L'ANC compte une vingtaine d'experts, c'est suffisant pour mettre les différents intérêts autour de la table, sachant que l'autorité n'a pas vocation à se substituer à ces parties, elle n'est pas un superviseur et n'a aucun pouvoir de sanction, comme c'est le cas d'autorités administratives comme l'AMF. L'ANC se cantonne à un rôle de normalisation, ses moyens viennent directement du ministère et à ses côtés, il y a le collège, avec un président indépendant et des moyens abondés par le ministère et par un fonds de concours alimenté par les entreprises et les professionnels du chiffre. Ce fonds de concours devient insuffisant, car les missions augmentent mais aussi parce que des entreprises ne contribuent pas à hauteur de ce qui a été convenu, il faut donc revoir le calibrage, compte tenu des besoins nouveaux - et aussi pour financer la recherche comptable, il faut aller au-delà de ce que nous faisons aujourd'hui en la matière.
La France applique la directive sur le reporting de durabilité des entreprises, dite CSRD, plutôt qu'une norme nationale, ce choix a au moins deux conséquences : pour peser, il lui faut que la France soit influente sur le sujet au niveau européen, et que l'écosystème français soit pris en compte. Les liens avec l'information financière constituent un enjeu très bien relevé par mon prédécesseur - l'expression de « fertilisation croisée » est heureuse mais il faut bien voir que la réflexion ne fait que commencer en la matière. Les normes de durabilité ont une incidence directe et importante pour évaluer les actifs, par exemple pour savoir s'ils vont perdre ou gagner de la valeur du fait des changements liés à la réglementation ou encore à la tarification ou à la taxation du carbone, tout ceci est désormais financiarisé et nous avons besoin de cohérence. C'est pourquoi il n'est pas illégitime que ceux qui certifient les comptes, donnent aussi les informations sur la durabilité, cela n'avait rien d'évident compte tenu du débat sur le champ de l'audit et la concentration de ce marché - certains estiment qu'il ne faut pas étendre encore le champ d'intervention de l'audit, c'est un débat.
Les normes anglo-saxonnes l'emportent-elles ? Je dirais que l'influence de la France et de l'UE progressent, nous avons des débats avec l'IASB, la France fait partie, avec l'Allemagne, de groupes de travail communs et je crois que l'IASB a compris qu'elle ne pouvait négliger l'UE, qui est le principal acteur à avoir rendu les normes IFRS obligatoires, alors qu'elles sont optionnelles sur les autres continents. Il faut donc continuer ce travail fructueux avec nos alliés européens et dans le reste du monde.