Le but premier de cette réforme est de garantir l'équilibre global du régime de retraite par répartition. Il s'agit là d'un sujet d'inquiétude perpétuel pour la CPME, à moyen et long terme : à l'avenir, les taux de remplacement des jeunes seront bien plus faibles qu'ils ne le sont aujourd'hui. Voilà pourquoi la CPME souhaitait à l'origine reporter l'âge de départ à 65 ans, compte tenu des différentes mesures d'accompagnement et des dérogations nécessaires. Le compromis proposé par le Gouvernement nous paraît le bon. Il permet de rétablir l'équilibre du système de retraite à moyen terme et contient des mesures de solidarité absolument essentielles, que nous soutenons sans ambiguïté.
Premièrement, le dispositif d'usure professionnelle représente un droit nouveau à la prévention. Je reviendrai sur cette innovation ; très important pour la CPME, ce sujet est intimement lié aux dispositifs relatifs aux carrières longues, auxquels nous sommes aussi très attachés.
Deuxièmement, le minimum de pension doit être fixé à 85 % du Smic pour toutes les carrières complètes, passées et à venir. Lors de la concertation menée par le Gouvernement, nous avons fait un certain nombre de propositions pour que toutes les catégories d'actifs puissent bénéficier de cette mesure, tout spécialement les commerçants et les artisans.
Troisièmement, l'annulation de la décote est maintenue à 67 ans ; cette disposition nous paraît particulièrement équitable.
Quatrièmement et enfin, en cas d'invalidité ou d'incapacité, le départ à 62 ans est lui aussi maintenu ; à nos yeux, c'est indispensable, d'autant que le nouveau dispositif de prévention de l'usure professionnelle est à même de permettre des départs anticipés pour les catégories exposées.
Les dispositifs destinés à faciliter le cumul emploi-retraite et la retraite progressive méritent bien sûr d'être développés dans les entreprises. Dans les très petites entreprises (TPE) comme dans les petites et moyennes entreprises (PME), où l'on a coutume de garder les compétences le plus longtemps possible, le cumul emploi-retraite semble être le plus adapté. Il peut également être utile de conserver lesdites compétences après l'âge d'ouverture des droits pour assurer la transmission des connaissances. Mais, pour l'heure, nous sommes bloqués par la franchise de six mois imposée avant de revenir chez le même employeur. Nous avons soumis quelques propositions sur ce sujet. En parallèle, nous saluons les grandes améliorations apportées au C2P ; nous y avons beaucoup travaillé avec le Gouvernement. Dans les petites entreprises, notamment dans l'artisanat, les chefs d'entreprise sont aussi concernés que leurs salariés par les questions d'usure professionnelle. Toutefois, les critères supplémentaires prévus en un autre temps avaient débouché sur une véritable usine à gaz ; mieux vaut opter pour un nouveau dispositif - c'est précisément le choix opéré par le Gouvernement. Cela étant, si elles le souhaitent, les branches professionnelles doivent pouvoir se saisir de cette question pour déterminer, en leur sein, les métiers objectivement exposés. De leur côté, les commissions AT-MP sont à même de proposer une vision d'ensemble afin d'assurer la cohérence du dispositif. Avec la visite de mi-carrière évoquée par Mme Deperrois et prévue autour de 45 ans, une réflexion doit être engagée sur l'état physique et psychique du salarié ainsi que sur sa formation, afin que ce dernier puisse aborder correctement sa seconde partie de carrière. Le but est qu'il puisse rester actif le plus longtemps possible. Entre partenaires sociaux, nous travaillons effectivement à un ANI relatif à la branche AT-MP. Avec la santé au travail, la prévention des accidents figure parmi les points majeurs abordés ; l'objet de nos négociations est bien sûr lié au contenu du projet de loi relatif aux retraites. Notre objectif est que, demain, la prévention supplante la réparation. Aujourd'hui, on répare énormément, mais l'on peine encore à prévenir l'usure professionnelle. À cet égard, nous portons une attention particulière aux carrières longues. Je précise que celles-ci n'impliquent pas en elles-mêmes une iniquité quant à la durée de vie à la retraite, notamment en bonne santé. La vraie différence - vous le savez - porte sur l'invalidité et l'incapacité : ces dernières entraînent effectivement une diminution de la durée de vie en bonne santé à la retraite. En ce sens, le maintien de la borne de 62 ans s'imposait.
Certes, nous ne sommes pas opposés aux indicateurs permettant d'apprécier l'évolution sociologique des populations salariées, dans les branches comme dans les entreprises, mais nous savons bien ce qu'un simple index peut entraîner. À l'origine, l'index seniors devait être réservé aux entreprises de plus de 300 salariés, ce qui avait du sens. En effet, c'est pour ces dernières que les informations de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) sont les plus complètes. En revanche, les entreprises de 50 à 300 salariés devraient produire de la donnée pour que cet index puisse fonctionner ; or parmi elles figurent un certain nombre de PME qui ne disposent pas de services de ressources humaines en mesure d'accomplir ce travail. L'abaissement du seuil à 50 salariés ne nous semble donc pas pertinent.