Intervention de Pierre Moscovici

Commission des affaires sociales — Réunion du 25 janvier 2023 à 9h10
Avis sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Audition de M. Pierre Moscovici président du haut conseil des finances publiques

Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques :

Dans les calculs rendus publics, on sait qu'il y aura d'autres exercices à reprendre après 2030.

Premièrement, il est évident que la durée de travail est un facteur de croissance : le travail, le capital, l'innovation sont des facteurs de croissance. Mais il est également évident que l'arbitrage entre temps de travail, temps de loisir et temps de la vie est un choix profondément politique.

Deuxièmement, si l'on considère que cette réforme des retraites est une prémisse nécessaire pour réformer un système qui n'est pas finançable en l'état, ce qui correspond à la position de la Cour des comptes, il n'y a que trois leviers : l'augmentation des cotisations, la dégradation des pensions, l'augmentation de la durée de travail.

Nous nous sommes prononcés à plusieurs reprises sur la nécessité d'allonger la durée du temps de travail. Je ne me prononcerai pas sur les modalités de la réforme, qu'il vous revient de définir, en lien avec le Gouvernement et les partenaires sociaux. Nous sommes une institution experte qui délivre des avis importants, mais nous ne sommes pas à votre place. En 2001, lors du passage à l'euro - j'étais alors ministre des affaires européennes -, on parlait de l'Allemagne comme de « l'homme malade de l'Europe ». Les temps ont changé si l'on regarde les performances de notre commerce extérieur, de notre industrie, de nos finances publiques. Si les présidents de la République et les formations dominantes ont changé, les choses ne changent pas, ce qui devrait nous inciter à mener une réflexion collective sur ces sujets.

J'ai été ministre des finances en pleine crise financière. La charge de la dette était alors le deuxième budget de l'État. Je n'avais aucune marge de manoeuvre ! Nous nous approchons d'une situation similaire. Le budget de la défense, qui représente 41 milliards d'euros - 50 milliards avec les pensions -, sera sans doute réévalué dans la loi de programmation militaire, pour laquelle il faudra trouver des moyens de financement. Je le redis, la charge de la dette pourrait atteindre 44 milliards d'euros : c'est la dépense publique la plus stupide, la plus inerte, la plus improductive, la plus inefficace et la plus absurde ! Chaque euro que nous consacrons à rembourser la dette est un euro en moins pour le travail, la justice, la sécurité, l'écologie, l'éducation, la recherche... Certains semblent avoir une préférence pour la dette, mais cela n'a pas de sens : cette dépense publique stérilise tout.

Nous sommes sortis de la période des taux d'intérêt négatifs, et nous entrons dans celle où la charge de la dette augmente en raison du poids des obligations indexées sur l'inflation et de la hausse des taux d'intérêt, qui va continuer, comme l'a annoncé Mme Lagarde il y a encore deux jours. D'où la nécessité de disposer d'une loi de programmation des finances publiques. La question est juridique, car il ne s'agit pas d'une simple formalité : à un moment donné, on est rattrapé par la patrouille ! Mais le sujet est également politique et démocratique : il faut éclairer nos concitoyens sur la structure des dépenses et des recettes. C'est la mission du Gouvernement, mais la Cour des comptes contribue aussi, par ses rapports, à apporter un certain nombre d'éclairages et d'informations.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion