Intervention de Stéphane Perrin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 25 janvier 2023 à 16h35
Scénarios de financement des collectivités territoriales — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes de M. Christian Charpy président de la 1ère chambre de la cour des comptes Mme Mathilde Lignot-leloup conseillère maître à la cour des comptes et M. Stéphane Perrin vice-président du conseil régional de bretagne et président délégué finances de la commission administration générale de régions de france rf

Stéphane Perrin, vice-président du conseil régional de Bretagne, président délégué Finances de la commission Administration générale de Régions de France :

Vous avez utilisé, monsieur le président, l'expression « tiers de confiance ». Nous dialoguons fréquemment avec la Cour - j'étais encore auditionné par elle ce lundi. Le rôle de la Cour, dans ces exercices où il faut commencer par objectiver une situation de départ, nous paraît essentiel. La mobilisation de la disposition de la Lolf que vous avez évoquée me semble donc tout à fait opportune, et j'espère, à titre personnel, qu'elle fera école et que le rôle de la Cour en tant que tiers de confiance sera bien identifié.

Dans ces périodes où il faut tout changer, il faut au moins se mettre d'accord sur les termes du débat. Dans la période récente, sur la situation financière des régions, par exemple, nous avons parfois eu des difficultés à nous mettre d'accord sur les constats de départ, et c'est la Cour qui, finalement, a été le juge de paix. C'est essentiel pour débuter les discussions en projet de loi de finances (PLF) ou de loi de finances rectificative.

Je veux donc saluer le rôle de la Cour ainsi que votre initiative, d'autant plus bienvenue que le modèle de financement des régions est appelé à mourir à court terme. La crise et l'inflation que nous connaissons ont été un puissant accélérateur de cette marche vers la mort du système de recettes des régions. En effet, pour une bonne part, nos recettes sont assises sur de la fiscalité liée à l'automobile : part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et taxe sur la carte grise, qui est notre dernier levier fiscal, à hauteur de 10 % des recettes des régions - c'est donc un tout petit levier fiscal.

Pourquoi ce système est-il mort ? Il était, déjà, absurde. En effet, les mobilités collectives - ferroviaire, trains express régionaux (TER), transport interurbain - sont l'une des compétences majeures des régions. Or, par hypothèse, plus nous allons développer le transport collectif, moins nous allons susciter de besoins en véhicules automobiles et en carburants. Par conséquent, plus nous mènerons des politiques vertueuses, moins nous aurons de recettes.

Nous allons connaître des diminutions très fortes du produit de la taxe sur la carte grise, liées au fait que le marché de l'automobile s'effondre - nos décisions modificatives de fin d'exercice 2022 et la construction des budgets pour l'année 2023 le reflètent. À cela, plusieurs facteurs : augmentation du coût des véhicules, arrêt des aides pour l'achat d'un véhicule... De fait, ce secteur était fortement mobilisateur de crédits publics. Tout cela, que ce soit sur le véhicule neuf ou, par effet de bord, sur le véhicule d'occasion, explique qu'il y ait beaucoup moins de transactions, donc beaucoup de pertes de recettes. S'y ajoute l'ambition européenne de fin du véhicule thermique à l'horizon 2035. L'assiette va donc fondre, puis disparaître complètement. Quelques régions, dont la mienne, vont relever le taux de la taxe sur la carte grise cette année pour compenser les effets de l'inflation, mais c'est une fuite en avant : plus l'assiette va fondre, plus nous allons devoir augmenter le taux. Nous savons très bien que cela ne nous mènera nulle part.

Le modèle de recettes est donc appelé à mourir. Il va falloir en changer à très court terme pour les régions, sans quoi nous serons dans l'incapacité de financer les politiques publiques, que ce soit en fonctionnement ou en investissement.

Vous m'avez appelé, monsieur le président, à faire un retour sur le passé. Il se trouve que j'ai vécu la bascule de la dotation globale de fonctionnement (DGF) vers la TVA pour les régions. Cette bascule nous a offert un bol d'air frais, sa dynamique étant sans commune mesure avec les perspectives d'évolution de la DGF, qui avait beaucoup diminué. Ainsi, si nous parvenons à assumer, pour 2022, les puissants surcoûts liés à l'inflation - factures d'énergie de nos lycées, factures d'électricité sur les mobilités, factures de carburant des mobilités par car -, c'est parce que nous avons eu, cette année-là, une bonne dynamique de TVA. Je le dis de manière très claire : cette bascule a été la bienvenue, quand bien même elle ne nous a pas redonné de l'autonomie fiscale. Cependant, il faut bien dire que la dynamique de la TVA est annulée par l'évolution de la fiscalité sur l'automobile, qui est appelée à diminuer.

Pour l'année 2023, nous anticipons une dégradation de l'épargne des régions, car la dynamique de TVA ne sera pas au niveau de 2022, et encore moins des années précédentes. Dans le même temps, nous aurons toujours cette attrition des recettes sur la fiscalité automobile. Nous anticipons plutôt une dégradation du solde.

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