Il est très important, pour la CFDT, d'échanger avec les sénateurs avant l'ouverture des débats au Sénat et de discuter de ce qu'est le monde du travail et de ce que représente la retraite, de la façon la plus approfondie et la plus apaisée possible. C'est ainsi que nous souhaitons échanger avec vous ce matin.
Trois points nous semblent déterminants.
Premièrement, ce qui se passe dans le monde du travail, dans la période post-pandémique actuelle, nécessite que l'on ajuste les transitions professionnelles entre carrière et retraite.
Deuxièmement, le système de retraite comporte de nombreuses inégalités. Pour y répondre, il faut le refonder. Les améliorations possibles passeraient sans doute, à terme, par un système de base universel, conférant les mêmes droits à l'ensemble des travailleurs, quels que soient leur situation, leur parcours et leur origine professionnelle. Ce point sera l'élément d'avenir de la construction et du renforcement de notre système par répartition.
Troisièmement, l'équilibre financier, qui est tout sauf un tabou pour la CFDT, est le premier garant de la confiance entre les générations dans un système par répartition : il faut faire la démonstration que l'ensemble est à l'équilibre à terme. Nous nous sommes investis dans de nombreuses réformes pour garantir cette pérennité financière.
Nous examinons cette question avec beaucoup de lucidité dans la période actuelle. Ainsi, il faut, selon nous, un rendez-vous sur les retraites dans le courant de l'année 2023. Ensuite, contrairement à d'autres moments de réforme que notre pays a connus depuis vingt ans, nous ne nous trouvons pas dans une situation dramatique. Le besoin d'équilibre financier se situe aux alentours d'une dizaine de milliards d'euros, il n'a rien à voir avec ceux qui ont motivé les réformes précédentes et les besoins financiers sont sans équivalent avec ceux qui sous-tendaient les réformes de 2003, 2010 et 2014. Les perspectives à long terme paraissaient alors dégradées, quand, s'il y a un débat sur l'équilibre financier à court terme, personne n'évoque actuellement le risque d'une chute libre à long terme. La CFDT se refuse donc à dramatiser la situation. Depuis le début de la concertation, les experts ont relevé plusieurs points. Tout d'abord, le déséquilibre existe, mais il n'est pas extraordinaire ; ensuite, la projection sur le système de retraite des éléments concernant la fonction publique est sujette à caution ; enfin, la question de l'espérance de vie fait partie des éléments de correction à terme.
L'enjeu, pour nous, est la répartition de l'effort : il est hors de question de le faire peser sur les seuls travailleurs. De tout temps, on a fait évoluer le système de retraite en le répartissant entre entreprises et travailleurs ; or ce projet de loi cible uniquement les seconds. Cela nous pose une difficulté. En outre, la CFDT a toujours été opposée au décalage du paramètre de l'âge, qui pèse uniquement sur les salariés les plus modestes. Contrairement à d'autres réformes qui ont instauré des décalages de l'âge, les premiers déciles sont épargnés par le présent texte : il n'y a pas de décalage de la décote. En revanche, pour l'ensemble des déciles au-dessus du troisième, jusqu'aux neuvième et dixième, la facture est lourde. Or nous sommes opposés à l'idée de faire payer l'ensemble de la facture aux classes moyennes et aux travailleurs de la deuxième ligne. C'est pourtant le sens du projet qui nous est présenté aujourd'hui, qui décale l'âge de départ de 62 à 64 ans. En conclusion, la question de l'évolution du système de retraite méritait un rendez-vous dans notre pays, pour réfléchir à la manière de travailler mieux. Il fallait aborder la réforme par les questions du travail et de l'emploi, du plein emploi comme de l'emploi des seniors. Ce mécanisme vertueux aurait alors permis de poser les bases d'un débat approfondi sur l'évolution de notre système de protection sociale. Au contraire, le rendez-vous qui nous est proposé aujourd'hui ne concerne que l'ajustement financier, dans le cadre d'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, avec pour seul objectif de trouver quelques amortisseurs. Le débat de la nuit dernière à l'Assemblée nationale en a apporté la démonstration flagrante. L'enjeu essentiel, l'emploi des seniors, ne sera donc pas la clé de voûte de la réforme, même si l'ambition de départ n'était pas très élevée. Cela augure d'une poursuite particulièrement difficile des discussions sur ce sujet, qui nous semblait pourtant prioritaire.