Le Gouvernement s'entête donc à semer le désordre dans un irrespect total des organisations et de la vie conventionnelle. C'est un grave problème. Au lieu de vouloir résoudre les difficultés, il monte les professions les unes contre les autres, faisant l'inverse de notre travail ; je remercie tous les sénateurs d'avoir adopté la loi sur le ratio patients-soignants à l'hôpital. Toutes les professions hospitalières, qui n'étaient initialement pas toutes favorables au texte, ont fini par le soutenir grâce aux débats.
Il y a deux façons de faire de la politique : rassembler autour de la résolution d'un problème, ou diviser. Le Gouvernement a fait le choix irresponsable de diviser alors que la pénurie de médecins appelle à une meilleure utilisation des compétences de chacun. On ne gère pas la pénurie par la désorganisation, au contraire !
Nous ne voulons pas nous poser en défenseur des uns ou des autres, mais nous défendons la meilleure qualité de soins pour notre population. Cela passe par une utilisation optimisée des compétences.
Nous suivrons trois principes sur ce texte : d'abord, le respect d'un haut niveau de compétences du professionnel auquel on confie une mission de santé. Sans un tel niveau, nous n'accepterons pas que de nouvelles missions leur soient confiées. Or ce texte fait quasiment l'impasse sur la formation, alors que c'est un sujet essentiel. Ensuite, nous sommes favorables au partage des tâches. Enfin, nous voulons maintenir les parcours de soins. Ces trois principes sont indissociables.
Il faut se rappeler l'historique de la construction de notre système de santé. Il y a une filiation entre les propositions de loi Rist 1 et 2. Lors des débats de la loi Rist 1, Olivier Véran voulait recréer une profession intermédiaire d'officiers de santé. Ils ont été créés lors de la Révolution française, dans une volonté progressiste. Il y avait alors une pénurie de médecins. Mais cela a finalement créé un système à deux vitesses. On y a renoncé, car cela a encouragé des sortes de charlatanisme, faute de bien contrôler localement. Ensuite, cela risque de créer une distinction entre la ville, qui concentrerait les médecins, et la campagne avec des officiers de santé. Nous avons déjà soulevé ce risque pour la téléconsultation : certains auraient le droit de voir un médecin, tandis que d'autres seraient contraints de voir tel ou tel professionnel de santé derrière un écran. Malgré la pénurie, on ne peut inscrire ce type d'évolution dans l'organisation de notre système de soins. À l'époque, Olivier Véran avait reculé en raison de la forte contestation des professionnels de santé.
Nous ne nous opposerons pas à l'article 1er, mais ce dernier évoque des IPA spécialisés ou des praticiens pour lesquels il n'y a aucune définition nulle part. Nous souscrivons à la proposition de la rapporteure d'écarter le concept d'IPA praticien. L'alinéa 5 sur la détermination des compétences et de la formation proposées est insuffisant. Des premiers modèles d'IPA existent, comme les infirmières Asalée. Auparavant, il y avait des infirmières en psychiatrie, très utiles, mais la formation a été arrêtée... Nous sommes favorables au développement des IPA à condition qu'ils aient droit à une formation à la hauteur de leurs missions.
À l'article 2, nous ne comprenons pas ce référentiel de dix séances : est-il déterminé au doigt mouillé, ou fait-il référence à des référentiels de qualité de prise en charge ? Il existe des référentiels, par exemple pour la prise en charge d'une entorse de cheville par un masseur-kinésithérapeute, mais qui ne sont ni de cinq ni de dix... Si le législateur envoie le message qu'en cas de mal de dos, on a le droit à dix séances alors que cela n'a aucune utilité, la demande de séances risque d'exploser.
À l'article 2 bis, la loi donne des responsabilités de prescription d'actes en précisant qu'ils ne sont pas remboursés. Cela crée un système à deux vitesses : pour un même acte, si celui-ci est prescrit par un médecin, il est peut être remboursé sous certaines conditions, mais il ne l'est pas s'il est prescrit par un masseur-kinésithérapeute. Ce système est injuste. Nous affaiblissons le périmètre de la sécurité sociale. Nous ne mettrons pas le doigt dans ce dispositif. S'il est prescrit et donc médicalement utile, l'acte doit être remboursé. Mais nous ne pouvons pas supprimer cette absence de remboursement par amendement, l'article 40 de la Constitution nous l'interdisant. Je vois bien l'intérêt du Gouvernement...
Les orthophonistes ont un haut niveau de compétence. Ils effectuent des diagnostics, font le traitement, et s'inscrivent dans le parcours de soins en transmettant les informations au médecin traitant. Il n'y a aucune raison de ne pas leur accorder l'accès direct. L'article 3, qui le limite à certains types de structures, est injuste ; mais supprimer les restrictions est irrecevable.
Aux articles 4 ter et 4 quater, nous refusons que les soignants aient une responsabilité collective. Ce principe est flou juridiquement. Par contre, nous sommes favorables à une responsabilité individuelle qu'il faut organiser plus finement que la précédente obligation qui a été abrogée. Les CPTS, les ordres départementaux et les agences régionales de santé (ARS) doivent mettre en place un dispositif. L'ensemble des professionnels doivent, dans le cadre de leur mission, participer à la PDSA.
Nous ne sommes pas favorables à l'article 4 duodecies qui est une demande de rapport extrêmement provocante envers les médecins traitants.