Merci pour votre accueil ; je connais la qualité et le sérieux de vos travaux.
Parmi les régimes spéciaux, ou statutaires, le nôtre est de taille moyenne, loin derrière les différents régimes de la fonction publique et proche de celui de la SNCF : nous comptons environ 200 000 pensionnés et 150 000 affiliés. Nos engagements financiers avoisinent 200 milliards d'euros.
Surtout, ce régime bénéficie d'un adossement financier au régime général, mis en place au début des années 2000 ; l'État avait l'intention de l'étendre aux autres régimes spéciaux, mais ne l'a finalement pas fait. Cet adossement, très précieux, a permis de déconsolider l'essentiel de cette charge des comptes des seules entreprises alors concernées, EDF et Gaz de France, dans la perspective de leur introduction en bourse. Vous évaluez régulièrement la neutralité de notre régime au regard des comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et de l'Agirc-Arrco ; à chaque fois, vous avez constaté cette neutralité, obtenue notamment grâce à la soulte de 7 milliards d'euros offerte par les employeurs de la branche lors de la mise en place de l'adossement. Cette neutralité découle également de la contribution tarifaire d'acheminement (CTA), qui couvre les droits passés, jusqu'en 2004, du secteur régulé. Cette contribution est neutre pour le consommateur ; on a simplement transféré une part du tarif vers cette taxe.
Notre régime est équilibré, depuis sa création, de par la loi, et il continuera de l'être si cette réforme entre en vigueur.
Enfin, notre régime est pleinement autonome dans sa gestion. Le nerf de la guerre, en matière de régimes de retraite, c'est l'informatique : nous sommes sur ce point complètement autonomes. Au-delà, la qualité de la gestion du régime est universellement reconnue : en témoignent la grande satisfaction de nos pensionnés, mais aussi les différents audits comptables et les contrôles effectués par les corps d'inspection de l'État, qui se sont toujours montrés très élogieux.
Le nombre d'employeurs concernés par ce régime a augmenté ; au-delà d'EDF et Engie, on en compte environ 160, contre 130 lors de la création de la caisse. Aux entreprises locales de distribution se sont ajoutées de nouvelles entreprises actives dans le domaine des énergies renouvelables.
Un enjeu crucial pour le régime est l'attractivité du secteur. L'Assemblée nationale a récemment créé une commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France. Ses auditions ont montré que le secteur est aujourd'hui moins attractif qu'il y a une vingtaine d'années ; on pouvait alors embaucher les meilleurs diplômés ; aujourd'hui c'est beaucoup plus difficile. Le régime de retraite joue un rôle en la matière, mais il n'est qu'un des éléments de la couverture sociale, qui varie suivant les employeurs et est souvent moins protectrice que dans le secteur bancaire, ou encore que chez TotalEnergies pour ne citer que quelques exemples.
Les mesures de convergence présentes dans toutes les réformes des retraites depuis 1993 font que, si les nouveaux entrants conservent un avantage fidélisant avec ce régime spécifique, cet avantage est désormais assez limité. D'ailleurs, les départs sans anticipation se font exactement au même âge que dans le régime général : 62,9 ans. L'âge moyen de départ à la retraite, en comptant les départs anticipés, s'établit à 60,4 ans, un peu plus tôt que dans le régime général, mais cela est aussi dû à un décalage dans le calendrier d'application de diverses réformes.
La gestion des nouveaux entrants après la réforme, au vu de la présence d'une « clause du grand-père », risque de poser des problèmes d'intendance. En matière de ressources humaines, il ne sera pas toujours aisé d'expliquer aux nouveaux que leur statut sera moins avantageux que celui de leurs collègues accomplissant les mêmes tâches. Ce ne sera pas simple non plus en matière informatique : l'entrée en vigueur dès septembre 2023 prévue dans le projet de loi est même impossible ; les informaticiens nous disent qu'ils ne pourraient en aucun cas être prêts à cette échéance ! Je veux vous alerter quant à ce risque de « catastrophe industrielle », dont les coûts pourraient être importants.
Enfin, le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, ne dit rien de l'avenir de l'adossement financier de notre régime au régime général. Le système actuel est solide, il le restera jusqu'à son extinction. Je n'ai donc qu'une prière à vous adresser : préservez ce système d'adossement ! Les problèmes financiers sont déjà largement résolus grâce au travail intelligent accompli il y a une vingtaine d'années.