Au nom de la CGT, je vous remercie de ce moment d'échange et d'écoute des organisations syndicales, qui expriment toutes leur opposition à ce projet de loi antisocial pour les travailleurs. Le principal argument du Gouvernement, qui a d'abord tenté de faire croire que le texte relevait de la justice sociale, est finalement l'équilibre financier, mais il est basé sur de faux constats. Selon nous, financer le système de retraite par répartition ne pose pas de difficulté : même M. Bras, le président du Conseil d'orientation des retraites (COR), a déclaré que les dépenses de retraite ne dérapaient pas. En revanche, ainsi qu'il l'a ajouté, les dépenses de retraite « ne sont pas compatibles avec les objectifs de politique économique et de finances publiques du Gouvernement. » L'objectif de cette réforme est donc de faire payer aux travailleurs les aides publiques et autres allégements successifs de cotisations sociales que la majorité présidentielle défend, en imposant d'énormes reculs sociaux, pour des résultats budgétaires extrêmement faibles et non nécessaires. À ce titre, les arrangements que le Gouvernement s'autorise avec la réalité relèvent de l'irrespect envers les salariés. Les organisations syndicales alertent depuis plusieurs semaines, par exemple, sur les fameux 1 200 euros de retraite minimum, présentés comme une mesure de justice sociale. Nous avons questionné en vain les députés de la majorité sur ce chiffre. Or celui-ci ne vaut que pour une carrière complète et à temps plein et ne concernera que très peu de retraités, la plupart des travailleurs ciblés percevant déjà plus que ce montant ; quant aux millions de travailleurs au Smic, ils ont connu le plus souvent une carrière hachée ou à temps partiel et n'y auront donc pas droit. Par ailleurs, l'allongement du temps de travail affaiblira encore les pensions, contrairement à ce que les ministres affirment encore. Aujourd'hui, 40 % des femmes et 32 % des hommes partent en retraite avec une carrière incomplète, car ils ou elles ont connu des périodes de maladie ou de chômage. Ceux-là mêmes qui nous licencient avant 60 ans veulent maintenant nous faire travailler jusqu'à 64 ans ! Reculer encore l'âge de départ à la retraite, c'est rendre toujours plus difficile la validation d'une carrière complète. Pour ceux qui, malgré tout, parviendront à en bénéficier, l'étude d'impact réalisée par le Gouvernement évalue entre 0,3 et 1,5 % les augmentations de pension. À qui veut-on faire croire qu'il s'agit d'un progrès ? Le report de l'âge légal de 62 à 64 ans est inacceptable. Allonger l'âge de départ, c'est méconnaître la réalité du travail. La réforme va impacter l'ensemble des salariés, du public comme du privé, à un âge où la pénibilité liée au travail est partagée par tous, des infirmières aux cadres. L'exemple le plus frappant est celui des troubles musculo-squelettiques (TMS), première maladie professionnelle en France, avec plus de 44 000 cas en 2019. La réforme va impacter en priorité les salariés avec les carrières les plus hachées et les salariés les plus modestes. Chaque fois que l'on repousse la durée de cotisation requise pour un départ à taux plein, on rend ce dernier toujours moins atteignable, en particulier par les femmes, en raison du temps partiel subi et de l'absence d'une politique ambitieuse d'égalité entre les hommes et les femmes. Quant aux carrières longues, alors qu'aujourd'hui les travailleurs peuvent partir à 60 ans, ils devront travailler de longues années de plus et cotiser jusqu'à 43 ou 44 ans, si j'en crois l'annonce faite hier par Mme la Première ministre. Enfin, reporter l'âge de départ en retraite, c'est reporter le paiement des pensions de retraite sur les autres prestations sociales. Partir plus vieux, c'est partir en plus mauvaise santé et être davantage exposé au risque d'invalidité. Il y aura ainsi moins de retraités en bonne santé pour les activités bénévoles, pour la solidarité, pour ce qui fait liant dans la société. Il en va de même s'agissant des travailleurs dits « seniors » : à 60 ans, un actif sur deux seulement est encore en activité. L'augmentation du nombre d'annuités à valider entraînera un allongement de ce sas de précarité et une baisse massive du nombre de travailleurs pouvant justifier d'une carrière complète. La prise en compte de la pénibilité n'est, enfin, pas à la hauteur : les personnes ayant commencé entre 18 et 20 ans et qui sont éligibles au dispositif carrières longues perdent deux ans. Le Gouvernement nous parle de pénibilité après en avoir retiré quatre critères à la création du compte professionnel de prévention (C2P) et après avoir supprimé les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). L'attaque contre les régimes spéciaux va d'ailleurs complètement à rebours de la reconnaissance de la pénibilité dans ces secteurs. Nous assistons donc à une accélération de la réforme Touraine, couplée à la réforme proposée par le gouvernement Borne, qui va entraîner un raccourcissement de la durée espérée de retraite. C'est la seule réforme qui joue à la fois sur l'âge légal de départ et sur le nombre d'annuités cotisées, seules variables que souhaite, finalement, retenir le patronat. Jamais ne sont discutés l'augmentation des salaires, des cotisations sociales, l'égalité hommes-femmes, la taxation des profits des grands groupes... C'est pourtant cela que demandent aujourd'hui les salariés qui produisent les richesses de ce pays. Pour finir, l'urgence, pour la population, est d'augmenter les salaires et non de reculer l'âge de départ à la retraite, les Français vous le disent par millions. L'heure est au retrait du projet. Il y a tellement d'autres sujets importants à traiter ! Les citoyens regarderont attentivement le vote de chaque parlementaire, (Les sénateurs Les Républicains protestent.) répondez positivement à leurs attentes ! Nous sommes là pour échanger et alerter.