Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rassure, je ne convoquerai ici ni Robespierre ni Jean Jaurès, mais plutôt, parce que l’urgence est là, les 400 millions de mal logés ainsi que les 170 propriétaires spoliés, pour rappeler que cette proposition de loi ne règle rien et ne répond pas au problème crucial qui se pose dans notre pays : avoir un logement digne.
Les récentes périodes de confinement ont démontré l’importance d’un logement de qualité pour bien vivre.
La présente proposition de loi porte un coup violent au progrès collectif visant à prévenir les expulsions locatives et les mises à la rue. De fait, elle fait fi des plus précaires. Sous couvert de rééquilibrage des rapports entre locataires et propriétaires, vous nous proposez, mes chers collègues, de criminaliser la précarité.
Dans cette proposition de loi, tout est mélangé et mis au même niveau. Rappelons que 170 foyers sont concernés par ce que l’on qualifie de « squat habité ». Leur situation est inacceptable, et le droit en vigueur permet d’ailleurs d’y répondre.
Pour autant, l’objet de cette proposition de loi n’est pas de résoudre cette situation. Au contraire, elle stigmatise les plus pauvres, ces femmes et ces hommes qui sont locataires et n’ont pas les moyens de payer leur quittance, dans des zones où la spéculation et le profit rendent les loyers de plus en plus chers, où les locataires sont, de fait, précarisés, et où le nombre de personnes sans domicile fixe (SDF) ne cesse d’augmenter.
Nous réaffirmons, à l’inverse, que l’urgence est aujourd’hui de défendre le droit au logement, le droit de chacun à une vie digne, quelles que soient ses difficultés.
L’urgence est d’éviter que davantage de personnes et de familles en situation de précarité ne se retrouvent demain à la rue.
Criminaliser la précarité sans même un mot contre les bailleurs spéculateurs et autres marchands de sommeil qui empêchent l’accès des plus pauvres à un logement abordable, stable et décent est inacceptable dans une République qui arbore avec raison sa devise, « Liberté, Égalité, Fraternité », sur les frontons des mairies.
Concrètement, ce texte prévoit une accélération considérable de l’expulsion des locataires en cas d’impayés de loyers, empêchant tout travail sérieux d’accompagnement et retirant à la justice son pouvoir d’appréciation. Environ 300 000 personnes sont actuellement sans domicile et plusieurs millions de nos concitoyens sont mal, voire très mal, logés, dans un pays qui compte plus de 3, 1 millions de logements vides.
La plupart de ces personnes occupent pourtant un emploi, souvent précaire, qui ne leur permet pas d’assumer l’ensemble de leurs dépenses. Aucune d’entre elles ne s’invite chez quelqu’un pour y passer une nuit tranquille !
À l’heure de voter ce texte, ayons conscience qu’une personne expulsée ne pourra pas trouver d’hébergement après sa mise à la rue, et encore moins un logement. Elle est condamnée à vivre dehors, éventuellement avec sa famille.
Messieurs les ministres, en tant que représentants de la majorité présidentielle, vous pourriez me répondre que j’ai certes décrit une réalité, mais qu’il ne revient pas aux propriétaires de faire les frais de la pauvreté qui touche un nombre de plus en plus important de nos concitoyens. Je vous rétorquerais alors : « Que font le Gouvernement et la majorité présidentielle pour résorber cette situation ? »
Où sont les nombreuses propositions de loi qui permettraient de s’attaquer résolument à la spéculation foncière et immobilière, laquelle rend de plus en plus difficile l’accès au logement dans les grandes métropoles, là même où le travail précaire se concentre ?
Que fait la majorité présidentielle pour assurer des salaires et des pensions dignes permettant de se loger sans avoir à arbitrer, le 1er ou le 15 du mois, entre plusieurs postes de dépenses – payer le loyer, les factures d’énergie, remplir le frigo, s’acquitter des frais liés à l’éducation des enfants ?
La facilité consistant à stigmatiser les plus démunis n’est pas acceptable, et notre groupe l’a toujours refusée. Nous préconisons un tout autre projet pour notre pays !
Nous ne pouvons donc que dénoncer cette proposition de loi, laquelle ne sert in fine, au vu des premiers débats quelque peu chaotiques que nous avons eus au Sénat, ni les intérêts des propriétaires ni ceux des locataires.
En l’état, vous l’aurez compris, notre groupe votera contre cette proposition de loi.