La retraite est la résultante de la carrière. Les difficultés doivent donc être abordées pendant la carrière, et non une fois à la retraite ; il faut d'abord travailler sur les conditions d'emploi, le maintien dans l'emploi, les augmentations de salaire, et conditionner certaines exonérations bénéficiant à certaines entreprises.
Concernant les régimes spéciaux, il y a bien souvent des surcotisations, ou un système de financement qui permet l'équilibre des caisses, comme c'est le cas de celle des clercs de notaires par exemple. Pourquoi supprimer ces régimes ? Ils sont historiques, ils existaient avant 1945, et ils font partie du contrat social de l'entreprise. Je rencontre souvent les dirigeants de la RATP ou d'EDF, par exemple, et ceux-ci sont d'accord avec nous : si vous supprimez ces avantages, il faudra inventer de nouvelles compensations pour les salariés. Dans de grandes entreprises, cela soulève un risque de conflits sociaux internes.
L'espérance de vie en bonne santé doit être la plus longue possible ; mais plus on part tard, plus elle est faible. N'oublions pas, en outre, que nous n'avons pas pris en compte dans son calcul les catastrophes climatiques. Pourtant, les employés obligés de travailler pendant les canicules dans des entrepôts surchauffés ou sous le soleil auront une espérance de vie moindre. Prolonger la carrière, comme le propose le Gouvernement, c'est mettre en danger les travailleurs.
Nous sommes favorables à la retraite progressive, fixée dans la loi, puis dans des accords de branche et des accords d'entreprise, mais celle-ci ne doit pas conduire à baisser les pensions. Il faut donc envisager des compensations de cotisations pour que le salarié bénéficie d'une pension à taux plein. À terme, si l'on se réfère à l'article 1er voté à l'Assemblée nationale, on se dirige vers un régime unique. Là est la difficulté posée par M. Ricordeau concernant la masse salariale de la fonction publique : la réduire, c'est réduire les cotisations.
Nous avons fait des propositions sur le C2P. Les organisations syndicales étaient toutes d'accord pour le faire progresser, le déplafonner et reprendre l'ensemble des critères ergonomiques. Nous avons proposé qu'un C2P comptant plus de 100 points permette de partir à la retraite plus tôt. À côté de cela, il faut inventer un droit à la transition professionnelle pour les salariés exerçant des métiers pénibles, afin que ceux-ci puissent rester dans l'emploi en passant la deuxième partie de leur carrière dans des emplois moins pénibles. Ce droit n'existe pas aujourd'hui, mais les financements nécessaires sont disponibles, il faut responsabiliser les entreprises.
Pour les carrières longues, mon organisation continue à s'opposer aux 43 ans d'activité. Aujourd'hui, la majorité des jeunes rentre vraiment sur le marché du travail et commence à cotiser à 25 ans ; en rajoutant 43 années de cotisation, on arrive bien au-delà de 64 ans. Repousser l'âge de départ est inutile et démagogique.