Au mois de novembre dernier, lors d’une audition par la commission des affaires économiques, M. le ministre de l’économie a confirmé ses déclarations antérieures selon lesquelles l’inflation que nous subissions n’était que transitoire et qu’une baisse des prix interviendrait à partir de la fin de l’année 2022.
Nous sommes au premier trimestre 2023 et cette baisse des prix n’est pas intervenue. Or si, pour certains, trois mois, c’est peu de chose, pour ceux qui éprouvent des difficultés financières, c’est une éternité.
On le sait désormais, cette inflation sera pérenne : les estimations portent plutôt sur une stabilisation d’ici à 2025. Mais de quoi parlons-nous en 2025 ? D’une inflation nulle ? D’une inflation à 2 % ou 3 % ? Comment évolueront les taux d’intérêt ? Quelle politique sera menée par la BCE ? Personne ne peut le dire, au vu de la vitesse à laquelle évolue l’économie mondiale. Méfions-nous des estimations ; la sagesse nous commande de relativiser toutes les prévisions que nous pourrions faire.
Il faut donc avoir en tête que, malheureusement, les épisodes de chocs économiques que nous avons connus avec la covid-19 sont amenés à se répéter et à devenir de plus en plus fréquents. Les prévisions peuvent donc être faussées, mes chers collègues.
Notre débat porte sur les conséquences de cette inflation sur le pouvoir d’achat des Français, et en particulier des plus modestes. Or, malgré le courrier que m’a envoyé Mme la Première ministre voilà quelques semaines, je reste persuadé que les difficultés éprouvées par les foyers français sont prégnantes.
Aussi, je reste mobilisé, avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, pour lutter contre la précarisation, contre les fins de mois difficiles, contre toutes ces trappes à pauvreté que ce gouvernement continue de ne pas voir. C’est d’ailleurs pour cela que notre groupe a proposé la tenue de ce débat, et je me réjouis que le président du Sénat l’ait retenu dans le cadre de ce que nous appelons désormais les débats d’actualité du premier mercredi de chaque mois.
Il est important de continuer de porter ces sujets au sein du débat national et d’être les porte-voix de nos concitoyens les plus modestes.
Madame la ministre, aucune prime, aucun chèque ne remplacera une hausse juste et durable des revenus pour maintenir – et seulement maintenir – le pouvoir d’achat. Car non, madame la ministre, l’augmentation du Smic de 8 % et les aides ponctuelles mises en place par votre gouvernement ne suffisent pas à compenser la véritable déflagration économique que certains foyers subissent.
Par ailleurs, l’obsession dogmatique du « moins d’impôts », que vous vous évertuez à ériger comme solution à tous les problèmes, ne me semble pas appropriée au contexte. Le seul ruissellement que nous connaissons, et de plus en plus, c’est celui de la précarité.
Madame la ministre, nous reconnaissons la réalité des mesures que vous avez prises en faveur du pouvoir d’achat. Pour autant, les coupes budgétaires que vous avez opérées pèsent également sur le budget des Français les plus modestes. Je pense bien sûr symboliquement à cette baisse de 5 euros décidée au début du quinquennat précédent sur les aides personnelles au logement.
Ce qu’il faut aux Français, ce ne sont pas des chèques énergie, des chèques carburant ou des chèques de rentrée.
Ce qu’il leur faut, c’est une revalorisation des salaires. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a d’ailleurs rédigé, sur l’initiative de notre collègue Thierry Cozic, une proposition de résolution visant à ce que soit tenu un Grenelle des salaires en France.
Ce qu’il leur faut, c’est que nous mettions fin au désarmement fiscal du pays. Pour rappel, la politique mise en œuvre par votre gouvernement entraînera une perte de 500 milliards d’euros de recettes fiscales entre 2017 et 2027.
Ce qu’il leur faut, c’est une juste répartition des richesses dans les entreprises prospères. Nous vous avons proposé de taxer les superprofits. Nous avons été soutenus par des millions de Français, y compris même par des parlementaires issus du centre. Vous ne nous avez pas entendus.
Il y a quelques jours était confirmé le niveau record des dividendes versés l’an dernier, à hauteur de 140 milliards d’euros. Cette situation n’est pas juste, et elle devient insupportable. Il est demandé à tous les Français de fournir un effort. Ce sera l’objet, dans quelques heures, de nos débats sur les retraites.
La décence voudrait que nous demandions le même effort à tous nos concitoyens, y compris ceux qui ont le plus bénéficié de l’hyperbouclier fiscal depuis maintenant bientôt six ans. Les concitoyens que nous souhaitons aider ne sont pas les plus riches ; ce sont ceux qui font exploser les chiffres des Restos du cœur.
Ce qu’il faut aux Français, madame la ministre, ce ne sont pas des mesures ponctuelles ; c’est une réelle redistribution. Sinon, attention danger ! Le désespoir est source de toutes les colères.