Pour projeter l'évolution de l'espérance de vie, faut-il prolonger la pente de la droite sur les cinq dernières années, sur les dix dernières années ou sur les vingt dernières années ? C'est un débat de statisticiens. L'Insee a choisi, dans son dernier rapport sur la démographie de la France, qui date de 2021, un prolongement sur la longue période. D'autres méthodes sont possibles : une étude de l'OCDE montre ainsi que si l'on prend en compte l'état du système de santé, le niveau des pollutions environnementales, etc., on parvient à des résultats différents. L'espérance de vie constatée en 2021 est inférieure d'un an aux projections établies en 2011 pour la loi Touraine. En 2022, elle est inférieure au niveau de 2017. L'esprit de la loi Touraine était d'allouer deux tiers des gains d'espérance de vie à la vie active, un tiers à la retraite ; en s'appuyant sur l'espérance de vie constatée, il faudrait donc s'arrêter à 42 ans de cotisations ! Il convient aussi de tenir compte de la pénibilité psychique : les arrêts de travail qui lui sont liés se multiplient. Beaucoup de cadres considèrent d'ailleurs ce projet de loi comme liberticide, car ils souhaitent conserver la possibilité de partir à la retraite sans avoir cotisé tous les trimestres ; c'est une des explications principales de la mobilisation actuelle. Il ne faut pas réduire un système de retraite à un facteur unique. Le ratio entre actifs et retraités est inférieur à 1 dans la fonction publique d'État, à cause de la réduction des embauches au statut, ce qui explique le problème de recettes. L'État est un très mauvais gestionnaire de la retraite de ses salariés ; pour autant, ce n'est pas à eux de travailler deux ans de plus, mais bien à l'État de mobiliser tous les leviers de recettes, notamment grâce à un meilleur partage de la valeur. Il faut aussi traiter le sujet de l'évasion fiscale pour faire entrer de l'argent dans les caisses. Par exemple, l'article 82 du code général des impôts permet à certaines entreprises de proposer des retraites chapeau à leurs dirigeants, en payant elles-mêmes leurs impôts ; autant d'argent perdu pour l'investissement et la création d'emploi.