Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 31 janvier 2023 à 21h30
Protéger les logements contre l'occupation illicite — Discussion générale

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

La propriété locative doit être protégée, et – j’insiste sur ce point – les violations de domicile sont des situations graves qui doivent être punies. Mais, encore une fois, elles sont exceptionnelles, et l’arsenal juridique permettant d’y mettre fin existe. Ce n’est pas par la stigmatisation et la criminalisation des locataires les plus précaires que nous pourrons mieux protéger ceux que vous prétendez défendre.

Face à la crise du logement et à la crise sociale, qui s’aggrave de jour en jour, vous n’avez donc rien trouvé de mieux que de faciliter les expulsions pour impayés de loyer, et de criminaliser encore davantage les occupants sans droit ni titre. Comment imaginer un tel retour en arrière, au moment où de plus en plus de familles sont précarisées par la hausse des prix des loyers et de l’énergie, et par l’inflation ?

D’un bout à l’autre, ce texte est inique, inutile et dangereux. Le groupe écologiste s’opposera fermement à ces mesures, notamment celle qui prévoit une peine totalement disproportionnée à l’encontre des occupants de logements vacants et celle qui qualifie de vol l’occupation sans droit ni titre de tout local à usage d’habitation ou à usage économique. Cet article fait primer de manière absolue la propriété immobilière sur la nécessité pour une personne de disposer d’un logement.

Si la commission a mis fin à l’amalgame entre « squatteurs » et « locataires défaillants », le texte conserve le délit consistant à ne pas s’autoexpulser de son logement. Dans les faits, cela signifie qu’une mère de famille avec ses enfants, en situation de pauvreté et ne pouvant plus payer son loyer, devrait les emmener dormir sous les ponts pour éviter la prison. Non, un locataire en difficulté, un mal logé, n’est pas un délinquant !

Nous nous opposerons à la criminalisation des associations et des groupes militants dont l’action essentielle aide à garantir les droits et les libertés des personnes en situation de précarité, ou sans logis.

Nous dénonçons également l’extension de la notion de domicile à toutes les propriétés privées. Étendre à tout type d’habitation les dispositions applicables au domicile est une conception absolutiste du droit de propriété, et met de côté le principe de la dignité humaine, ainsi que l’objectif à valeur constitutionnelle qu’est le droit au logement.

L’article 5, enfin, qui réduit les délais durant lesquels les locataires en difficulté peuvent régulariser leurs impayés, est une mesure particulièrement contre-productive, le délai entre l’assignation et l’audience servant à mettre en mouvement le processus de prévention de l’expulsion, et donc du sans-abrisme. Ces délais protègent les intérêts des locataires et des propriétaires.

Alors que la rue affecte gravement la santé physique et mentale, et a tué 623 personnes en 2021, alors que le 115 refuse chaque soir un hébergement à plus de 6 000 personnes, dont 1 700 enfants, faut-il vraiment punir d’une peine de prison ceux qui s’abritent, eux et leur famille, dans un immeuble entièrement vide depuis des années ?

Cette proposition de loi ne répond aucunement aux vrais enjeux du logement aujourd’hui. Vous prétendez sécuriser les rapports entre les propriétaires, les bailleurs et les locataires, mais vous n’attaquez pas le problème à la racine.

Messieurs les ministres, le bilan du Gouvernement en la matière ne plaide pas en sa faveur. Vous avez fait du logement social le parent pauvre des politiques publiques et mis grandement à mal les offices HLM. Vous avez baissé les aides au logement et économisé plus de 1, 5 milliard d’euros par an sur le dos des allocataires. Et vous menacez maintenant des milliers de locataires en situation d’impayé, du fait de la hausse constante des loyers et du coût de la vie, de la baisse des APL, ou encore de l’insuffisance de logements sociaux…

Il existe pourtant des alternatives pour concilier le droit au logement avec le droit de propriété.

Il est temps de mettre en place la garantie universelle des loyers, qui permet un accès plus facile au logement pour les locataires, sécurise les propriétaires et prévient les expulsions.

Instituez l’encadrement des loyers, qui réduit la vacance de logement, et permet aux propriétaires de trouver plus rapidement un locataire !

Attaquez-vous enfin à cette crise historique du logement plutôt qu’à ses victimes, ainsi qu’aux 3, 1 millions de logements vacants. Opposez-vous à cette proposition de loi qui est une terrible régression sociale et démocratique !

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