c’est-à-dire d’une réponse claire à cette question tout aussi claire que nous posons depuis plus d’un demi-siècle.

Partout dans le monde, la consultation populaire demeure l’expression la plus légitime du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Les Mahorais n’ont cessé de l’invoquer, à juste titre.

Je n’ai aucune raison de taire ma satisfaction personnelle devant cette étape, probablement décisive, dans l’évolution institutionnelle de notre « collectivité départementale ».

Faut-il rappeler, à cet égard, que tous les membres du groupe de l’Union centriste du Sénat ont accepté de cosigner ma proposition de loi n° 43 du 23 octobre 2007 qui visait justement, selon son intitulé, « à réintroduire la procédure de la consultation populaire dans le dispositif destiné à l’accession de Mayotte au statut de département et région d’outre-mer » ?

Mais ce n’était là qu’un point de départ. L’essentiel réside en effet dans les propos et la décision du Président de la République, qui ont eu le mérite d’infléchir cette évolution dans le sens souhaité depuis fort longtemps par la population mahoraise. C’est dans son discours du 27 novembre 2008 aux élus d’outre-mer que le Président de la République a déclaré, à notre grande satisfaction, que, vis-à-vis de Mayotte, « l’État respectera ses engagements ». Ce jour-là, les Mahorais ont compris que nous sortions enfin de cette trop longue période de lois non appliquées et de promesses non tenues.

La confirmation de cette rupture avec le passé nous est venue de l’entretien que le Président de la République a accordé le 16 décembre 2008, à l’Élysée, à une délégation des représentants de Mayotte.

Telles sont les étapes de notre « longue marche » retracée dans une feuille de route qui, pour l’essentiel, servira de support à mon intervention dans ce débat.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rappel de quelques points d’histoire me paraît ici indispensable à la bonne compréhension de nos aspirations.

Mayotte est devenue française en 1841, c’est-à-dire avant Nice et la Savoie. Si Mayotte avait connu le même destin que ces deux entités, son état civil ne serait pas dans la situation qui est la sienne actuellement, et les Mahorais parleraient davantage le français.

Il s’agissait d’un acte volontaire d’adhésion, destiné à échapper à un environnement oppressif. Cette volonté plusieurs fois réitérée n’a jamais été remise en cause par les Mahorais.

Notre demande d’accession au statut de département français d’outre-mer remonte à 1958, l’année même de la naissance de la Ve République. Elle n’a jamais varié à ce jour : c’est notre conception du fameux « sens de l’Histoire ».

Quant à l’évolution institutionnelle de Mayotte, elle repose depuis longtemps sur la consultation populaire. Ainsi, en 1976, Mayotte a exprimé à la fois sa volonté de demeurer française et son choix du statut de départements d’outre-mer.

Plus récemment, c’est aux termes de la consultation du 2 juillet 2000 que Mayotte a choisi le statut de collectivité départementale comme une transition vers la départementalisation de droit commun.

Dans sa Lettre aux Mahorais, datée du 14 mars 2007, le candidat Nicolas Sarkozy a promis de consulter les Mahorais sur la départementalisation, à condition que le conseil général de Mayotte le demande. La résolution du conseil général, adoptée à l’unanimité le 18 avril 2008, a été rapidement transmise au Gouvernement.

La population mahoraise tient à remercier le Président de la République, Nicolas Sarkozy, d’avoir respecté la parole donnée.

Tel est le cheminement qui a conduit les Mahoraises et les Mahorais, en dépit de toutes les pressions contraires, à se maintenir dans leur détermination et leur volonté d’adhésion aux principes et valeurs de la République française.

D’ailleurs, aujourd’hui, ceux qui ont fait librement un autre choix en subissent encore les conséquences, par la multiplication des coups d’État, par d’évidentes régressions dans le bien-être des populations et par l’afflux massif de migrants vers nos rivages, au péril de leur vie.

C’est pourquoi je n’ai cessé de plaider pour que le Gouvernement prenne ses responsabilités en renforçant la politique française de coopération et d’aide au développement des pays de la zone de l’océan Indien.

Mais notre revendication départementaliste ne résulte pas simplement d’une préoccupation de sécurité internationale ou diplomatique. Elle se fonde de plus en plus, en particulier chez les jeunes, sur une aspiration générale des Mahorais au progrès économique et social, dans la liberté.

Pour la première fois dans notre histoire, nous avons déterminé avec le Gouvernement les principales étapes de ce que pourrait être la marche vers la départementalisation. Ces dispositions vont s’inscrire dans une loi organique, et nous retiendrons surtout que la création du cent unième département français, celui de Mayotte, suivra l’installation du conseil général nouvellement élu en avril 2011.

Il va sans dire que ce délai doit être mis à profit pour améliorer encore l’état civil mahorais grâce à la modernisation des services municipaux et à la formation des agents.

Quant à l’organisation du département de Mayotte, elle devra conjuguer efficacité et simplicité.

Ainsi, Mayotte sera dotée d’une assemblée unique exerçant conjointement les compétences du département et de la région. Nous éviterons ainsi les complications d’un bicamérisme insulaire sur un territoire de 375 kilomètres carrés.

À mon sens, ces compétences élargies devraient privilégier les objectifs du développement économique et social et se traduire notamment par la création, recommandée par la récente mission de la commission des lois, d’un fonds de développement économique et social. Il sera essentiel et urgent d’accorder au nouveau département les moyens de son développement ou, plutôt, d’un nécessaire rattrapage.

Sans pour autant rétablir l’instrument de planification, qui fut mis en place dans les années 1986 et 1987, il me paraît opportun de prévoir une programmation de l’investissement public afin d’assurer le financement de certaines infrastructures ou équipements de base encore insuffisants à Mayotte.

Il faut redire fortement que nous avons besoin d’une véritable politique de « mise à niveau » dans les domaines éducatif, économique et social.

C’est dire que nous acceptons et défendons l’idée d’une programmation à moyen terme de l’effort de l’État.

De ce financement public, Mayotte, bien entendu, prendra sa part, toute sa part.

Une telle politique d’investissement pourra également être financée sur les fonds communautaires. L’on ne peut être plus « ultrapériphérique » que Mayotte. Il appartient, en conséquence, au Gouvernement d’assurer d’ores et déjà l’accès de Mayotte aux fonds structurels de l’Union européenne destinés à soutenir nos progrès.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en définitive, je voudrais, une fois encore, faire ressortir la signification profonde du combat plus que séculaire de Mayotte : c’est un combat pour la liberté. Une telle perspective ne peut que renforcer l’engagement des Mahorais en faveur de la départementalisation.

C’est aussi tout le sens de leur adhésion aux principes et aux valeurs de la République, aux droits, comme aux devoirs – j’y insiste – de notre citoyenneté française.

Mes remerciements vont à M. le Président, à vous-même, madame la ministre, ainsi qu’à tous mes collègues qui ont bien voulu être présents ce soir pour soutenir Mayotte dans sa marche vers la départementalisation.

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