Ces échanges sont nécessaires : se connaître, c'est se rencontrer et se comprendre. Les menaces n'ont pas lieu d'être, mais les alertes sont insistantes. Toutes les organisations syndicales ont transmis le 7 février dernier un communiqué invitant le Gouvernement et les parlementaires à ne pas rester sourds face à cette mobilisation puissante et au fait que neuf Français sur dix rejettent cette réforme. Dans une démocratie qui fonctionne, on doit écouter la large majorité de la population qui s'oppose à cette réforme. Tous syndicats confondus, nous rappelions que les parlementaires doivent prendre leurs responsabilités et rejeter ce projet de loi : solennellement, toutes les organisations syndicales et les organisations de jeunesse vous alertent.
Nous dénonçons unanimement les contre-réformes successives, et notamment les ordonnances Macron de 2017, qui donnent plus de pouvoir aux directions d'entreprise et moins de droits aux représentants des salariés, facilitant ainsi les licenciements. Dans un rapport, l'ancien Défenseur des droits Jacques Toubon avait relevé l'ampleur de la discrimination syndicale. Vous savez à quoi cela a abouti : à deux années de « gilets jaunes ». Nous ne souhaitons pas que cela se reproduise, mais une mobilisation aussi massive de la population est une alerte forte. La France est le deuxième pays au monde pour la richesse produite par salarié, et le premier en Europe. Où partent les richesses créées ? La part destinée aux salariés fond au regard de celle qui revient à ceux qui détiennent les entreprises ; la conséquence, ce sont des salaires amoindris et de petites retraites. Vous êtes les représentants de la République. La France est le seul pays au monde où il n'y a quasiment plus de retraités pauvres, grâce au système de répartition solidaire que le Conseil national de la Résistance a créé, et auquel nous sommes tous très attachés ; cette exception française protège et défend. Dans vos permanences, les citoyens vous alertent sur les risques, car ils sont conscients de leur chance, et de leurs droits.
Sur la réforme, notre constat est unanime : le COR annonce un déficit, dans quelques années, de peu ou prou 12 milliards d'euros, soit de 3 % par rapport aux pensions versées. Les déficits des ménages ou de l'État sont d'une autre ampleur, celui des entreprises privées est gigantesque ! Comme l'indique le président du COR lui-même, cela ne constitue pas une alerte. Nous ne le balayons pas pour autant du revers de la main ; nous devons trouver des solutions. Tout d'abord, il faut travailler à l'égalité hommes-femmes : il y a encore 27 % d'écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes. Il faut y remédier non seulement pour lutter contre cette inégalité, mais aussi pour bénéficier des 5,5 milliards d'euros que cela rapporterait, selon l'estimation de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ! Ensuite, remarquons que le déficit n'a pas été important en 2020 et en 2021, et qu'en 2022, malgré des prévisions alarmistes, le régime est excédentaire en milliards d'euros. Il faut protéger et anticiper : augmenter les salaires et les cotisations sociales permettrait de rehausser les pensions. Nous ne demandons pas beaucoup : une revalorisation du Smic pour vivre décemment, une indexation des minima de branche sur l'inflation, non pour gagner plus, mais pour ne pas gagner moins. Enfin, une augmentation symbolique des cotisations patronales et salariales, d'une poignée d'euros pour un Smic, qui permettrait l'équilibre du système, sans qu'aucune pension soit en dessous du Smic. Quand on travaille, on a droit au Smic ; pourquoi n'y aurait-on plus droit une fois retraité ? Pour terminer sur le financement du système, les exonérations de cotisations sociales représentent plusieurs dizaines de milliards d'euros. Pourquoi ne pas les conditionner, et les retirer aux entreprises qui licencient avant 60 ans ? Nous pouvons vous fournir une liste.
Monsieur Savary, cette loi cumule deux éléments : le relèvement de l'âge de départ et l'accélération de la loi Touraine. Cela provoque un effet cumulatif. Les années les plus pénibles sont celles de la fin de carrière ; les meilleures années de retraite sont les premières. Si je comprends bien votre appréciation, vous nous disiez, poliment, de ne pas nous emballer... Enfin, pour l'ensemble des organisations syndicales, ce n'est ni 63 ans ni 64 ans ; 62 ans, c'est déjà trop. Vous avez évoqué la question des carrières longues, mais la moitié des actifs ne sont plus au travail à 60 ans ! Il faut bien résoudre le problème causé par ceux qui nous licencient avant cet âge ! Si on ne travaille pas sur l'inégalité entre les hommes et les femmes, les carrières longues, les licenciements, les maladies ou le revenu de solidarité active (RSA), le sas de précarité des retraités augmente, comme vous le constatez dans vos circonscriptions.
Sur les régimes pionniers les plus protecteurs, je partage certains éléments, mais je vous alerte à nouveau : leurs caisses sont excédentaires, comme c'est le cas pour les énergéticiens ou pour votre régime autonome. Vous remettez donc en cause des régimes à l'équilibre, qui protègent et qui sont efficaces. Ce n'est pas la solution.