Tout d'abord, la création de Santé publique France est très récente, puisqu'elle remonte à 2016. La crise est arrivée très peu de temps après. Dans les autres pays, le Center for Diseases Control and Prevention (CDC), par exemple, a 70 ans.
La crise est arrivée à un moment où Santé publique France était une toute jeune agence, probablement trop tôt par rapport à sa création. Je pense que Santé publique France est à présent connue. On a donc un devoir très important de production scientifique de qualité pour que le public puisse s'en emparer.
Vous m'avez interrogée sur les systèmes de veille sanitaire et médico-sociale. Vous avez raison : il existe beaucoup de systèmes de surveillance à Santé publique France, mais il y en avait aussi dans les Ehpad. Certains étaient liés à la grippe et ont été utilisés pour la surveillance du Covid.
Au sortir de la crise, il faut renforcer ces systèmes existants, qui ont été détournés pour réaliser la surveillance du Covid. Il faut les sanctuariser et les pérenniser. C'est une évidence. On le sait tous : la population française va vieillir. Il y a là un enjeu de protection des personnes âgées et de surveillance dans tous les établissements médico-sociaux, qui ont eux-mêmes subi de plein fouet quelques scandales qui n'ont probablement pas facilité le recueil des données.
Vous m'avez d'autre part questionnée sur la santé mentale. Vous avez raison : la santé mentale des Français, au sortir de la crise du Covid, est une problématique. Santé publique France a été l'une des premières à tirer la sonnette d'alarme et à mettre en place plusieurs enquêtes, notamment une enquête à venir sur la santé des enfants de moins de onze ans. La santé mentale nous préoccupe et appelle des actions. Pour cela, il faut pouvoir surveiller. Ces enquêtes sont donc essentielles.
Il faudra ensuite qu'on développe des outils. Il est vrai qu'on pourrait qualifier cette problématique d'épidémie silencieuse. J'en suis consciente, et je m'attacherai à ce que l'on puisse développer des outils auprès des populations, quels que soient les âges. Nous allons étudier plus spécifiquement les moins de onze ans, mais il y a eu aussi un impact très net de la crise du Covid chez les adultes en termes de santé mentale.
Soyez assurés que Santé publique France s'est emparée du sujet et continuera à le traiter, en lien avec les professionnels de santé spécialisés, notamment les psychiatres.
Une autre question portait sur la réserve sanitaire. Au cours de la crise, la réserve sanitaire a dû déployer énormément de personnel sur le terrain, notamment outremer. Beaucoup de réservistes y ont été envoyés. La réserve sanitaire a joué un rôle majeur. C'est un outil formidable, mais dont il faut probablement revoir le modèle.
Au moment de la crise, les demandes ont été multipliées par dix par rapport à ce que faisait la réserve sanitaire auparavant. Elle a été au rendez-vous, mais il est clair qu'il faut revoir son modèle et probablement le cadre d'emploi. La Cour des comptes a également souligné que près de 60 000 personnes sont inscrites, alors que seulement 7 000 réservistes peuvent être mobilisés parce qu'ils ont rempli totalement leur dossier d'inscription. Finalement, seuls 2 000 vont sur le terrain. Pourquoi une telle différence ? Je m'attacherai à essayer de le comprendre et à tenter de renouveler ce vivier.
C'est évidemment un vivier qui s'appuie sur les professionnels de santé, eux-mêmes mobilisés au quotidien. On le voit bien dans la crise que traversent l'hôpital et la médecine de ville. L'idée n'est pas de déshabiller Paul pour habiller Pierre. Il va falloir trouver d'autres solutions et probablement mobiliser la réserve sanitaire sur des problématiques en métropole, en cas de situation sanitaire exceptionnelle.
Toutefois, même si le modèle est perfectible, il est important de rester opérationnel. Nous avons face à nous des enjeux. Nous connaîtrons probablement d'autres menaces émergentes, mais nous avons aussi deux enjeux qui sont la coupe du monde de rugby et l'accueil des jeux Olympiques en 2024. Il est donc très important pour Santé publique France de rester opérationnel concernant la réserve sanitaire.
Vous n'avez pas évoqué l'établissement pharmaceutique. Venant de l'Agence de sécurité du médicament, je serai très attentive aux évolutions de l'établissement pharmaceutique. Avec la réserve sanitaire, ce sont des outils utiles, importants en temps de crise, et il faut qu'ils puissent rester opérationnels dans les mois et les années à venir et qu'il n'y ait pas de rupture.
Pour en finir avec l'établissement pharmaceutique, il est vrai qu'il y a le stock et la distribution. Force est de constater que l'établissement pharmaceutique a été en capacité de distribuer des milliards de masques et des millions de doses de vaccins contre le Covid.
Vous m'avez interrogée sur les cellules régionales. C'est une question qu'on me pose souvent. Certains directeurs d'ARS souhaiteraient les récupérer. Je pense qu'il est très important que les cellules régionales puissent avoir un ancrage territorial. Il existe des spécificités dans ce domaine, et Santé publique France ne peut être coupée de ces territoires.
Par exemple, face au chlordécone dans les Antilles, au plomb en Guyane ou à l'accès à l'eau potable et à la vaccination à Mayotte, Santé publique France ne peut être aveugle : l'Agence a besoin d'une représentation en région.
Je peux comprendre que les ARS aient besoin de cellules opérationnelles en temps de crise. Je comprends qu'ils se posent ces questions. On peut aussi avoir des espaces de dialogue et de concertation. En tout cas, je m'attacherai, une fois que je serai à la direction de Santé publique France, à avoir un dialogue avec les directeurs des ARS.
J'admets leurs besoins, notamment en période de crise. Ils peuvent parfois avoir le sentiment que le temps de l'expertise est trop long par rapport au temps de l'action. C'est vrai qu'en période de crise, il faut des circuits courts et il faut aller vite. Peut-être peut-il y avoir des modalités qui ne soient pas les mêmes en période « chaude » et en période « froide ». Ce sont des choses dont on peut discuter.