Intervention de Marc Laménie

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 25 janvier 2023 à 16h35
Scénarios de financement des collectivités territoriales — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes de M. Christian Charpy président de la 1ère chambre de la cour des comptes Mme Mathilde Lignot-leloup conseillère maître à la cour des comptes et M. Stéphane Perrin vice-président du conseil régional de bretagne et président délégué finances de la commission administration générale de régions de france rf

Photo de Marc LaménieMarc Laménie :

Le sujet abordé est essentiel tant les collectivités territoriales investissent dans de nombreux domaines.

Concernant une question qui m'intéresse plus particulièrement, celle de l'intervention des régions dans le secteur ferroviaire, je tiens à rappeler les importants efforts réalisés par les collectivités pour renouveler les matériels, maintenir et gérer les infrastructures de réseaux. Les investissements existent : quid des recettes ? Quelles ressources devraient, selon vous, être perçues par les régions, hormis la TVA et éventuellement l'IS ? Enfin, pensez-vous que la fusion des régions a eu des effets positifs en matière de mobilité ?

M. Christian Charpy, président de la 1ère chambre de la Cour des comptes. - Tout d'abord, je tiens à dire que nous sommes tout à fait conscients des difficultés financières que pourraient rencontrer à terme les régions du fait d'une fiscalité essentiellement assise sur les hydrocarbures - la TICPE et la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules. C'est du reste l'une des raisons pour lesquelles nous considérons qu'il est préférable que l'État prenne en charge lui-même ces deux taxes, et plus généralement les impôts et taxes dont la part a vocation à diminuer ou qui fluctuent beaucoup, plutôt qu'il les verse directement aux collectivités locales. Nous estimons, en effet, que l'État a des capacités de réaction et d'emprunt plus importantes que ne le sont celles des collectivités.

Ensuite, j'ai eu plaisir à entendre M. Perrin dire que l'impôt national partagé n'était pas nécessairement une abomination. La TVA, pour prendre cet exemple, est un impôt relativement dynamique et très résilient aux crises, puisqu'il repose essentiellement sur la consommation des ménages. Je reconnais que l'on peut émettre davantage de réserves concernant l'IS, dont les fluctuations sont plus significatives.

Il conviendrait peut-être de réfléchir à des mécanismes de « mise en réserve », qui sont certes quelque peu contraires aux principes généraux des finances publiques, mais qui permettraient d'avancer sur un sujet sur lequel il est urgent de trouver des solutions.

S'agissant de la territorialisation de l'IS, je suis moi aussi très attentif aux effets de siège que M. Perrin a mentionnés. En territorialisant complètement cet impôt national, on favoriserait de fait les régions Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, quand d'autres régions seraient très pénalisées. Une telle réforme conduirait à la mise en place de mécanismes de péréquation très lourds.

Cela étant, je suis conscient qu'il est difficile d'inciter une région à favoriser le développement économique sur son territoire, tout en ne lui permettant pas d'en tirer profit au niveau de ses ressources. C'est pourquoi nous avions imaginé deux hypothèses : la première consiste à chercher des modes de répartition qui poussent à la création d'entreprises - pourquoi ne pas imaginer qu'une part de l'IS soit répartie en fonction du nombre d'entreprises créées ? La seconde repose sur la mise en place d'un taux complémentaire d'IS. La difficulté, dans ce dernier scénario, est que les acteurs économiques sont très mobiles et qu'ils risquent de se déplacer en fonction de l'application ou non d'un tel taux dans les territoires.

Par ailleurs, je souhaite insister sur la question de l'instance de concertation et de dialogue qui, dans notre esprit, doit notamment veiller à ce que l'État respecte les règles du jeu. En effet, le partage du bénéfice des impôts nationaux présente des risques. Je pense à la décision que l'État a prise concernant la CVAE et au fait qu'il pourrait prendre une décision similaire s'agissant de l'IS dans un futur proche. De manière générale, les décisions qui affecteront l'IS au niveau national - par exemple, la baisse progressive du taux de cet impôt jusqu'à 25 % - affecteront aussi les ressources des régions.

L'instance de concertation devra donc veiller à ce que les efforts ou les compensations soient correctement partagés pour éviter tout jeu de dupes. C'est indispensable, pour assurer tant une juste compensation des baisses d'impôts qu'un certain équilibre dans l'élaboration des éventuels outils de péréquation ou l'égalité de répartition des impôts et des dotations entre collectivités en fonction de leurs besoins objectifs.

Le Comité des finances locales peut-il être cette instance ? S'il en est capable, pourquoi pas ? Cela étant, j'ai bien entendu que, selon M. Perrin, ce comité n'est pas pleinement représentatif des différents niveaux de collectivités. Il est, en outre, un peu pénalisé par le rôle de chambre d'enregistrement et de récriminations qu'il a endossé depuis quelques années.

Il est peut-être préférable de réfléchir à la mise en place d'une haute autorité, bien que le Sénat soit par principe assez réticent à la création de ce type de structures. J'observe malgré tout que le Haut Conseil des finances publiques trouve un certain écho lorsqu'il livre ses prévisions. Nous aurons en tout cas besoin d'une autorité ayant suffisamment de poids pour se faire entendre dans le cas où la loi de finances ne respecterait pas le principe de prévisibilité des ressources.

Pour terminer, permettez-moi d'évoquer la question de la contractualisation. J'ai bien noté que M. Perrin estimait que les contrats de Cahors n'étaient pas la panacée. Ce que je constate, de mon côté, c'est que beaucoup d'instruments de contractualisation se superposent aujourd'hui et que l'on a tendance à s'y perdre. Je partage, en outre, l'avis de M. Perrin au sujet des services déconcentrés de l'État : ils doivent absolument disposer des moyens de gérer ces contrats au niveau des territoires, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

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