Je m'en suis ouvert auprès de la Cour pas plus tard que lundi. Pour 2023, nous anticipons, en année pleine, un surcoût lié à l'inflation, en additionnant les lycées, les TER, le transport interurbain et l'effet point d'indice sur la masse salariale, de 977 millions d'euros pour l'ensemble des régions, et un surplus de recettes à hauteur de 786 millions d'euros, que nous calculons pour l'instant uniquement sur le surplus de TVA - nous partons d'une hypothèse de stabilité sur la carte grise et les certificats d'immatriculation, alors que l'on aura vraisemblablement une baisse. Le solde serait donc négatif d'environ 200 millions d'euros. En 2022, la situation était inverse, avec plus de 1,1 milliard d'euros de recettes supplémentaires du fait d'une très bonne dynamique de TVA, contre 957 millions d'euros de surcoût en dépenses, donc un solde globalement positif, même si, comme la Cour l'avait établi - c'est en cela que j'évoquais un rôle de tiers de confiance -, la région était le seul niveau de collectivité à ne pas avoir retrouvé son niveau d'épargne d'avant-covid. De fait, c'est le niveau de collectivité qui a été le moins accompagné au cours de cette crise, hormis les 600 millions d'euros de soutien à l'investissement, qui doivent cependant être mis en regard des 2,4 milliards d'euros de hausse de l'investissement des régions sur la même période, liés à leurs politiques volontaristes.
Comme le modèle de recettes paraît dépérir au fil du temps, nous risquons d'avoir une difficulté à terme, qui se traduira, non par un surendettement des régions, mais par une diminution de l'investissement, alors que nous n'avons pas encore ouvert le volet « mobilité » des contrats de plan État-région (CPER), par exemple, et que les besoins en la matière sont extraordinairement importants.
La période passée nous inspire donc à la fois la satisfaction d'avoir cette recette de TVA et le constat que le modèle de recettes, au global, ne nous permet pas d'assumer les politiques publiques en tendance longue, l'inflation et à la crise économique ayant accéléré les choses.
Il est vrai que nous n'avons quasiment plus d'autonomie fiscale. Nous avons inauguré le modèle, aujourd'hui largement répandu, de l'affectation d'une part d'impôt national. Celui-ci ouvre des questions qui dépassent largement ma condition d'élu régional, pour s'adresser aux représentants de la nation que vous êtes. D'une part, la TVA est un impôt qui présente des inconvénients compte tenu de son caractère régressif. Surtout, le fait que l'État soit aujourd'hui attributaire d'une part minoritaire du produit de la TVA et la généralisation d'un système où les collectivités sont affectataires d'une part d'impôt national interrogent sur la capacité qu'aura l'État à financer ses propres politiques publiques.
On voit bien que les choix de politique fiscale cherchent un peu à faire disparaître l'impôt. On a beaucoup recours aux impôts indirects. On réduit les assiettes. On supprime la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour ne plus avoir d'impôt sur la production. Quoi que l'on pense de ces choix, le système qui consiste à affecter aux collectivités une part d'impôt national sera-t-il tenable dans le temps ? L'État aussi a besoin de financer ses politiques publiques ! Ce sont des choix qui appartiennent au Parlement, puisque c'est lui qui est décisionnaire en dernier ressort sur les lois de finances.