Toutes nos projections sont basées sur des hypothèses démographiques. Au sein du COR, nous ne prétendons pas être démographes : nous nous sommes fondés sur les chiffres de l'Insee, lesquels ont été révisés en 2021.
L'Insee a pris acte d'une baisse de la fécondité par rapport au début des années 2000 et table sur une stabilisation de l'indice conjoncturel de fécondité à 1,8 enfant par femme jusqu'à la fin de la période, à horizon de cinquante ans.
Il prévoit un solde migratoire - la différence entre les entrées et les sorties du territoire de Français et d'étrangers - de 70 000 personnes par an sur ladite période. Dans ce domaine, les projections sont aléatoires car ces mouvements sont liés à la situation internationale et aux circonstances politiques intérieures - données que personne ne maîtrise, surtout à horizon de cinquante ans. Selon les derniers chiffres dont nous disposons, ce solde serait un peu supérieur à 70 000 par an, ce qui ne nécessite pas de réviser les hypothèses de l'Insee.
Pour ce qui est de l'évolution de la longévité, l'Insee a revu ses prévisions à la baisse en 2021. Les phénomènes d'augmentation de la longévité et de diminution de la mortalité vont persister, mais à un rythme beaucoup plus lent qu'avant. Selon le démographe Hervé Le Bras, nous sommes trop optimistes sur la longévité. Pour ma part, j'utilise comme hypothèses les données de l'Insee, qui servent aussi de bases aux projections du Gouvernement.
Depuis le milieu des années 1990, le niveau de vie des retraités est supérieur à celui de l'ensemble de la population. Certes, les retraites représentent 50 % du salaire moyen, mais il faut prendre en compte l'ensemble des revenus pour calculer le niveau de vie, et rapporter ce revenu global à la composition de la famille. Or, en règle générale, les retraités n'ont plus de charge d'enfants. Comme les pensions vont connaître une diminution relative par rapport aux rémunérations des actifs, tout en continuant à augmenter, le niveau de vie relatif baissera. Demain, les retraités seront relativement plus pauvres par rapport aux actifs qu'ils ne le sont aujourd'hui, mais plus riches que les retraités d'aujourd'hui. Nous allons en arriver à la situation que connaissait la France dans les années 1980 et que connaissent aujourd'hui la Suède, le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Cette diminution explique pourquoi les dépenses de retraites ne dérapent pas. Si l'on veut maintenir le niveau de vie des retraités par rapport aux actifs, il faut prendre des mesures et, dans ce cas-là, les dépenses de retraite augmenteront par rapport au PIB.
Les projections que je viens d'évoquer sur le niveau de vie à très long terme des retraités par rapport aux actifs sont mécaniques : elles supposent une absence de modification des comportements des futurs retraités. Or il est possible que ceux-ci décident de réagir : ceux qui en ont les moyens pourront épargner plus pendant leur vie active pour avoir davantage de revenus du capital lorsqu'ils seront retraités, ou repousser l'âge auquel ils quitteront leur emploi pour bénéficier d'une pension plus élevée.
La question de l'équité entre les générations est très compliquée à appréhender. Il faut comparer le niveau de contribution d'une génération et ce qu'elle en retire, c'est-à-dire le montant des pensions et la durée de retraite.
La durée de retraite a augmenté jusqu'à la génération née en 1950. Pour les générations suivantes, le report de l'âge de la retraite de 60 à 62 ans est entré en vigueur, ce qui a conduit à une diminution de la durée de retraite. De la génération 1955 à la génération 1975, la durée de retraite est quasi stable, puis elle recommence à croître avec l'augmentation de l'espérance de vie. La réforme aboutirait à un report de l'âge de départ à la retraite d'environ sept mois pour la génération 1972.
En pourcentage du temps de vie, la durée de retraite est stable, autour de 28 %.
Quant aux cotisations, elles n'ont cessé d'augmenter. Un actif d'aujourd'hui contribue plus que ne le faisaient ses parents.
Pour faire un bilan complet de l'ensemble de ces paramètres, il faut calculer les taux de rendement interne entre les contributions et les cotisations. Pour simplifier, on peut dire que la tendance est stable, et qu'elle augmentera légèrement en fin de période.
Néanmoins, on ne peut pas porter une appréciation sur l'équité entre générations en matière de retraite sans prendre en considération ce qui se passe hors retraite. Le niveau de vie moyen aujourd'hui est plus du double de celui de 1960 ; quant à l'espérance de vie, elle a augmenté de quinze ans durant cette période.
S'agissant du déficit, je rappelle qu'il existe 42 régimes, dont quatre principaux : le régime de base des salariés du privé, Agirc-Arrco, le régime de retraite des fonctionnaires de l'État et la CNRACL. Par une convention qui est commune à tous, le régime de retraite des fonctionnaires de l'État est en permanence équilibré.
Le régime général, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et la CNRACL sont en déficit. Le projet de réforme prévoit d'ailleurs une augmentation des taux de cotisation spécifique à la CNRACL.
L'Agirc-Arrco est excédentaire. Dans l'hypothèse de 1 % de croissance de la productivité, ce régime resterait excédentaire jusqu'en 2070 : il n'a pas besoin d'utiliser ses réserves. Sur les 12 milliards d'euros de la réforme, l'Agirc-Arrco représente 3,5 milliards : cette somme viendra-t-elle alimenter les réserves ? Le niveau de ces dernières est au-delà de la norme de pilotage - une réserve équivalente à six mois de prestations retraites - : elles représentent plutôt huit à neuf mois. Que feront les partenaires sociaux de cet excédent ? Je ne veux pas préjuger des décisions qu'ils prendront.