Intervention de Gérard Mardiné

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 février 2023 à 9h05
Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Audition d'organisations syndicales

Gérard Mardiné, secrétaire général de la CFE-CGC :

Je vais adapter mon propos à ce qu'ont déjà dit mes collègues, afin de ne pas être trop long. Je veux souligner que nous avons été très déçus par la concertation menée par le Gouvernement à l'automne : il y a eu très peu d'écoute et nous pressentions que la réforme serait dogmatique. Nous espérions trouver des informations dans le projet de loi, en particulier dans les éléments assimilables à une étude d'impact, mais la déception a encore une fois été grande. Par exemple, sur l'article 2 relatif à l'emploi des seniors, on ne trouve rien sur les conséquences que le texte pourrait emporter sur la Cnam et sur les autres caisses d'assurance maladie, en raison de la multiplication des arrêts maladie. Il n'est question que de l'index seniors. Il est inadmissible que nous disposions d'aussi peu d'éléments justificatifs pour une telle réforme et cela pourrait poser des questions constitutionnelles. On ne trouve pas non plus d'impact prévisionnel sur l'assurance chômage, sur l'assurance maladie ou encore sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, laquelle sera pourtant concernée de très près. S'agissant de l'article 7, seules les pénalités susceptibles d'être infligées si l'index senior n'est pas publié par un pourcentage donné d'entreprises sont mentionnées. C'est un peu léger ! De plus, il subsiste des incohérences : l'augmentation de l'âge est justifiée par un accroissement de l'espérance de vie entre 1999 à 2019, alors que l'on sait bien que celle-ci ne croît plus depuis 2014, et que l'évolution de 1999 à 2012-2013 a déjà été prise en compte dans la loi Touraine, par une augmentation de la durée de cotisation. La représentation nationale devrait, me semble-t-il, s'émouvoir de la faiblesse de ces justifications et s'interroger sur leur degré de validité. Par exemple, Hervé Le Bras de l'Institut national d'études démographiques (Ined), a lui-même mentionné que les hypothèses d'évolution de l'espérance de vie n'étaient pas réalistes. Nous espérons tous que celle-ci repartira à la hausse, mais attendons de le constater avant d'en faire argument pour justifier l'augmentation de l'âge de départ.

Devant ce manque d'éléments du Gouvernement, qui justifie principalement le report de l'âge de départ par les projections sur l'équilibre financier, et parce qu'il y avait, dans le rapport du COR, des coefficients de sensibilité, nous avons réalisé nos propres chiffrages. Quand la Première ministre évoquait, dans les dix ans qui viennent, un déficit de 100 milliards d'euros, un scénario à espérance de vie constante débouche sur une amélioration de 47 milliards d'euros de l'équilibre financier de notre régime de retraite - en raison, essentiellement, de dépenses en moins. Nous avons également considéré l'emploi des seniors, pour lequel aucune conséquence financière n'est chiffrée ; en l'améliorant, on aboutirait à plus de 40 milliards d'euros d'économies sur les dix prochaines années, portant ainsi le système à l'équilibre, alors que l'on subit encore l'effet du papy-boom. Pour le contrer, les régimes des salariés du privé et un grand nombre de régimes spéciaux disposent de 180 milliards d'euros de réserves, mais cela n'est jamais évoqué dans les études d'impact ! Il faut ensuite en revenir à un partage de la valeur plus équilibré. Alors que la part des salariés a diminué de 5 % lors des vingt-cinq dernières années, nous avons considéré que l'on pouvait progressivement regagner 2 % dans les dix prochaines années, grâce à une loi qui pourrait être votée d'ici à la fin de 2023, qui entrerait en vigueur en 2025, par exemple, et qui serait associée à une meilleure gouvernance des entreprises, allant de pair avec plus d'investissements, et donc plus de créations d'emplois. Cela permettrait de rapporter plus de 100 milliards d'euros à nos régimes de retraite lors des dix prochaines années. Ainsi, il deviendrait possible de financer les mesures de solidarité qu'ont évoquées mes collègues. On voit bien que le système de retraite est un sujet sociétal, le traiter en quelques semaines de débats parlementaires dans le cadre d'un PLFRSS est trop réducteur. Il n'y a pas de problème financier et nos concitoyens ont bien compris qu'on les emmenait dans une impasse. Nous faisons confiance à la représentation nationale pour ne pas voter ce projet de loi.

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