Intervention de Diane Deperrois

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 février 2023 à 9h05
Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Audition d'organisations patronales

Diane Deperrois, présidente de la commission protection sociale du Medef :

Ce projet de loi reçoit, de notre part, un avis globalement positif : nous saluons une réforme courageuse et équilibrée, à même de préserver durablement le système de retraite par répartition.

En la matière, il n'y a pas de recette miracle : pour assurer l'avenir de ce modèle social tout en maintenant le pouvoir d'achat des actifs et des retraités, il faut travailler plus longtemps. Si nous ne faisons rien, la situation va continuer à se dégrader, ce qui n'est ni souhaitable ni soutenable, qui plus est dans un tel contexte économique et financier - les déficits publics n'ont jamais été si élevés. Je rappelle d'ailleurs que, tous les ans, l'État injecte une somme d'environ 30 milliards d'euros, qui n'apparaît pas dans les projections financières, afin de financer le déficit structurel des régimes publics, lequel est lié aux déséquilibres démographiques et au maintien de règles de calcul spécifiques. Selon nous, le besoin réel de financement est donc bien supérieur à celui qui est présenté aujourd'hui.

Nous comprenons que cette réforme appelle des ajustements. Ils sont légitimes, car il faut tenir compte des populations les plus précaires. De même, il faut prévoir des mesures d'accompagnement pour les personnes accomplissant des carrières longues, pour les travailleurs handicapés, pour les personnes inaptes ou invalides, ainsi que pour les salariés soumis à une forte pénibilité. Toutefois, ces ajustements réduisent le rendement net de la réforme. En ce sens, ils appellent notre vigilance.

Le projet de loi entérine la suppression progressive des régimes spéciaux : c'est une mesure de justice que nous attendions. Nous notons également l'abandon du transfert de recouvrement des cotisations Agirc-Arrco vers les Urssaf, une mesure demandée par l'ensemble des organisations syndicales et patronales. En outre, des évolutions des mécanismes de transition emploi-retraite ont été retenues, qu'il s'agisse de la retraite progressive ou du cumul emploi-retraite ; nous avions plaidé en ce sens. Pour ce qui concerne l'usure au travail, nous notons l'évolution des droits acquis au titre du compte professionnel de prévention (C2P) et du dispositif Woerth-Bertrand. Ce projet de loi crée un mécanisme de prise en compte des troubles musculo-squelettiques (TMS) assorti d'un volet de prévention. Avec les différents partenaires sociaux, notamment avec M. Chevée, nous avons précisément négocié en 2020 un accord national interprofessionnel (ANI) portant sur la santé au travail, lequel s'est ensuite traduit par la loi du 2 août 2021. Nous avions particulièrement à coeur de travailler ce volet de prévention. Nous tenions également au filtre médical prévu au titre de la réparation. Cela étant, il nous paraît important que la désignation des métiers les plus exposés ne procède pas des négociations de branche, mais de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Pour nous, c'est bel et bien d'elle que relève ce travail. De surcroît, il ne vous aura pas échappé qu'une négociation est en cours entre organisations syndicales et patronales au sujet de la branche AT-MP ; il importe qu'elle puisse aboutir. En parallèle, le projet de loi crée un filtre médical sur la base d'un avis du médecin du travail. Bien sûr, ce praticien joue un rôle très important. L'ANI que j'évoquais précédemment l'a consacré ; nous avons même instauré une visite de mi-carrière et nous mesurons toute l'importance de la visite de fin de carrière en matière de santé au travail. Mais, à nos yeux, l'avis relatif à une éventuelle inaptitude doit être émis par le médecin de la sécurité sociale. Il s'agit là d'un point très important. Nous n'avons jamais demandé l'échange, opéré par le projet de réforme, entre les cotisations des branches AT-MP et retraites. Nous serons particulièrement vigilants à cet égard, car il faut garantir une pleine équivalence des transferts. J'ajoute qu'il importe de préserver le champ de la démocratie sociale. Quant à l'index seniors, nous n'y sommes pas favorables. Si l'index de l'égalité interprofessionnelle entre les femmes et les hommes repose sur des obligations légales, cet index seniors n'a pas de socle. En outre, les entreprises présentent des profils très différents, qu'il s'agisse de leur taille, de leurs activités ou de leur démographie, laquelle dépend aussi de leur ancienneté ; cette réalité exclut de facto les indicateurs monolithiques. J'ajoute que nous manquons de visibilité quant au fonctionnement de ce dispositif. Dans certains cas, si le taux de seniors recule, c'est tout simplement parce que le nombre d'apprentis a augmenté : pensons à l'équilibre général et aux situations particulières de nos entreprises. S'il devait y avoir un index, il faudrait privilégier les indicateurs définis par les branches, maîtrisables par les entreprises et mis en oeuvre dans le respect de leur dynamique propre. Au surplus, un tel outil devrait être réservé aux entreprises de taille significative : en ce sens, il me semble indispensable de rétablir le seuil de 300 salariés. De même, des sanctions appliquées de manière uniforme nous paraissent absolument inenvisageables. Lors des concertations auxquelles le Gouvernement nous a conviés, nous avons beaucoup insisté sur l'employabilité des seniors. Nous avons souligné l'importance des bilans de compétences et des entretiens professionnels organisés tous les deux ans. C'est dans ce cadre que les employés doivent aborder leur seconde partie de carrière avec leur employeur, en traitant des questions de formation et d'employabilité. Nous accordons beaucoup d'importance à ce dialogue. L'accès aux différents dispositifs de reconversion est, lui aussi, un enjeu capital pour le Medef. Traduisant le voeu des organisations syndicales et patronales, toutes confondues, la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a instauré une visite permettant de prévenir la désinsertion professionnelle. Ce double cadre, relatif à la santé au travail et à l'employabilité, nous paraît tout à fait vertueux : il est à même d'engager les entreprises, quelle que soit leur taille, dans cette dynamique de la seconde partie de carrière. Enfin, nous relevons la volonté de taxer les indemnités de rupture avant la retraite. La rupture conventionnelle, dispositif vieux d'environ quinze ans, est souvent plébiscitée par les salariés eux-mêmes. Soyons vigilants : cette procédure simple, généralement amiable, est à la fois flexible et bien plus protectrice qu'une simple démission. Par ricochet, une telle taxation pourrait freiner les embauches.

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