Si ! Sommes-nous capables de trouver un chemin pour protéger à la fois les propriétaires, les locataires, les personnes mal logées ou à la rue ? Les moyens de protéger les petits propriétaires existent. Des mesures de protection équilibrées pour les propriétaires et les locataires pourraient être renforcées, comme la garantie des loyers. Mais rien dans l’écriture du texte, ni même dans sa réécriture moins délirante par la commission de notre assemblée, ne montre que l’objet de cette loi est la protection de ces petits bailleurs parfois démunis face aux démarches.
Le but affiché est punitif. La conséquence est la punition de familles en difficulté. Il s’agit d’une criminalisation de ceux qui subissent la précarité, de ceux qui souffrent du mal-logement et qui se voient offrir peu de solutions. Plus de 4, 1 millions de personnes sont mal logées ; 300 000 personnes sont sans abri, dont 42 000 enfants. Les chiffres sont édifiants.
Les causes sont multiples et complexes, mais la crise actuelle, inédite, entraîne une accélération de la paupérisation des populations fragiles. Les solutions à cette détresse, qui pousse les personnes dans la rue ou dans des situations d’impayés, que la proposition de loi nomme des « occupations frauduleuses », sont absentes du texte.
La notion de pénalisation et de prison pour des problèmes d’impayés est insupportable. Vous ne pouvez plus payer votre loyer, votre bail est résilié. Pourtant, vous occupez encore votre logement, faute de solutions autres que la rue ou la prison. La prison pour dettes est de retour dans notre République ! Serions-nous prêts à considérer cette dette comme la plus criminelle au sein de notre société ?
Au-delà d’une réflexion insensée plaçant l’insolvabilité de loyer dans un champ différent des autres insolvabilités, quelle est la finalité de cette pénalisation sous la forme d’une peine d’emprisonnement ? Toute sanction financière sous forme d’amende aura aussi pour conséquence de créer un cercle vicieux maintenant les occupants illégaux dans la précarité.
Hormis la valeur symbolique de la punition, qui sera gagnant ? Le propriétaire aura encore moins de chance de recouvrer sa créance.
Le président du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées l’a rappelé : « En privilégiant l’expulsion, les propriétaires auront bien moins de possibilités pour recouvrer leurs dettes. Et les locataires rejoindront les rangs des sans domicile fixe ou des sans-abri. »
La précarité est le problème de base, dans un contexte incertain alliant inflation, accroissement des contrats précaires, augmentation des factures énergétiques et diminution des indemnités de chômage. Les situations de défaut de paiement se multiplieront. Les dispositifs de mise à l’abri et d’hébergement d’urgence issus du droit au logement opposable (Dalo) ne sont pas suffisamment mis en œuvre. Ils constituent pourtant les solutions qu’un vrai texte sur le sujet aurait dû prendre en compte.
Les dispositions de ce texte vont dans le sens inverse ! D’après la Fondation Abbé Pierre, elles provoqueront jusqu’à 30 000 décisions d’expulsion supplémentaires, soit autant de personnes qui risquent de se retrouver à la rue.
Mes chers collègues, c’est avec une certaine fascination que j’observe une tentation quelque peu démagogique en matière de positionnement sur le droit de propriété, que personne, je le répète, ne remet en cause. Ce positionnement, fortement affirmé et défendu par certains dans cet hémicycle est pourtant variable, comme je l’ai rappelé pour ce qui concerne l’expropriation des biens en état d’abandon manifeste. Un jour, le droit de propriété est absolu, le lendemain, il ne l’est pas.
C’est notre devoir de garantir les droits et la protection des plus vulnérables. La loi telle qu’elle nous est arrivée de l’Assemblée nationale est une caricature de surenchère, de déséquilibre et de pénalisation à outrance, qui établit un amalgame coupable entre protection de la propriété, protection du domicile, squat et incapacité de payer.