Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la pédagogie étant l’art de la répétition, je veux redire que l’espérance de vie en bonne santé est, en France, de 64 ans pour les femmes et de 62 ans pour les hommes. « Vous partirez quand vous ne serez plus en assez bonne santé pour travailler » : en repoussant l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, est-ce ce message que vous voulez envoyer, messieurs les ministres ?
Avec cette réforme, vous dessinez un projet de société déshumanisant. Vous rêvez d’une société qui travaille toujours plus pour produire toujours plus. Vous êtes dans la rentabilité, la compétitivité, au lieu d’être dans la solidarité, la coopération, la vie tout simplement. Loin de sauver la retraite par répartition, vous la fragilisez et vous ouvrez la voie à la retraite par capitalisation.
Après tout, dites-vous, que sont deux années dans une vie ? Ce sont 730 jours de trop pour un homme ou une femme ayant attendu sa retraite comme une délivrance après des décennies de dur labeur !
Bien sûr, quand on travaille par passion et par conviction, sans s’épuiser à la tâche, on ne compte pas son temps… Voilà sans doute pourquoi nous sommes si nombreux, dans cet hémicycle, à avoir dépassé 64 ans, n’est-ce pas ? Ne peut-on admettre que, quand on travaille par nécessité et dans l’effort permanent, on voit la retraite comme une libération et le commencement d’une vie nouvelle ?
Encore faut-il que l’on puisse mener cette seconde vie dignement. Le 10 janvier dernier, Mme la Première ministre déclarait : « Une vie de travail doit garantir une retraite digne. » Et ce gouvernement de vanter une réforme revalorisant la pension des salariés au Smic jusqu’à 1 200 euros brut s’ils ont cotisé toute leur vie… Avez-vous conscience que, avec l’inflation actuelle, 1 200 euros ne permettront jamais à quiconque de vivre ? Cette somme permettra, au mieux, de survivre ! Savez-vous seulement combien pourront en bénéficier ? M. le ministre du travail donne chaque jour des chiffres différents…
Dès lors qu’il faudra justifier d’une carrière complète cotisée à temps plein, au Smic, les femmes, comme toujours, seront les premières lésées. Elles représentent 80 % des salariés à temps partiel et, pour la plupart, suspendent un temps leur carrière en raison de leurs maternités. En outre, leur salaire est, en moyenne, inférieur de 22 % à 28 % à celui d’un homme : elles ne cotisent donc pas de la même façon. Pour certaines, atteindre le nombre d’annuités requis reviendrait à partir à l’âge de 67 ans. De qui se moque-t-on ?
Vous comptez sur la droite sénatoriale pour vous accorder une légitimité parlementaire. Je déplore, pour ma part, qu’il n’y ait pas eu de poursuite des débats ni de vote à l’Assemblée nationale.